A Paris 1, comme au Celsa et à Poitiers, les doctorants mènent depuis 15 jours une "grève des notes". Ils exigent l'exonération des frais d'université pour les étudiants-travailleurs de l'université et la contractualisation de tous les vacataires, qu'ils soient doctorants ou docteurs sans poste.
Depuis le 15 mai, les doctorants de Paris 1 sont en lutte, rejoints par ceux de l’université de Poitier et du CELSA (Ecole des hautes études en sciences de l’information et de la communication) et soutenus à l’échelle nationale par la Confédération des Jeunes chercheurs. Ils ont entamé une « grève administrative » passant par la rétention des notes afin de faire plier la présidence de leurs universités.
Le mouvement a été amorcé dans l’UFR de sciences politique de Paris 1, suite à l’annonce du rétablissement des frais d’inscriptions pour les doctorants contractuels et ATER (attaché temporaire d’enseignement et de recherche), obtenu de haute lutte, suite à une mobilisation de trois semaines des doctorants en 2016. Ils exigent une exonération des frais d’inscriptions pour tous les étudiants travaillant à l’université, mais aussi l’obtention de contrat pour tous les vacataires ainsi que la contractualisation de l’ensemble des doctorant.e.s vacataires et des docteur.e.s sans poste vacataires. En effet, travaillant avec un statut particulièrement précaire, les vacataires, n’ont droit à aucun congé, sont rémunérés en deçà du smic horaire, et sont payés jusqu’à un an après la fin de leur travail, comme c’est le cas à l’UFR d’économie de Paris 1.
La rétention des notes mise en place par les doctorant.e.s mobilisé.e.s retarde significativement l’annonce des résultats des partiels, ralentissant le fonctionnement même de l’université, ce qui a permis d’instaurer un rapport de force avec la présidence de Paris 1. Cette dernière a ainsi accédé partiellement aux revendications avancées par les étudiants concédant l’exonération de frais d’inscription pour les doctorants contractuels et ATER. Cependant, cet acquis, déjà promis par la présidence et voté en CA en 2016 semble être révocable tous les deux ans, puisque est constamment remis en cause par la direction de l’université. C’est pourquoi, dans leur dernier communiqué, les doctorant.e.s mobilisé.e.s ont annoncé maintenir la lutte pour l’ exonération des frais d’inscription pour l’ensemble des doctorants (contractuels ou non), nécessaire dans la mesure où tous participent également aux activités d’enseignement et de recherche. but premier, on le rappelle, de l’université. D’autre part, il est intéressant de noter que
D’autant plus, que malgré ce premier recul, rien dans le communiqué de la présidence de Paris 1 n’est concédé aux doctorants vacataires dont le statut est particulièrement précaire (non-financés, sans poste) alors que 30% des enseignements à Paris 1, par exemple, sont dispensés par des vacataires. Des conditions de travail souvent très précaires dont comme en témoigne Alexandre, vacataire à l’université de Tours, dans La Nouvelle République : « J’ai accepté un contrat d’enseignement à temps plein : 384 heures de cours pour 1.450 €, sur dix mois. A titre de comparaison, un maître de conférences titulaire assure 192 heures de cours, le reste du temps étant considéré comme consacré à la recherche, pour un salaire qui démarre à 1.800 €, sur 12 mois, en début de carrière. Moi, pour essayer de m’en sortir, et parce que le département avait des besoins, j’ai été jusqu’à 500 heures d’enseignement, dont seules 400 seront payées [par le jeu des TP, qui sont moins payés l’équivalent de 0,6 h] »
Ces situations sont l’illustration de la précarité croissante qui touche une grande partie des travailleurs et travailleuses de l’Enseignement supérieur et de la recherche. A l’Université, comme dans de nombreux services publics, les conditions de travail se sont dégradées au fil des coupes budgétaires et des réformes. Cette précarisation touche d’ailleurs tous les corps de métier de l’université : outre les doctorants, enseignants et chercheurs, les personnels administratifs, d’entretien ou techniques sont les premières victimes de ces dégradations des conditions de travail et de vie. A Paris 1, au moins de septembre 2018 une grève des agents du service intérieur du centre PMF avait ainsi eu lieu pour exiger la réintégration de deux de leurs collègues dont les contrats précaires n’avaient pas été renouvelés sans motifs. A cette occasion une des travailleuses de la fac témoignait : « On nous jette comme des mouchoirs sales, c’est encore pire que dans le privé ».
Le recours aux vacataires, systématique dans l’université ainsi que l’absence de prise en considération des revendications qui leur sont liées, montre bien la politique oppressive que tente de mettre en place non seulement chaque présidence d’université mais plus largement, la politique de casse de l’enseignement et du service public du gouvernement.
En outre, l’on peut, avec l’exemple de Tolbiac A Paris 1, où suppressions de postes et atteintes aux droits des travailleurs sont sempiternellement imputées au manque de budget, les dépenses vont bon train quand il s’agit d’engager une prétendue rénovation exorbitante ou encore d’engager [des dizaines de vigiles->https://www.revolutionpermanente.fr/Multiplication-des-vigiles-a-Tolbiac-sur-les-facs-aussi-la-repression-est-en-marche pour empêcher toute forme de contestation au sein de l’université.entraînant parfois de violentes altercations, et ce pour plusieurs centaines de milliers d’euros.
