Une semaine à peine après avoir repris l’aciériste français Ascoval, le sidérurgiste British Steel se retrouve à son tour en pleine tourmente. Faute d’avoir obtenu une aide d’urgence du gouvernement britannique de 30 millions de livres sterling (34 millions d’euros) qu’il négociait depuis plusieurs semaines, le numéro 2 du secteur outre-Manche a annoncé mercredi son dépôt de bilan et sa mise en redressement judiciaire. Une situation qui plonge à nouveau les 270 salariés de l’usine de Saint-Saulve, dans le nord de la France, en plein désarroi, même si Bercy s’est voulu rassurant en expliquant que cette procédure ne concernait pas sa nouvelle aciérie française.

Concurrence chinoise

«Le gouvernement a travaillé sans relâche avec British Steel, son propriétaire Greybull Capital et ses créanciers pour trouver une solution», s’est justifié Greg Clark, le ministre de l’Industrie britannique en réponse au leader travailliste Jeremy Corbyn, qui réclame une nationalisation provisoire de l’entreprise afin de sauver ses 4 500 employés au Royaume-Uni et les 20 000 emplois dans la chaîne d’approvisionnement qui sont menacés. «Le gouvernement ne peut agir que dans le cadre de la loi, a répliqué le ministre. Il aurait été illégal de fournir une garantie ou un prêt sur la base des propositions de l’entreprise.» Le cabinet EY a été mandaté pour tenter de trouver un repreneur.

Née de la reprise en 2016 de la division européenne de «produits longs» (rails et construction) du sidérurgiste indien Tata Steel par le fonds d’investissement Greybull Capital, l’entreprise rebaptisée British Steel (ressuscitant le nom de l’ancien mastodonte de l’acier britannique disparu en 1999) compte parmi ses clients les plus importants la SNCF française et Network Rail. Un marché censé être moins sensible à la concurrence de l’acier chinois importé à prix cassés que celui des «produits plats» (plaques). Selon Paul McBean, le président des syndicats du site de Scunthorpe, la principale usine de British Steel dans le nord de l’Angleterre, le Brexit est directement à l’origine de cette faillite. Le carnet de commandes de BS s’est effondré ces derniers mois, en raison de l’incertitude provoquée par la sortie programmée du pays de l’Union européenne.
Trois à six mois de «garantie absolue»

En France, British Steel compte deux usines depuis la reprise d’Ascoval : Hayange (Moselle), ex-Sogérail, qui produit des rails et dépend d’une structure juridique différente de British Steel UK d’une part et l’usine de Saint-Saulve de l’autre. Ce dernier site a éprouvé de nombreuses déconvenues dans sa recherche d’un repreneur depuis la décision de son ancien propriétaire, Vallourec, de s’en séparer en 2015 : plusieurs projets de reprise avaient échoué jusqu’à l’arrivée récente de British Steel. Alors qu’une partie des fonds promis par le gouvernement et BS pour le sauvetage d’Ascoval ont bien été débloqués ces derniers jours (15 millions d’euros pour le premier, 5 pour le second), Bercy a précisé que la faillite outre-Manche n’incluait pas l’aciérie de Saint-Saulve détenue par une autre société, sa maison-mère Olympus Steel Ltd. Il a également été précisé que les fonds déjà versés pour Saint-Saulve ne pourraient pas être utilisés à d’autres fins au moment où les actifs de British Steel vont être utilisés pour payer ses fournisseurs et créanciers. «On a interdit la mutualisation de la trésorerie avec d’autres sociétés», assure-t-on au cabinet de Bruno Le Maire, où l’on explique avoir foi dans la capacité d’Olympus Steel «à mener à bien la reprise d’Ascoval et à apporter les fonds nécessaires dans le calendrier prévu». Soit 47 millions versés par chacune des deux parties pour aboutir cet été à un total de 94 millions d’euros.

«Il faut investir, mais le plan consistant à réintégrer Ascoval dans une chaîne de valeur est crédible», poursuit-on à Bercy où l’on se dit convaincu de la viabilité du projet. Le site doit en effet être modernisé pour fournir deux entités appartenant elles aussi à Greybull Capital, à Hayange et aux Pays-Bas. «Nous ne sommes pas dans une logique de perfusion, on n’investit pas dans des boîtes auxquelles on ne croit pas, explique-t-on encore dans l’entourage du ministre. Pour autant, Bercy reconnaît à ce stade n’avoir une «garantie absolue» sur l’avenir que pour les trois à six prochains mois. «Au-delà, il y a encore une incertitude tant mais aucune raison de penser que les engagements seront remis en cause.»

«Flou total»

A Saint-Saulve, l’annonce de la faillite de British Steel a ravivé les pires craintes. «On est dans le flou total et l’angoisse à nouveau, a réagi Bruno Kopczynski, délégué CFDT et porte-parole de l’intersyndicale. Les salariés veulent des garanties sur la venue des représentants de British Steel, qui ne sont jamais venus. Il est plus que temps qu’ils s’expliquent.» Provisoirement arrêté, le four a été remis en route à l’issue d’un CE extraordinaire. «La direction a en partie répondu à nos questions», a déclaré sans plus de précisions Nacim Bardi, délégué CGT, à l’issue de la réunion.