Delevoye, haut-commissaire aux retraites et ministre nanti d’un très beau salaire, réclame de surcroît sa retraite du régime général. Après la parution de son rapport, et bien que sa démarche n’ait rien d’illégal, elle a de quoi choquer les victimes prévisibles de sa réforme.
“Charité bien ordonnée commence par soi-même”
Depuis le 3 septembre, date à laquelle il est entré au gouvernement en tant que ministre délégué auprès de la ministre de la santé, Agnès Buzyn, le haut-commissaire aux retraites, touche une rémunération substantielle de 10 135 euros par mois. De quoi vivre largement et même économiser.
Ce vieux routard de la politique a enchaîné les mandats : député, sénateur, ancien maire de Bapaume dans le Pas-de-Calais il a été nommé en 2017 haut-commissaire chargé des retraites. A cette date, soucieux de donner une image d’exemplarité, il avait demandé à ce que l’on déduise de sa rémunération personnelle le montant des pensions acquises au titre de sa fonction d’élu local.
Aujourd’hui, deux ans plus tard, alors que la question des retraites provoque une forte agitation sociale, il revient sur sa décision et demande à bénéficier à nouveau des pensions liées au régime général et à son ancienne activité d’élu local.
La raison invoquée pour ce revirement serait, selon son entourage, la « précarité » du type de mission qu’il occupe et le souci d’assurer l’avenir. Si d’aucuns et d’aucunes, et notamment les « précaires » s’inquiètent de l’indigence dans laquelle ils vont se trouver en raison des attaques répétées contre les retraites dont les dernières en dates ont été concoctées par Delevoye lui-même, lui pense à s’assurer la continuité du confortable revenu dont il jouit aujourd’hui.
Rien d’illégal mais est-ce bien honnête ?
Comme le signale La lettre A qui a révélé cette information confirmée par le cabinet du haut-commissaire lui-même, ce cumul n’a rien d’illégal dans la mesure où Delevoye en a exclu, pour la durée de son passage au gouvernement, les pensions liées aux mandats de sénateur et de député, en conformité avec le règlement des deux assemblées qui interdit le cumul avec un salaire de ministre.
Toujours arguant de la légalité, son cabinet invoque le fait que « en tant que ministre, sa rémunération est indexée à celles des autres membres du gouvernement, et arrêtée par décret » ce qui lui interdirait une quelconque déduction à titre personnel.
Mais légalité pour légalité, rien ne s’opposerait à ce qu’il renonce à toucher sa retraite pendant la durée de sa mission.
Même si elle est légale, la démarche apparaît insupportable. On l’a vu avec l’affaire De Rugy, quand les grands de ce monde parlent de légalité, ceux qui sont démunis, vivent avec des bas salaires, avec des RSA ou autres subsides parlent d’indécence. Fussent-ils « légaux », les homards de De Rugy sont perçus comme une provocation.
En ce qui concerne la démarche du haut-commissaire/ministre, même si les sommes en jeu n’ont pas la même ampleur que les fastes d’un De Rugy et s’il ne s’agit pas directement d’un détournement du budget de l’Etat, ce qui choque, c’est le calcul très élaboré et cynique par lequel il préserve sa propre retraite alors qu’il lamine celle des autres.
Non seulement il veut manger du homard, mais il veut le prendre dans notre propre assiette.
Crédits photo : afp.com/Ludovic MARIN
Publié par REVOLUTION PERMANENTE