Une victoire sur toute la ligne pour les ouvriers d’Audi Hongrie qui risque d’impacter l’ensemble de la classe ouvrière hongroise et celle de toute la région.
On parle de l’un des sites de production les plus importants d’Audi. Les 13 000 ouvriers et ouvrières du site de la ville de Györ, à l’ouest de la Hongrie, ont généré 8,3 milliards de dollars de revenu net, 12% des profits totaux pour Audi au niveau mondial. L’usine de Györ fournit des pièces à 32 autres sites du groupe Volkswagen, auquel appartient Audi. Quant à l’économie hongroise, l’usine Audi représente 1,4% du PIB national.
On comprend alors qu’une grève suivie par des milliers d’ouvriers (sans doute plus de 9 000 sur les 13 000 salariés) pendant une semaine ne pouvait qu’avoir un impact énorme pour l’ensemble du groupe et pour l’économie nationale.
En effet, jeudi 24 janvier les ouvriers de l’usine entamaient une grève d’une semaine pour une hausse de salaires et de meilleures conditions de travail, notamment l’obtention d’un week-end de repos par mois. Les salariés d’Audi Hongrie dénonçaient le décalage entre leurs salaires et leurs pairs des pays de la région. Effectivement, dans le groupe Volkswagen les salariés hongrois sont ceux qui gagnent le moins par rapport à ceux de la République Tchèque (+25%), de la Slovaquie (+28%), de Pologne (+39%), sans parler des salariés en Europe de l’Ouest où les salaires peuvent être jusqu’à 3,6 fois plus importants que ceux de leurs collègues hongrois.
L’entreprise offrait une hausse de salaires de 20% en deux ans. Mais le syndicat, l’AHFSZ (Syndicat Indépendant Audi Hungária) exigeait une augmentation immédiate de 18%. La grève a été très suivie et a obtenu un grand soutien, y compris du syndicat allemand IG Metall. La grève a également provoqué l’arrêt du site Audi d’Ingolstadt en Allemagne et un arrêt partiel du site Volkswagen de Bratislava en Slovaquie.
Finalement, après six jours de grève et plusieurs tentatives de négociations infructueuses la direction a dû céder. Ainsi, les ouvriers ont obtenu : une augmentation des salaires de 18 %, et d’au moins 75 000 huf mensuels (240 euros) ; 400 000 huf en nature par an en 2019 et 2020 (1 250 euros) ; 6 000 huf mensuel en bonus d’ancienneté après la 5ème année, puis 1 500 huf de plus par année supplémentaire ; un week-end de congé par mois garanti.
La Hongrie, après la restauration du capitalisme, est devenue, à côté des pays voisins, une sorte « d’arrière-cour » pour les industriels allemands, notamment pour les multinationales du secteur automobile. A la recherche d’une main d’œuvre bon marché, beaucoup de multinationales y ont installé des sites pour mener les activités exigeant le moins de qualification. Ainsi, en plus d’Audi, Daimler, Suzuki, General Motors, BMW, entre autres, y ont des usines.
En ce sens, la victoire des ouvriers et ouvrières d’Audi pourrait avoir des répercussions dans d’autres entreprises du secteur en Hongrie et ailleurs. Les syndicats de Skoda en République Tchèque ont déjà déclaré qu’ils sont prêts à suivre l’exemple hongrois si la direction ne répond pas à leurs exigences salariales. Nous ne pouvons pas oublier non plus la grève massive et la victoire des salariés de Volkswagen en Slovaquie en 2017 ou encore la grève de plus de 2 000 ouvriers de l’usine Fiat en Serbie aussi en 2017.
Ainsi, on ne peut pas exclure que cette victoire de la grève à Audi Hongrie permette à d’autres secteurs de la classe ouvrière dans l’industrie automobile de relever la tête mais aussi dans d’autres branches de l’industrie et dans le secteur public.
Cette victoire pose une menace pour le modèle économique de Viktor Orban. Comme déclarait un responsable syndical d’Audi : « nous ne sommes pas en train de penser aux salaires en Hongrie, où nous sommes près du sommet dans l’échelle salariale, mais en termes régionaux (…) [mais] si cela signifie que nous allons pousser vers le haut les salaires à travers la Hongrie, nous sommes d’accord avec ça ».
En effet, la Hongrie est secouée depuis quelques semaines par la contestation populaire face à l’adoption par le gouvernement d’une loi permettant aux entreprises d’imposer des heures supplémentaires aux salariés et de les payer seulement 3 ans plus tard.
En effet, cette loi cherche à répondre aux besoins de main d’œuvre des industriels allemands notamment, en permettant d’augmenter le temps de travail. L’émigration, les bas salaires et des conditions de travail déplorables, les politiques restrictives quant à l’immigration ont provoqué une pénurie de main d’œuvre en Hongrie et dans toute la région. Cela a également provoqué ces dernières années une augmentation des salaires dans le secteur privé (827 dollars par mois) mais sans que cela réussisse à résoudre le problème du manque de main d’œuvre : depuis 2015 le nombre de postes non-pourvus a doublé en Hongrie.
En quelque sorte la grève massive chez Audi Hongrie a été la meilleure réponse de la classe ouvrière face à un modèle économique qui, malgré les discours soi-disant nationalistes et « illibéraux », se base sur la soumission totale aux intérêts des capitaux multinationaux précarisant les conditions de travail et de vie de la classe ouvrière. Ce n’est pas un hasard que l’une des revendications centrales des grévistes chez Audi ait été l’obtention de plus de jours de repos.
Cette victoire éclatante des salariés d’Audi Hongrie, c’est un exemple de comment battre les multinationales mais aussi les plans des gouvernements réactionnaires qui malgré leurs discours, sont à leur service. Dans un pays où pendant des années la classe ouvrière a subi la violence de la restauration capitaliste et les humiliations imposés par le capital transnational, la victoire des ouvriers et ouvrières d’Audi montre une brèche, rappelle que la lutte de classes paie et que quand la classe ouvrière relève la tête les capitalistes et leurs serviteurs tremblent.
Publié par REVOLUTION PERMANENTE