Les Echos
Valls a dénoncé les débordements intervenus lors de l’interruption du comité central d’entreprise d’Air France ce matin et a apporté « tout son soutien » à la direction de la compagnie.
Journée sous haute tension chez Air France. Tandis que la direction de la compagnie présentait ce matin en comité central d’entreprise son nouveau plan de réduction des effectifs, qui prévoit la suppression de 2.900 postes, des salariés ont envahi la salle, interrompant la séance. Des membres de la direction ont été malmenés par quelques manifestants, ce qu’ont dénoncé de concer le Premier ministre et le secrétaire d’Etat aux Transports. Le CCE ne devrait pas reprendre ce lundi.
A 9h30, ce lundi, a débuté le comité central d’entreprise (CCE), durant lequel devait être présenté le plan de réduction de l’offre et des effectifs, décidé jeudi par le conseil d’administration d’Air France-KLM, après l’échec des négociations avec les syndicats de pilotes.
(Alexandre de Juniac est le PDG d’Air France-KLM) et « On est chez nous ». Le PDG d’Air France, Frédéric Gagey, aurait quitté la salle précipitamment, selon l’AFP. La réunion devrait reprendre cet après-midi à 14h30. Pendant ce temps là, d’autres manifestants continuent de défiler autour du siège d’Air France.
10h30. Un cortège de manifestants s’improvise devant le siège d’Air France Les manifestants, qui entendent faire pression sur la direction, investissent le parvis devant le siège de la compagnie. Notre journaliste sur place témoigne
La direction l’a confirmé : son plan de restructuration prévoit bien la suppression de 2.900 postes (300 pilotes, 900 hôtesses et stewards et 1.700 personnels au sol), avec pour la première fois, la possibilité de licenciements secs parmi les navigants. Cinq avions quitteront la flotte long-courrier en 2016, puis neuf autres en 2017. Cinq lignes seront fermées en Inde et en Asie du Sud-Est en 2017 ; la fréquence sera réduite sur 22 autres lignes dès 2016. Et, selon Reuters, Air France espère négocier avec Boeing l’annulation d’une commande de 787 passée en 2011.
11h50. Le rassemblement devant le siège d’Air France se termine Les manifestants réunis devant le siège d’Air France se dispersent peu à peu. Certains veulent cependant poursuivre leur défilé devant l’aéroport de Roissy.
Dans le cortège de la manifestation, les pilotes cotoient les personnels au sol et les hôtesses et stewards. Bien que la direction d’Air France les aient tenus pour responsables de la situation, il n’y a pas d’hostilité à leur égard, rapporte notre journaliste sur place. Les manifestants se veulent unis et solidaires.
Selon Reuters, des salariés en colère ont malmené le DRH lorsqu’ils ont envahi la salle ou se tenait le comité d’entreprise. Xavier Broseta s’est enfui torse nu après s’être fait arracher sa chemise. Pierre Plissonnier, numéro deux du long-courrier de la compagnie et son DRH à Roissy, a eu de son côté sa chemise déchirée. Air France va porter plainte pour « violence aggravée », a indiqué un peu plus tard un porte-parole.
Des plaintes vont être déposées pour violences aggravées contre les qq excités qui privilégient la violence au dialogue social #AirFrance
Le comité central d’entreprise (CCE) d’Air France, interrompu dans la matinée par des manifestants, ne se poursuivra pas ce lundi, ont indiqué à l’AFP plusieurs sources syndicales. « Le CCE ne reprendra pas, le point d’information ayant été effectué », a confirmé à Reuters un porte-parole d’Air France. 12h25. Le président du SNPL national prend position
Dans une tribune adressée aux « Echos » , le président du syndicat de pilotes SNPL national, Erick Derivry, demande à l’Etat de prendre ses responsabilités sur le dossier Air France. « Il faudra nécessairement, pour obtenir des salariés une adhésion de principe à de nouveaux efforts de productivité et de compétitivité, que l’Etat accompagne cet effort et produise le sien », estime-t-il.
13h55. Des voix s’élèvent pour dénoncer les violences de la matinée
Les « violences physiques » qui ont eu lieu en marge du comité d’entreprise d’Air France sont « inacceptables » et « méritent d’être sanctionnées », a estimé le secrétaire d’Etat aux Transports, Alain Vidalies, dans un communiqué transmis à l’AFP.
Quelques minutes plus tard, le Premier ministre, Manuel Valls, s’est dit à son tour « scandalisé » par ces débordements et a apporté « tout son soutien » à la direction.
