Le syndicat a calculé les pertes pour les pensions si la réforme Delevoye voit le jour. Il lance une campagne pour un projet alternatif, financé par 100 à 120 milliards d’euros de propositions de recettes nouvelles.
La CGT a relevé le défi. En octobre dernier, les équipes du haut-commissaire à la réforme des retraites avaient parié que la centrale ne pourrait jamais faire la démonstration que le système par points en préparation aboutirait à une baisse de la plupart des pensions. Jean-Paul Delevoye et ses proches jouaient sur du velours, puisque les contours précis de leur projet n’ont toujours pas été dévoilés. Vendredi, la CGT a pourtant publié les résultats de ses calculs. Et ils sont édifiants. La perte de revenus des retraités atteindrait 30 % en moyenne, selon Catherine Perret, secrétaire confédérale en charge du dossier.
Le syndicat s’est basé sur le régime par points déjà existant, celui des retraites complémentaires Agirc-Arrco. « On n’allait pas s’amuser à bricoler un régime », explique Pierre-Yves Chanu, du collectif retraites de la CGT. « Nous avons donc considéré l’existence d’un régime intégré universel fonctionnant selon les règles de l’Agirc-Arrco, auquel on a soumis des carrières complètes », poursuit Patricia Tejas, qui travaille sur le financement de la protection sociale pour la confédération. Premier exemple, celui d’une ouvrière de l’automobile avec quarante-trois années de carrière, dont les huit dernières en invalidité, et ayant perçu un salaire mensuel moyen de 1 880 euros, passerait de 1 163 euros de pension aujourd’hui à 923 euros. Autre cas, celui d’un cadre ayant effectué une carrière entrecoupée de chômage, et payé en moyenne 2 308 euros par mois, pourrait prétendre à 1 471 euros plus une retraite complémentaire dans le système actuel, contre seulement 1 348 euros tout compris dans le futur régime universel. La CGT avance aussi le cas d’une professeure de collège partant à la retraite à 63 ans au bout de trente-neuf ans de service. Avec une décote de 20 %, sa pension serait à présent de 1 900 euros, contre seulement 1 622 euros pour un départ au même âge dans le système à points.
Ces exemples et une plaquette argumentaire, accompagnés d’une brochure détaillant les propositions de la CGT pour une « Sécurité sociale du XXI e siècle », vont servir de base à une campagne du syndicat pour défendre, non le statu quo, mais une « amélioration des droits dans le respect des spécificités des régimes existants ».Retraite à 60 ans, pension d’au moins 75 % du revenu d’activité, avec un minimum au niveau du Smic et indexation sur les salaires… « La CGT lance une campagne sur le mode ‘‘Ne jouez pas vos droits à la retraite à la loterie’’, alors que le haut-commissaire est dans l’incapacité d’annoncer le montant des futures pensions et l’âge réel de départ avec une retraite digne », souligne Catherine Perret. Pour la dirigeante confédérale, le récent « cafouillage » sur l’âge légal montre d’ailleurs que l’exécutif, sous la pression de « forces patronales et politiques », hésite encore sur la voie à suivre : réforme « paramétrique » classique ou réforme systémique, voire les deux…
À l’inverse, la CGT défend un plan de financement qui rapporterait au système les « 100 à 120 milliards d’euros nécessaires à l’horizon 2050 ». Un plan qui s’étend sur trois axes : une nouvelle répartition des richesses, passant par l’augmentation des salaires et de l’emploi qualifié ainsi que par l’égalité salariale femmes-hommes (38 milliards de recettes de cotisations en tout) ; la suppression des exonérations patronales et l’intégration de tous les éléments de rémunérations (primes, intéressement, etc.) dans l’assiette des cotisations (au moins 36 milliards) ; et une taxation renforcée du capital (au moins 30 milliards).
Sébastien Crépel
Publié par FSC