MoryGlobal, Intermarché, Sony... Ces dernières semaines, les annonces de licenciements se multiplient. Le gouvernement avance un effet trompe-l’œil. A l’heure où l’on entend parler d’une reprise qui serait « là », il n’est pas folichon le « front de l’emploi », comme on l’appelle.
Rien que jeudi, on apprenait la mise en place de deux nouveaux plans sociaux, qui vont conduire à la destruction de 668 emplois : 600 à Intermarché, 68 dans la filiale de conception de DVD de Sony. A quoi s’ajoute, ce même jeudi, la publication d’une étude du cabinet Altares, selon laquelle les faillites de très petites et moyennes entreprises étant en hausse au premier trimestre 2015, 66 000 emplois sont menacés en ce moment même en France. Le point sur les derniers plans sociaux annoncés, et sur la réaction du gouvernement, qui tente de nuancer le tableau.
Prononcée le 31 mars, la liquidation du groupe de transport routier sera effective à la fin de ce mois d’avril, avec le licenciement de 2 150 personnes. « On est écœurés. On a été roulés dans la farine pendant des années », expliquait l’un des salariés, Mourad ben Kraouda, 53 ans, le 31 mars, tandis que l’avocat du comité d’entreprise de MoryGlobal, Thomas Hollande (fils de), assurait qu’« on va se battre pour consolider le PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) », afin d’obtenir pour ces salariés la même chose que ceux partis l’année précédente.
La Halle aux Vêtements va subir la fermeture de 174 de ses magasins à travers la France. (Photo Damien Meyer. AFP)La Halle aux Vêtements va subir la fermeture de 174 de ses magasins à travers la France. (Photo Damien Meyer. AFP)
La direction du groupe, qui possède entre autres les enseignes La Halle, André et Kookaï, et qui emploie plus de 17 000 salariés en France, a annoncé le 6 avril la suppression de 1 600 postes, essentiellement dans ses magasins La Halle aux vêtements. « Les actionnaires se sont gavés en touchant plus d’un milliard d’euros d’intérêts », dénonce un syndicaliste FO du groupe, ajoutant que le groupe « a touché 30,4 millions d’euros de subventions d’allégements Fillon et 15 millions du CICE [crédit d’impôt compétitivité emploi] ».
Intermarché logistique, filiale du géant de la distribution Intermarché (lui-même filiale des Mousquetaires), va supprimer au moins 600 postes d’ici 2018 : le nouveau plan « porte sur 600 salariés impactés avec la fermeture de 6 bases », explique le délégué syndical CGT Pascal Petit, précisant que les bases concernées sont Rostrenen (Côtes-d’Armor), Saint-Gérand (Morbihan), Levet (Cher), Avermes (Allier), Magny-le-Désert (Orne) et Mellac (Finistère). Selon Franck Barbato, de la CFDT, « on est plus sur 848 postes impactés et 241 créations de postes », donc un solde de 600 postes nets. Le responsable CFDT souligne que les postes créés risquent « de ne pas servir aux salariés qui vont être licenciés ».
Après Moryglobal, le groupe de messagerie Gefco a annoncé mardi étudier la suppression de 500 postes, soit plus de 10% de ses effectifs dans l’Hexagone. La société, qui compte plus de 4 000 salariés en France, est une ancienne filiale du groupe automobile PSA Peugeot Citroën, qui en a cédé 75% aux chemins de fer russes (RZD) fin 2012 pour 800 millions d’euros et conservé une participation minoritaire de 25%. « Nous ne fermons aucune agence mais nous devons réduire nos coûts », a déclaré le président du directoire de Gefco, Luc Nadal, lors d’une conférence de presse.
La direction du groupe public prévoit un plan de départs volontaires de 380 personnes – une des principales causes du mouvement de grève de 29 jours qui a été observé par les personnels de la Maison de la radio. Les syndicats espèrent pouvoir l’amender, et comptent sur des départs parmi les « 198 cadres de direction avec des hauts salaires » pour dégager « des marges ».
