Supprimée de la loi Travail de l’an passé, la réforme des indemnités prud’homales revient sur le devant de la scène. Et les ordonnances Macron vont encore plus loin que la version d’El Khomri.
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Comme prévu, le gouvernement s’attaque dans ses ordonnances aux indemnités prud’homales. Le nouveau barème revoit très largement à la baisse ces indemnités, mais en plus il invite le juge à tenir compte des indemnités légales ou conventionnelles déjà perçues par le salarié. Une nouveauté qui fait que l’on peut gagner… mais sortir avec zéro euro d’indemnités.
Aujourd’hui, si un salarié est licencié au bout de 2 ans dans l’entreprise, il peut compter sur 6 mois de salaire minimum. Mais ça, c’était avant. Avec les ordonnances, il n’obtiendra plus que 3 mois de salaire maximum. La pire attaque sera pour les salariés ayant moins de 2 ans d’ancienneté. Actuellement, le barème est de 2 mois de salaire si le salarié a une ancienneté inférieure à 1 an et 3 mois de salaire à partir d’un an d’ancienneté plus 1 mois supplémentaire jusqu’à 8 ans d’ancienneté. Et ce n’est pas un plafond, le salarié peut obtenir plus. Les ordonnances prévoient un mois maximal pour tous les salariés ayant moins d’un an d’ancienneté et … aucune indemnité minimale. Le texte va même plus loin en fixant un minimum de 3 mois de salaire à payer pour 30 d’ancienneté dans une même boîte.
Dans les TPE, les travailleurs sont encore plus attaqués. Dans les entreprises de moins de 11 salariés, pour 2 ans d’ancienneté, le salarié aura tout juste 15 jours de salaire assurés. Le plancher prévu est très bas durant la première décennie. Il faudra attendre 30 ans d’ancienneté pour que le plafond atteigne 20 mois de salaire. Même dans le barème de la loi Macron, cette somme maximale était potentiellement atteignable dès 10 ans d’ancienneté…
Cette différence de traitement selon la taille de l’entreprise ne sera pas censurée par le Conseil constitutionnel, assure le cabinet du ministère du Travail. Quand les Sages avaient retoqué le barème des indemnités prud’homales présent dans la loi Macron, jugeant qu’il introduisait « une rupture d’égalité devant la loi », c’était, affirme-t-il, à cause de la différenciation sur le plafond, non sur le plancher. Bien évidemment, les fortes mobilisations n’ont pas poussé les « Sages » qui ont coûté 1 810 303 euros en salaire en 2017 à mettre cette réforme au placard. Un plafond impératif de dommages et intérêts en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse figure bien dans les ordonnances et il devrait s’appliquer, sauf dans les cas de discrimination ou de harcèlement. Deux cas qui sont extrêmement difficiles à prouver par le salarié.
Alors, quelles sont les raisons avancées par le gouvernement pour un tel barème ? Les indemnités prud’homales représentent un « véritable frein à l’embauche » ! Un argument surréaliste qu’il sera bien difficile à faire avaler aux travailleurs.
Autre petit plus de la réforme, le gouvernement a prévu que « pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge [pourra] tenir compte (…) des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture ». Autrement dit, il est fortement encouragé à diminuer la somme qu’il avait l’intention d’allouer si le salarié a perçu des indemnités. Ainsi, le plancher ne sert plus à grand-chose comme en témoigne Avi Bitton, avocat en droit social qui assure la défense des salariés. « Il sera donc possible pour le juge de faire sauter le plancher, alerte. Certes, en pratique, il y a peu de chances pour que les juges aillent jusque-là. Mais on sent en tout cas une volonté de tirer au maximum la réparation vers le bas ». Prenons un exemple. Un salarié ayant 18 mois d’ancienneté dans une entreprise de plus de 11 salariés est licencié, il peut donc toucher 1 mois de salaire brut, soit 1 480,27 euros s’il travaille 35 heures au SMIC. Les indemnités de licenciement correspondent à cette formule « 1/5e de mois de salaire par année d’ancienneté X nombre d’années d’ancienneté. ». Concrètement, le juge pourra soustraire 444,08 euros aux indemnités prévues par le nouveau barème, ce qui lui fera donc plus qu’une indemnité de 1036,19 euros.
Pour contourner ces barèmes, les avocats tenteront de jouer la carte du harcèlement ou de la discrimination mais, étant donné qu’il est très compliqué de prouver ces faits, cela reste limité comme tactique. D’autant plus que pour saisir les prud’hommes, le délai sera diminué de moitié : il passera à 12 mois maximum. Les avocats pourront également multiplier les chefs de demande, pour tenter de gratter un peu plus là où ils peuvent. Pierre Brégou, avocat au cabinet Caravages, explique que « les avocats devraient notamment aller sur le terrain de l’exécution déloyale du contrat de travail ». Ils essaieront de prouver que l’employeur a manqué à son obligation de formation du salarié et que celui-ci a perdu, de fait, son employabilité. Mais les sommes rapportées ne seront pas à la hauteur des pertes que prévoit le nouveau barème. « Le fait que l’employeur vous a fait travailler exceptionnellement un dimanche ou a omis de vous faire passer la visite médicale ne vous rapportera que des sommes modiques », fait remarquer Avi Bitton. Quelques centaines d’euros, pas plus.
Cette attaque en règle du gouvernement va beaucoup plus loin que la loi Macron, sous couvert de défendre l’emploi et de le libérer de ses entraves, Jupiter et ses messagers veulent détruire entièrement les derniers remparts qui empêchent le patronat de traiter les salariés comme des esclaves. Tout le monde sera touché par cette réforme puisqu’en même temps le gouvernement s’attaque aux régimes spéciaux. C’est pourquoi il est important de se mobiliser à partir du 21 septembre, journée de mobilisation appelée par la CGT, pour mettre en déroute le gouvernement et le MEDEF.
PAR REVOLUTION PERMANENTE