Les dirigeants de la filiale Vivarte Services ont reçu près d’un million d’euros de bonus en 2017 et 2018, selon nos informations.
L'ex-empire du textile, Vivarte-La Halle, n'en finit pas de vaciller et croule sous les dettes. Pourtant, selon un document que nous nous sommes procuré, une poignée des hauts cadres de la filiale Vivarte Services (au sein de laquelle l'administratif est regroupé) a fait l'objet d'une attention financière toute particulière en cette période de disette. Des primes exceptionnelles ont été accordées au titre de 2017 et 2018 pour un montant de près d'un million d'euros, contre seulement 35 547 euros en 2016.
Dans le détail, pour 2017, une enveloppe de 523 826 euros de primes exceptionnelles a été répartie entre 31 personnes (directeurs financiers, juridiques, DRH…), dont l'une qui a touché 150 000 euros. En 2018, c'est 425 879 euros que se sont partagés 14 personnes. L'une d'elles a touché 100 000 euros.
Des primes pour «éviter le débauchage»
« Cette prime exceptionnelle correspond à un choix défensif de l'entreprise pour protéger certaines compétences indispensables et éviter qu'elles soient débauchées par des concurrents », s'est justifié en mars Xavier Guéry, le directeur des ressources humaines, devant des syndicats unanimement scandalisés. Sollicitée, la direction précise que « cette prime visait aussi, en 2017, à récompenser trois ou quatre patrons d'enseignes cédées, et dont 100 % des salariés ont été repris ».
À ces bonus exceptionnels s'ajoutent des primes d'objectifs d'un montant de 1,23 million d'euros versées en 2017 (distribuées à 136 personnes) et de 741 931 euros en 2018 (réparties entre 72 personnes). Des primes contractuelles qui représentent en moyenne 10 à 15 % du salaire annuel brut. « Dans le lot, une personne a touché 122 655 euros en 2017 (contre 9 000 euros en moyenne), et 93 852 euros pour 2018 (contre 10 305 euros). C'est peut-être la même personne. Ça nous a fait bondir, on se pose de sérieuses questions sur son salaire… » s'interrogent plusieurs syndicalistes.
Les syndicats vent debout
« Énorme », « inadmissible », se sont étranglés les élus en découvrant, en mars, l'existence de ces primes dans le rapport d'expertise demandé par le comité d'entreprise. « C'est extrêmement choquant en plein plan social, on aurait pu sauver des emplois ! Et quand on voit ces montants, on peut légitimement s'interroger sur les primes qui ont été versées à la direction de Vivarte, la holding. Mystère ! » s'indigne Gérald Gautier, secrétaire de FO.
« En décembre 2018 comme en février, on nous avait dit, droit dans les yeux : On n'a plus d'argent pour les augmentations de salaires, et pour le budget formation, il n'y aura que 15 000 euros », raconte cette déléguée d'un syndicat réformiste. « On nous a aussi dit qu'il fallait vendre des enseignes car on ne pouvait plus investir. Et on apprend, en mars, que la direction a ouvert le tiroir-caisse et, miracle, trouvé de l'argent ! » poursuit-elle.
« C'est écœurant, on nous ment tout le temps », dénonce ce responsable syndical CGT. La CFDT a également demandé à la direction de faire toute la lumière, elle attend toujours.
Une dette de 306 millions d'euros
Cette affaire de primes est d'autant plus mal perçue que le groupe d'habillement et de chaussures (La Halle, Minelli, Cosmoparis…) ne pourra rembourser sa dette de 306 millions d'euros à échéance, en octobre. Toujours en difficulté financière malgré plusieurs plans de restructuration, ce qu'il reste du groupe Vivarte est passé mis août aux mains des créanciers via une fiducie.
Son président, Patrick Puy -arrivé en 2017-, devra désormais suivre la feuille de route fixée par les fonds d'investissement Alcentra, Oaktree, Hayfin… qui sont maintenant officiellement les nouveaux propriétaires. Il n'a d'ailleurs pas caché en interne le plan à venir : la mise en vente en 2021 des trois filiales restantes. Après déjà 12 cessions ces dernières années : André, Besson, Kookaï, Naf Naf…
Publié par leparisien.fr