Des syndicalistes de Dim avant le comité d’entreprise dans l’usine d’Autun le 16 avril 2015Des syndicalistes de Dim avant le comité d’entreprise dans l’usine d’Autun le 16 avril. (Photo AFP)
La maison mère de Dim, le groupe DBApparel (qui possède aussi Playtex ou Wonderbra) a dévoilé mercredi un plan de restructuration prévoyant 600 suppressions de postes en Europe, dont 265 chez Dim. Les fonctions support d’Autun, berceau du fabricant de sous-vêtements en Saône-et-Loire, sont les principales visées, avec 165 emplois supprimés. « On est en train de péter l’entreprise », déplorait un syndicaliste mercredi.
Sony DACD, la branche française du groupe d’électronique japonais consacrée à la conception et la distribution de DVD et Blu-Ray, compte fermer son site de Moissy Cramayel (Seine-et-Marne) en 2016, a appris Libération jeudi. Soixante-huit personnes sur les 78 travaillant sur le site sont menacées de licenciement. Le plan est justifié, selon un document de la direction que Libération s’est procuré, par une « baisse de l’activité » sur la fonction de distribution du site. Ce dernier est en effet chargé de distribuer des DVD et Blu-Ray de plusieurs compagnies, dont Warner et Paramount, deux clients qui n’en seront plus dans les prochains mois.
Point commun de ces plans sociaux : ils ont été annoncés après les élections départementales (à l’exception de celui de Radio France). Pour autant, le gouvernement évacue d’emblée un rapport de cause à effet. Invité jeudi de la matinale de France Inter, le ministre du budget, Michel Sapin, a ainsi déclaré qu’« on n’est pas en 2012 », une référence au fait que le gouvernement Sarkozy-Fillon avait alors été accusé de se débrouiller pour faire reporter des annonces de suppressions de postes à après les élections présidentielle et législatives. « Vous croyez que les entreprises vont se préoccuper de savoir s’il y a une élection départementale, ou pas d’élection départementale ? » a demandé Michel Sapin, ajoutant : « C’est ainsi que ça se passe. Je ne dis pas ça pour minimiser ces situations, elles sont douloureuses. »
Même topo au ministère du Travail, joint par Libération. On y explique qu’il y a certes eu « un enchaînement d’annonces » ces deux dernières semaines, mais que « ce sont les entreprises qui déterminent leur calendrier ». Et s’il est impossible, dans l’immédiat, de chiffrer l’ampleur des plans sociaux pour 2015 – d’autant que certains de ceux annoncés ces derniers jours seront mis en place en 2016 –, le ministère souligne que 2014 « a affiché une nette diminution par rapport à la période 2009-2010 avec un nombre de plans sociaux inférieur à 800 ». Par rapport à 2009-2010, certes ; mais en 2013, selon les données de la Dares (en pdf), 191 000 personnes se sont inscrites à Pôle Emploi à la suite d’un plan social, soit 7% de plus qu’en 2012.
Au total, selon des données transmises à Libération par l’« observatoire de l’investissement » Trendeo, qui « aspire » les annonces de suppressions d’emplois parues notamment dans la presse locale, le premier trimestre 2015 est meilleur que le même trimestre de 2014, avec « 3345 emplois nets créés, contre 311 emplois nets supprimés en 2014 ». Trendeo relève tout de même que le mois de mars a été particulièrement mauvais, avec une hausse de 2% des annonces de suppressions d’emplois sur un an.
Quant à l’étude d’Altares, qui enregistre un « niveau historique des défaillances […] sur le 1er trimestre 2015 » avec 18 000 PME qui ont fait faillite, soit près de 66 100 emplois menacés, le ministère du Travail préfère signaler que selon des données publiées jeudi par Pôle Emploi, « les entreprises ont une intention de recrutement en hausse de 2,3% », soit « 1,7 million d’embauches potentielles » sur l’année.
LIBÉRATION AFP