Le numéro un de Force ouvrière, Jean-Claude Mailly, a également déploré ces incidents, tout en disant comprendre « l’exaspération » des salariés. « On peut se battre contre une direction sans être violent », a-t-il ajouté.
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Depuis plusieurs semaines, la direction d’Air France a joué le premier acte de sa bataille pour imposer une baisse de 1 milliard de la masse salariale d’Air France, des gains de productivité à hauteur de 17%, dans le seul but d’augmenter ses marges financières.
Un premier acte qui vient de ses conclure par le refus des syndicats de navigants de céder et l’annonce par le Conseil d’Administration du Groupe du plan B, plan dit d’attrition. Derrière ces apparences dramatiques, le but n’est nullement de baisser l’activité du Groupe.
La première cible est le personnel navigant technique (les pilotes), avec une grande mise en scène médiatique : plusieurs semaines de négociations où la barre a été mise volontairement très haut par la Direction, de manière clairement provocatrice : exiger 100h de vol (équivalent à 200 heures de travail) de plus par an pour le même salaire. La Direction, vu l’échec des négociations, annonce quelques fermetures de lignes….et la suppression de 400 postes de pilotes.
Mais, en cas de signature, grâce aux gains de productivité, la Direction annonçait aussi 400 suppressions de postes ! De fait, la Direction veut que l’accord avec les pilotes apparaisse clairement comme une défaite du syndicat majoritaire, le SNPL qui vient de refuser le 30 septembre de mettre sa signature au bas de l’accord. La presse et le gouvernement dénonce ces « privilégiés qui vont faire couler la compagnie ».
La défaite des pilotes est nécessaire pour parachever le deuxième volet de l’attaque du premier acte : le personnel navigant commercial (hôtesses et stewards, 14000 salariés) où le but là aussi est d’obtenir de 15 à 20% de gain de productivité, par une augmentation des heures de vols, la diminution des jours de repos et des temps de repos en escale, une diminution des compositions équipage dans les avions.
Le Conseil d’Administration du Groupe va donc mettre sur la table un plan « de réduction d’activité » dans les deux ans à venir, avec des suppressions d’emplois au sol et chez les navigants, comme conséquence de « l’égoïsme des pilotes ». La réduction d’activité sera toute symbolique ,car le deuxième acte réel sera d’obliger les syndicats navigants à revenir à la table de négociation et à plier et, après la défaite voulue des syndicats de navigants, d’enfoncer le clou par de nouvelles attaques contre les personnels au sol (30000 salariés), avec le soutien de la CGC et de la CFDT ( au moins…).
Ces deux syndicats ne cessent de répéter que, si les pilotes ne signent pas l’accord, il y a aura des milliers de licenciements au sol. Une façon de dédouaner la Direction des attaques déjà prévues, notamment contre les salariés des escales de province, Marseille et Bastia en tête.
Le but n’est évidemment pas de « ne pas mourir », ni de résister à une concurrence imaginaire. Air France ne compte pas réellement mettre son activité et son développement en sourdine. La compagnie gagne mois après mois des parts de marché dans le secteur, remplit ses avions à un taux record de 90% et ne baisse nullement le prix de ses billets. Cela dans un contexte où le prix du kérosène a baissé de moitié en quelques mois…Après avoir supprimé 8000 emplois depuis deux ans et demi, bloqué les salaires et largement dégradé les conditions de travail, c’est à une vrai défaite frontale que De Juniac veut arriver.
Même si la plupart des dirigeants syndicaux (et une bonne partie du personnel) se laisse prendre par le discours dramatique de la Direction et les manœuvres de division, jusqu’ici une réaction unitaire s’est mise sur pied, facilitant la résistance actuelle des syndicats des navigants .
La majorité des syndicats d’Air France, sols et navigants (sauf la CFDT et la CGC) ont mis sur pied une large intersyndicale qui refuse la menace des licenciements et appelle à un rassemblement le 5 octobre , jour du CCE. Pour le personnel au sol, de nombreux appels unitaires à la grève ont lieu dans les secteurs. Sud Aérien et la CGT appellent ce jour-là toutes les catégories de salariés à la grève.
Combattre la Direction, le gouvernement allié de cette Direction et une campagne médiatique bien orchestrée sera évidemment une bataille difficile qui impose de résister au chantage et aux manœuvres de division. L’enjeu, comme chez Lufthansa ou British Airways est de résister à une nouvelle dégradation des conditions de travail, aux pertes d’acquis et de salaires.