Si le fait que Macron soit le président des riches ne soit pas un scoop, l'actualité et les enquêtes le démontrent chaque fois mieux : Macron n'est pas seulement le président des riches, il est à leur service. C'est ce que confirme la Cellule Investigation de Radio France qui a publié aujourd'hui une enquête sur les modalités de la réforme de l'ISF.
Si le retour de l’ISF est aujourd’hui une des principales revendications des Gilets Jaunes, Philippe Aghion, l’économiste qui a participé à l’élaboration du programme économique d’Emmanuel Macron, déplore les maladresses du président qui ont, selon lui, dérangé l’équilibre de la société, et fait émerger le mouvement des Gilets Jaunes. En effet, lorsque le projet de réforme de l’ISF a été annoncé par Edouard Philippe le 4 juillet 2017 dans un discours de politique générale à l’Assemblée Nationale, le Premier Ministre portait les grands chantiers du gouvernements, tels que l’augmentation du prix du tabac, ou encore la réforme du baccalauréat. Mais de nombreuses mesures ont été repoussées à 2019, comme la suppression de la taxe d’habitation, ou la réforme de l’ISF, ce renvoi étant justifié par Edouard Philippe par l’état des finances publiques.
« La réforme [de l’ISF] entrera en vigueur en 2019 » avait dit le premier ministre : mais alors, pourquoi cette réforme, qui vise à transformer l’ISF en un "impôt sur la fortune immobilière" (IFI) a-t-elle été appliquée à partir du 1er janvier 2018 ?
Voici tout l’objet de l’enquête de la Cellule Investigation de Radio France : initialement, le président de la république paraissait vouloir prendre son temps pour réformer l’ISF, puisque pour faire avaler la pilule, il fallait accompagner cette réforme d’un florilège de mesures visant à éviter que les "gaulois réfractaires" (cit. Emmanuel Macron) s’insurgent. Ainsi, toutes les mesures annoncées par le premier ministre sont des réformes dont le projet est d’adoucir l’arrivée de cet IFI : baisse des cotisations sociales et suppression de la taxe d’habitation, qui sont perçues favorablement par les plus défavorisés.
Mais dans cette intrigue du quinquennat Macron, un élément perturbateur intervient et va bousculer l’équilibre macronien. Trois jours après la déclaration du Premier Ministre, ont lieu les Rencontres économiques à Aix, où le report de la suppression de l’ISF et le report de la Flat Tax, une taxe plafonnée à 30% sur les dividendes, sont vécues comme une infidélité du gouvernement : Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes, presse à Aix le ministre Bruno Lemaire pour accélérer le calendrier de l’exécutif, tandis que d’autres utilisent leur bras long pour faire passer leur message directement à l’Élysée.
Mais selon la Cellule d’investigation de Radio France, c’est une rencontre secrète qui a lieu à l’Élysée qui a été déterminante pour la suite. Au même moment, plusieurs membres de l’AFEP (Association française des entreprises privées) qui regroupe plusieurs patrons du CAC 40, considèrent que si Emmanuel Macron n’agit pas immédiatement, il ne le fera jamais. Ces mêmes patrons se sont donc rendus clandestinement au palais de l’Élysée pour effectuer une pression sur le calendrier du quinquennat : suite à cette rencontre, Bercy a déclaré que la réforme entrera en vigueur dès le 1er janvier 2018.
Des relations pas si extra-conjugales que ça, puisque ce n’est pas un scoop que le gouvernement est à la solde des patrons. Mais c’est un élément de plus qui confirme que les intérêts du CAC 40 ont bien plus de valeur pour le gouvernement que ceux des plus précaires, comme en démontrent aussi les nombreuses attaques qui ne cessent de pleuvoir. Philippe Aghion dont on parlait au dessus, semble justement très inquiet qu’on le remarque. Pour lui, la stratégie du "bulldozer" du gouvernement est un échec puisqu’elle a donné des prétextes aux "foules haineuses" de se soulever depuis le 17 novembre : "Dans mon esprit, en même temps qu’on réformait l’ISF, on devait remettre à plat les niches fiscales" regrette-t-il. Tandis que là, il y a eu dans le même temps l’épisode de la baisse des APL, la hausse de la CSG pour les retraités, puis la désindexation des retraites sur l’inflation, et on a alourdi la fiscalité sur des gens qui ne sont pas de milieux très favorisés. C’est ce qui explique que l’ISF est devenu si impopulaire. Si on avait procédé différemment, nous aurions évité le mouvement [des "gilets jaunes", NDLR] que nous avons aujourd’hui.". Si Choderlos de Laclos décrit en 1782 dans Les Liaisons Dangereuses les relations secrètes entre libertins haut-placés, on pourrait presque voir se confondre avec la situation d’aujourd’hui, d’un gouvernement pris en flagrant délit en liaison secrète avec les patrons du CAC 40. Un gouvernement qui a peut-être trop sous-estimé la force d’un mouvement qu’il croyait avoir tué comme en 2016 ou printemps 2018, et qui ne s’attendait pas à ce que renaisse une détermination telle qu’elle pu mettre en situation de crise le gouvernement lui-même.
Publié par REVOLUTION PERMANENTE