Question posée par Yoann le 28/03/2019
Bonjour,
Votre question renvoie à la confirmation, mercredi 27 mars par les syndicats, d’une discussion avec la direction de Carrefour sur un plan de suppression de plus de 1 200 emplois, sous la forme d’une rupture conventionnelle collective. C’est-à-dire, si les organisations de salariés approuvent l’accord, sans départs contraints.
Vous nous demandez si ces départs obligeront le groupe à rembourser les sommes perçues au titre du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), qui se sont élevées, pour la seule année 2016, à quelque 130 millions d’euros. La réponse est non.
Comme CheckNews l’a expliqué dans un précédent article, aucunes réelles contreparties n’ont été exigées en échange du «pacte de responsabilité», qui incluait, notamment, le CICE et des baisses de cotisations patronales en faveur des entreprises. Les rares dispositifs de contrôle mis en place à l’époque, comme les observatoires régionaux, par exemple, ont été abandonnés en cours de route.
Au niveau des branches professionnelles, le gouvernement avait poussé syndicats et patronat à signer des accords «d’engagements». Mais comme évoqué également par CheckNews, seules 21 des 50 plus importantes branches avaient signé un accord de ce type fin 2016.
Par ailleurs, ces accords de branches ne revêtaient pas de caractère contraignant : le non-respect des objectifs (de formation, d’emploi…) n’était pas sanctionné par le remboursement du CICE ou des allègements de cotisations. Un mécanisme qu’il aurait été d’autant plus difficile à mettre en place qu’il s’agissait d’objectifs globaux assignés à l’ensemble de la branche, et non pas à telle ou telle entreprise en particulier.
Quoi qu’il en soit, le ministère du Travail a cessé, après 2016, de mettre jour la liste de ces accords. Il n’a pas non plus réalisé de bilan sur le respect ou non de ces engagements.
Concernant la grande distribution (branche «commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire»), la situation est encore plus fragile juridiquement. Certes, la commission nationale de la négociation collective (CNNC) fait bien mention, dans son bilan 2016, d’un texte qu’elle considère comme un accord de contreparties au pacte de responsabilité.
Sauf que rien dans ce texte «relatif à l’insertion et à la promotion professionnelles», daté du 21 janvier 2016 et signé par quatre syndicats, ne fait référence au pacte de responsabilité. Et pour cause : selon la fédération patronale du commerce et de la distribution (FCD), contactée par CheckNews, si cet accord «s’inscrit bien dans la logique du pacte de responsabilité, [….] la référence explicite à ce pacte posait un obstacle à la signature vis-à-vis de nos partenaires sociaux, en particulier FO, qui est le syndicat majoritaire de la branche». Décision a donc été prise de ne pas y faire référence. Autrement dit, même si ce texte avait été contraignant, rien ne le rattachait au CICE…
Une information confirmée par FO : «Nous avons toujours été opposés sur le principe au pacte de responsabilité et donc au fait de signer tout accord portant sur d’éventuelles contreparties au CICE dans le cadre de ce pacte», explique Carole Desiano, de la fédération FO de l’Agriculture et de l’alimentation (FTGA). Et qui considère donc que c’est à tort que ce texte a été considéré par le ministère du Travail comme un accord de contreparties au pacte.
A noter, enfin, que les engagements du texte, intitulé «100 000 chances pour demain», concernaient quasi exclusivement l’insertion des jeunes, avec par exemple 46 000 contrats de professionnalisation ou encore 12 000 contrats d’apprentissage sur la période 2016-2018. Mais aucune référence sur le maintien ou les créations nettes d’emplois dans le secteur.
Pour résumer, il est donc difficile d’opposer à Carrefour la violation d’un accord de branche qui ne mentionne pas le CICE et dont les engagements, par ailleurs, ne concernent que l’insertion professionnelle et non pas un niveau global d’emplois. Le tout vis-à-vis d’un accord non contraignant, et dont le bilan, enfin, n’a pas encore été réalisé, selon le patronat de la grande distribution. Même si, selon la FCD, «les objectifs ont selon toute vraisemblance été atteints».