Après 5 mois de mouvement, l’acte 23 des Gilets jaunes faisait figure d’une journée « test ». Au carrefour entre les annonces du « Grand Débat » et la journée de mobilisation du 1er mai qui s’annonce importante, les Gilets jaunes ont répondu encore une fois par une détermination renforcée tout en se maintenant globalement en terme numérique. Si le gouvernement a limité la casse sur le terrain du maintien de l’ordre, les Gilets jaunes sortent eux renforcés moralement de cette journée déjouant une nouvelle fois les manœuvres gouvernementales et patronales. A l’orée des annonces du Grand débat, ils mettent une pression plus forte encore sur Macron.
Pour Macron, les escapades au ski, en plein manif’ Gilet jaune, c’est fini. Les images du Fouquets en feu circulant en parallèle des photos au ski de Macron auront eu un effet traumatique pour l’exécutif. Pour la première fois depuis le début du mouvement, Macron s’est placé au cœur du dispositif du maintien de l’ordre. En fin de matinée, il a reçu le ministre de l’Intérieur Castaner pour un point de situation. C’est l’éclairante illustration que si l’exécutif sait apprendre de ses erreurs, le maintien de l’ordre reste pour Macron et plus généralement pour les classes dominantes une question qui, après 5 mois de mouvement des Gilets jaunes, n’est toujours pas encore réglée. Un signe, qu’au-delà des contre-feux gouvernementaux sur les fameux « casseurs », la fébrilité est toujours de mise au sein de l’exécutif.
Et pour cet acte 23, la pression était maximale pour l’exécutif. Après les scènes de chao du 16 mars, journées de « l’ultimatum 1 », le gouvernement a mis les bouchées double. Renforcé du nouvel arsenal répressif de la loi « anti-casseurs », le nouveau préfet de Police de Paris a mis en œuvre une nouvelle doctrine du maintien de l’ordre en effectuant quelques 20 518 contrôles dit « préventifs » (21 070 au national) seulement dans Paris. C’est du jamais vu dans les annales récentes de la police parisienne et ce d’autant plus que ces contrôles auraient concernés 9 000 manifestants selon l’intérieur. Si cela en dit long sur leur « compte », cela révèle « grandeur nature » ce que recèle la « loi anti-casseurs » en termes d’attaques contre le droit de manifester.
Si comme par habitude, le ministère de l’intérieur a concocté un « comité d’accueil » aux Gilets jaunes. A Paris, quelques 6 700 policiers et gendarmes, appuyées par six véhicules blindés à roues de la gendarmerie ont été déployées. Résultat : ce sont au total quelques 227 interpellations. Une bonne partie des interpellations ont fait suite aux contrôles « préventifs ». L’autre moitié a visé spécifiquement ces Gilets jaunes qui ont osés défier « l’ordre » pour avoir tenté de manifester jusque Place de la République pour y terminer… leurs parcours pourtant déclaré en préfecture. Les manifestants ont aussi eu droit au canon à eau avec du produit marquant pour « détecter » les « casseurs » ou encore aux brigades motorisées dites BRAV-M qui ont agressés à longueur de temps les manifestants.
Mais cet acte 23 a aussi montré de manière plus criante encore la manière dont la loi « anti-casseurs » est envisagée dans la pratique. Ainsi, les journalistes indépendants habitués à couvrir les mouvements sociaux ont eu droit à un traitement particulier : interpellations et tir de LBD. Une remise en cause du droit à la presse et à couvrir les images de manifestations scandaleuses.
Pour autant, face aux restrictions toujours plus importantes du droit à manifester, face aux manœuvres provocations, les Gilets jaunes ont opposé une résistance et une détermination toute particulière. Plus particulièrement ce samedi, les chants et slogan autour de la « révolution » ont été particulièrement entendue. Les chants devenus cultes durant la grève des cheminots ont été repris massivement Place de la République. « On est là, on est là, même si Macron ne veut pas, nous on est là, pour l’honneur des travailleurs et pour un monde meilleur ». Les revendications pour la démission de Macron ont repris de la vigueur. Les mesures de Macron sont vues pour ce qu’elles sont à savoir des broutilles qui ne changeront rien fondamentalement. Le « RIC local » qui est adressés par Macron spécifiquement aux Gilets jaunes est vu comme une supercherie de plus.
Si quantitativement, les Gilets jaunes restent un noyau dur comptabilisé à plus d’une centaine de millier par le nombre jaune, autour de 27 000 pour le ministère de l’intérieur, la détermination de ces Gilets jaunes n’est en aucun cas ébranlée par les manœuvres gouvernementales et aussi patronales autour de l’instrumentalisation de l’incendie de Notre-Dame ou encore les nouvelles tentatives d’intimidations autour de la question des droits démocratiques avec la loi « anti-casseurs ». Très rapidement le milliard des grands patrons du CAC 40 sorti en 48h s’est retourné contre le patronat lui-même. En montrant qu’ils sont capables de sortir des milliards en quelques heures, la question du financement des hôpitaux publiques, de l’éducation et de tout un tas d’aspiration sociales se pose. La manœuvre se retourne donc contre le grand patronat. Pire encore, cela braque les projecteurs vers cette minorité qui se gave en milliards sur le dos de la majorité.
Pour cet acte 23, si le gouvernement a limité la casse sur le terrain du maintien de l’ordre, moyennant un dispositif policier renforcé avec la mise en application réellement effective de la loi « anti-casseurs », les Gilets jaunes auront de leur côté déjoué le piège de Notre-Dame et des milliards du grand patronat au service de Macron cette fois-ci. S’il n’y pas de victoire ni d’un côté ni de l’autre, la victoire morale se trouve du côté des Gilets jaunes. Cela d’autant plus qu’une mauvaise nouvelle est venue ponctuée l’acte 23. Dans un sondage OpinionWay, il apparait que Macron obtient le chiffre de popularité le plus bas depuis son élection, en baisse de 5% par rapport au mois de mars. Pire, encore, il entraine avec lui l’ensemble du gouvernement. Ainsi, si Notre-Dame avait pu être une bouffée d’air frais, les contradictions plus structurelles du macronisme ressortent au plus mauvais moment pour Macron, à quelques encablures de ses annonces pour le Grand débat, ce jeudi. Le répit a été de bien courte durée. Après cet acte 23, la pression reste maximale pour Macron.
Publié par REVOLUTION PERMANENTE