Irene conductrice de métro, signe une tribune dans laquelle elle interpelle la présidente générale de la RATP, qui vient d’augmenter sa rémunération de 12,5% soit 50.000€ de plus par an, atteignant le plafond maximum des patrons des entreprises publiques. Alors que le 13 Septembre la RATP était massivement mobilisée pour dénoncer la future réforme des retraites, mais également la dégradation des conditions de travail, Catherine Guillouard s’octroie une augmentation après des années de gel des salaires à la RATP, un véritable affront à l’approche de la grève illimitée le 5 décembre.
Conductrice de métro mais avant tout mère seule avec 2 enfants, je me lève ce matin à 4h en attendant que ma nourrice arrive avant de prendre ma voiture pour démarrer mon service à 5h20.
Sur la route j’entends aux infos avec effroi et surprise que notre PDG arrivée seulement en août 2017 va percevoir une augmentation de 12,5%, soit 50.000€ en plus en 2020, ce qui lui fera un salaire annuel passant de 400.000€ à 450.000€.
Comment peut-on avoir autant de mépris pour ces opérateurs quand des miettes nous ont été données : en 2016 c’était 0%, en 2017 une augmentation de 0,6%, en 2018 0%, et en 2019 0,6%.
Ce qui nous fait entre 10 et 20€ brut selon notre métier, « merci » ça me permettra de payer une heure de nourrice par mois. Mme Guillouard en un mois vous percevez plus que mon salaire à l’année et plus que n’importe quel agent RATP dans l’année. Pourtant c’est nous qui faisons le travail quotidiennement, 365 jours par an, c’est nous qui conduisons les métros, les RER, les bus, qui renseignons les usagers, vendons les tickets, entretenons les voies et les rames, ce n’est pas vous !
Pourquoi n’avez vous pas perçu une augmentation de salaire de 0,6% (augmentation salariale 2019), ou plutôt pourquoi n’avons-nous pas perçu 12,5% d’augmentation comme vous ?
S’il n’y a pas d’argent pour nous, pourquoi y en aurait-il pour vous ? Alors que pour nous, cette évolution de 12,5% aiderait réellement dans notre quotidien.
Je subis au quotidien l’augmentation du coût de la vie, l’essence pour venir travailler, la nourrice pour garder mes enfants avec les horaires décalés, les taxes qui ne cessent d’augmenter, l’obligation d’un véhicule, car à l’heure où nous travaillons, personne ne peut nous transporter ; qui nous paye notre essence, l’entretien des voitures, les assurances ? Je ne parle même pas du coût de la vie qui a augmenté, ou encore celui de l’énergie qui augmente chaque année. Vous êtes l’exemple même qu’il y’a un féminisme de classe, celui des patronnes qui s’augmentent comme vous et celui des travailleuses comme moi qui n’arrivent pas à finir le mois.
En plus de la dégradation de nos conditions de travail, nous dégradons notre santé, entre horaires décalés ou encore avec des niveaux de pollution jusqu’à 30 fois plus élevés dans les tunnels du métro, que dans la rue. N’en déplaise à Emmanuel Macron qui n’aime pas ce mot, mais la pénibilité du travail existe bien et nous la subissons au quotidien. Et où est la gratitude dans tout cela ?
Sûrement en nous retirant des jours de soins pour nos enfants ! Avant nous avions 6 jours de soins pour nos enfants par an, pour garder nos enfants à la maison en cas de maladie et maintenant nous avons seulement 2 jours. Si mes enfants tombent malade dans l’année, je vais perdre du salaire. De plus, en nous imposant un jour de carence également, en tant que femme et mère isolée, voilà encore des attaques menées contre les travailleuses ! Où est le féminisme de Marlene Schiappa ? Je ne vois que de la précarisation et encore plus pour les mères isolées. Les agents RATP n’en peuvent plus de ces attaques permanentes contre nos acquis sociaux.
Et là nous entendons quoi ? Que vous imaginez nous retirer ou baisser notre intéressement d’ici 2 ou 3 ans ? J’espère que cela était un poisson d’avril, car cet intéressement paye les vacances de mes enfants l’été, et ce qu’une seule fois dans l’année, comme beaucoup de vos salariés ! Pour d’autres, ça renfloue leurs découverts, ou encore "simplement" payer les coups durs de la vie.
Nous n’avons plus peur de faire grève pour défendre le minimum des acquis qu’il nous reste, même s’ils deviennent rares. Mais s’il faut une grève pour que vous nous écoutiez, nous le ferons. Vous pensiez sûrement que le 13 septembre ne fonctionnerait pas, beaucoup pensaient que les agents RATP étaient devenus des bons petits moutons qui ne se battent plus !
À partir du 5 décembre nous serons là, alors que oui, cela nous coûte très cher, entre 80€ et 100€ de pertes par jour de grève, mes enfants n’auront pas de cadeaux de noël cette année, pas d’activités, ni de centre ou colonie. Et oui, on mangera des pâtes, on est les agents. Mais nous nous battrons contre cette réforme et toutes ces injustices, je ne viendrai pas en déambulateur monter dans mon train jusqu’à 70ans pour vous payer à vous et tous ces grands dirigeants des salaires à plusieurs millions d’euros !!!
À Noël vous allez avoir un beau cadeau de 50.000€ et nous des cacahuètes.
À ce club très fermé, il y a également M. Guillaume Pépy PDG de la SNCF : alors là, quand il s’agit de grands dirigeants, la parité est de rigueur sur vos salaires.
En nous retirant tous nos acquis un par un, vous nous démontrez votre total mépris vis-à-vis des ouvriers, alors que sans nous, la RATP ne tournerait pas et vous en avez eu le plus bel exemple le 13 septembre 2019.
Mon métier je l’ai choisi je ne le regrette pas, j’aime rendre service aux voyageurs et me sentir utile. Je suis fière d’être conductrice à la RATP et c’est pour cela que je me battrai pour mes collègues et moi demain, mais par dessus tout pour l’avenir de mes enfants et des générations à venir.
IRENE Conductrice METRO RATP et MAMAN !!!
Publié par REVOLUTION PERMANENTE