Allez, deux illustrations prises sur fb:
Et les régimes dits spéciaux par la pensée unique, dont celui des cheminots? Pensez-vous que celui obtenu par les travailleurs du rail ait été obtenu par la seule grâce des compagnies ferroviaires privées dans lesquelles le patronat et les actionnaires étaient de droit divin?
Un peu d'histoire donc:
Le syndicat national des sédentaires confédéré à la CGT, celui autonome des mécaniciens et chauffeurs et celui des agents de trains, leurs actions dispersées obtiennent pour autant en 1899 la consécration du principe de la journée de 10 heures pour les roulants et de 12 heures pour les sédentaires. Mais sont oubliés les ouvriers des ateliers, de la voie et les administratifs. Le Syndicat national s'en émeut et porte leurs revendications.
La CGT revendique la journée de 8 heures pour tous les travailleurs à son congrès de 1904. En effet, la loi de 1841 ne limite le travail à 8 heures seulement que pour les enfants âgés de 8 à 12 ans. Dans le chemin de fer, l'influence syndicale et ses actions grandissent, notamment de la part du syndicat national. De 1907 à 1910, des avancées sociales sont obtenues. En 1909, les députés votent la loi Barthou sur la retraite des cheminots: 50 ans pour les agents de conduite, 55 ans pour les sédentaires et agents des trains, 60 ans pour le personnel administratif. Mais le Sénat bloque son application. Enfin la loi est votée, mais pas sa rétroactivité pour les cheminots déjà en poste.
Octobre 1910: grève générale des cheminots pour l'obtenir, ainsi que l'amélioration des salaires et des conditions de travail. Echec, sauf sur un Statut des cheminots appartenant au réseau de l'Etat, minoritaire en France, en 1912. En effet, toutes les compagnies ferroviaires privées entendent rester maîtresses chez elles. Les luttes se poursuivent, les 3 syndicats évoquent leur réunification au sein d'une fédération CGT des cheminots. 1914-1918, la guerre et l'Union sacrée de la CGT avec le capital mettent un frein à cette avancée.
1917-1918: reprise de l'activité syndicale autour d'un Statut unique des cheminots. La fédération CGT des cheminots est créée. Son premier congrès intervient du 28 au 30 juin 1918, encore loin de l'Armistice du 11 novembre. A l'ordre du jour, statut et grille salariale uniques dans toute la France.
Mais au 3e congrès fédéral d'avril 1920, bataille entre réformistes et révolutionnaires. La grève générale du 1er mai 1920 est votée par seulement 174 130 voix contre 147 932. Echec notamment sur la nationalisation du chemin de fer et la réintégration des révoqués de 1910. Mais le gouvernement cède sur le Statut unique comprenant 15 jours de congés payés, la sécurité de l’emploi, les délégués du personnel et au Comité du Travail, l’échelle de traitement fixant un traitement national de début.
La Fédération nationale sort cependant affaiblie de cette lutte. Des mécaniciens et chauffeurs s'en séparent et reforment leur ancienne organisation autonome. Des cheminots catholiques adhèrent à la CFTC nouvellement créée par l'Eglise et le patronat. Une fédération des Cadres se forme. La CGT se divise enfin en CGT réformiste et CGTU révolutionnaire en 1921.
1936: réunification de la CGT et luttes unitaires ,dès 1935. Des discussions s'ouvrent dans les compagnies ferroviaires et avec l'Etat. L'historien Georges Ribeill résume la situation: «Bien que les cheminots bénéficiaient d’avantages acquis antérieurs à ceux que vont consacrer les lois sociales du Front Populaire, c’est dans l’élan des grandes réformes du droit du travail que la SNCF, dut transformer le statut de 1920, formellement imposé unilatéralement en une convention collective, donc négociée, en application de la loi du 23 juin 1936. Organisation la plus représentative, seule la CGT participa à son élaboration, conclue par son adoption par le CA SNCF du 20 août 1938 et mise en vigueur à compter du 1er septembre 1938. » Les compagnies ferroviaires sont nationalisées.
Le statut des cheminots, dans les années qui vont suivre, sera toujours le fruit des conquêtes sociales, comme c'est le cas des conventions collectives dans le privé.
Faire de la fin des régimes spéciaux un enjeu central de la réforme sous prétexte de plus d’égalité pour tous est un leurre. Le gouvernement veut surtout tirer les droits de tous vers le bas ! Plutôt que d’opposer les salariés du privé et du public, il faut l'action unitaire pour imposer les droits vers le haut. Oui, il n’est pas normal qu’un conducteur de bus du Havre parte plus tard à la retraite que celui de Paris. Alors revendiquons que tous les salariés avec un métier pénible puissent partir plus tôt. La CGT revendique l’harmonisation des droits les plus favorables aux travailleurs.
Publié par Le Mantois et Partout ailleurs