Maintenir les étudiants et les travailleurs dans la précarité, les contraindre au silence en déployant la force, les discriminer en fonction de leur pays d’origine (« Bienvenue en France ») ou de leur origine sociale (Parcoursup), voilà l’Université que le gouvernement Macron, dans la continuité de ses prédécesseurs, met en place avec la complicité des présidences telles que celle de Paris 1.C’est afin d’enrayer une partie de ces problèmes Pour mettre fin à cette spirale, la lutte continue pour les doctorant.e.s mobilisé.e.s pour qui le Conseil d’administration du 6 juin sera décisif.
Nous relayons ci-dessous le communiqué des doctorants en lutte de Paris publié sur la page Facebook Doctorant.e.s mobilisé.e.s pour l’Université le mardi 28 mai :
« Suite au mouvement de rétention des notes amorcé le 15 mai dernier, la Présidence de l’université Paris I a déclaré vouloir maintenir l’exonération des frais d’inscription des doctorant·e·s contractuel·le·s et ATER après avoir annoncé sa suppression. Nous saluons ce renoncement, tout en déplorant qu’il ait fallu entrer dans un rapport de forces avec la présidence de l’université pour l’obtenir.
Si ce recul est un premier pas, il est totalement insuffisant. Nos revendications dépassent très largement le simple maintien du statu quo : nous exigeons l’exonération de tou·te·s les doctorant·e·s. Que l’on ait ou non un contrat de travail, nous réalisons le même travail de recherche. Certain·e·s sont payé·e·s, d’autres non. La Présidence de Paris I n’est pas financièrement en mesure de proposer des contrats doctoraux à l’ensemble des doctorant·e·s, il lui revient cependant de tenter de reconnaître et considérer de manière égale l’ensemble des doctorant·e·s au nom de leur « rôle stratégique dans les activités d’enseignement et de recherche », quel que soit leur statut. L’exonération de tou·te·s les doctorant·e·s est donc une nécessité.
Quant à la mensualisation des vacataires, cela fait désormais trois ans qu’elle est a été votée par le conseil d’administration de Paris I sans que la Présidence n’assure sa mise en œuvre. Force est de constater que la Présidence est incapable de tenir sa promesse du fait de difficultés multiples : le logiciel de gestion des ressources humaines ne fournit pas de visibilité aux composantes sur le traitement des dossiers, et le manque d’agent·e·s BIATSS, aussi bien au niveau du service des RH que dans les composantes, rend impossible la bonne gestion des vacataires. Pire encore, la mensualisation a reculé car la majorité de nos collègues vacataires n’ont toujours pas été payé·e·s pour les enseignements du premier semestre ou de l’année dernière, sans compter celles et ceux qui n’ont toujours pas signé leur fiche de renseignements. La mise en œuvre de la mensualisation promise par la Présidence avance à reculons !
De plus, quand bien même les vacataires seraient mensualisé·e·s, ces dernier·e·s ne disposent d’aucun droit élémentaire : leur rémunération nominale se situe 17 centimes en-dessous du SMIC horaire, elles et ils sont payé·e·s à la tâche, n’ont pas droit aux congés payés, congés maternité, paternité ainsi que parental et sont mis·e·s dans des situations inextricables avec Pôle Emploi et la CAF pour faire valoir leurs droits sociaux faute de pouvoir justifier de leurs revenus par des bulletins de paie. Le statut de vacataires est indigne, il constitue une casse non seulement du statut de la fonction publique mais aussi de tout droit du travail. Son recours explose : certain·e·s vacataires assurent pendant plusieurs années consécutives des services d’enseignement supérieur·e·s à ceux des doctorant·e·s contractuel·le·s, voire même à ceux d’ATER, de maîtres·se·s de conférences et professeur·e·s d’université.
Nous réaffirmons ainsi notre revendication d’une contractualisation de tou·te·s les doctorant·e·s vacataires (c’est-à-dire la fin du recours par Paris 1 au statut d’attaché temporaire vacataire) ainsi que la contractualisation des docteur·e·s sans poste vacataires qui le souhaitent. La loi permet tout à fait à une université de délivrer des CDD d’enseignement plutôt que de recourir à des vacations. Dans une mauvaise foi idéologique incroyable, la présidence de Paris 1 nous oppose que de tels contrats "menaceraient le statut de la fonction publique". Mais son recours massif aux vacataires est déjà une destruction de la fonction publique ! Délivrer des contrats d’enseignement serait l’assurance d’une protection sociale élémentaire, d’un paiement mensuel, et d’une reconnaissance de la part de l’institution universitaire qu’elles et ils sont bien des personnels enseignants de Paris I. L’université de Bordeaux a mis en place ce type de contrats, réservés aux jeunes chercheur·se·s, qui ne se substituent aucunement à des postes de permanents, mais uniquement au statut inique de vacataires.
Il est temps que l’université Paris I prenne enfin la mesure du problème que constitue le recours massif aux vacataires, pour le service public universitaire, qui pénalise à la fois les enseignant·e·s et les étudiant·e·s.
La Mobdoc »
Publié par REVOLUTION PERMANENTE