A la veille de la journée du 5 décembre, nul ne peut nier que la mobilisation sera massive, imprévisible, combative. Nul ne peut feindre de croire, non plus, qu'une journée d'action sera suffisante pour faire plier Macron. D’où la question : quelles voies pour remporter la bataille ?
Historique, massive, imprévisible. Les superlatifs ne manquent pas à la veille de la journée de grève nationale et interprofessionnelle du 5 décembre. On le sait, la grève sera très largement suivie à la RATP, à la SNCF, dans l’Éducation Nationale et dans une série de secteurs du monde du travail. L’incertitude majeure consiste dans le taux de mobilisation dans les secteurs du privé où de nombreux appels à la grève, parfois reconductible, on fleurit, malgré la propagande gouvernementale et médiatique visant à faire passer le 5 décembre pour une journée de lutte pour les régimes spéciaux.
En soi, de nombreux paramètres sont aujourd’hui encore inconnus, et le resteront jusqu’au 5 décembre, en particulier l’ampleur de la reconduction du mouvement. Si certaines tendances sont visibles, notamment à la SNCF et à la RATP, c’est bien l’ampleur des suites du 5 décembre, notamment à partir du lundi 9 décembre, qui reste aujourd’hui floue. Pourtant, on le sait aussi, la journée du 5 décembre en elle-même ne suffira pas, de quelque ampleur qu’elle soit, pour faire reculer jusqu’au bout le gouvernement.
Dans ce contexte, la question centrale, pour notre camp social, est bel et bien que le 5 décembre soit le point de départ d’un mouvement massif et durable, s’ancrant dans le temps, dans la grève et dans l’action. Le principal danger réside donc dans une « désunion », d’un éclatement entre les différents secteurs se battant pour des revendications sectorielles, par ailleurs parfaitement légitime. A ce titre, il est donc primordial de voir émerger une série de revendications unifiantes, autour desquelles s’agrègent l’ensemble des colères et des revendications des différents secteurs entrant dans la lutte.
La première des revendications est bien entendu le retrait pur et simple du projet de réforme des retraites, sans négociations ni amendements à la marge. Mais plus largement, la question des retraites doit être aussi posée en positif. C’est ainsi que l’exigence d’une retraite à 60 ans, et à 55 ans pour les métiers pénibles, sans condition d’annuité, tout comme l’augmentation générale des pensions et des salaires, avec indexation sur l’inflation pour éviter de se faire « bouffer » ces augmentations sont tout aussi primordiales.
Mais en soi, ces revendications offensives et pour l’unité ne pourront jouer pleinement leur rôle sans une réelle prise en charge de la lutte par les grévistes eux-mêmes. Dans son Programme de transition publié en 1938, le révolutionnaire russe Léon Trotsky expliquait que « la majorité la plus opprimée de la classe ouvrière n’est entraînée dans la lutte qu’épisodiquement, dans les périodes d’essor exceptionnel du mouvement ouvrier. A ces moments-là, il est nécessaire des créer des organisations ad hoc, qui embrassent toute la masse en lutte ». Ces considérations, loin d’être datées, sont d’autant plus d’actualité aujourd’hui, à une époque où le taux de syndicalisation en France est beaucoup plus faible qu’à la fin des années 30 et où les grandes concentrations ouvrières ont été méthodiquement atomisées par la bourgeoisie, avec l’essor du recours à la sous-traitance, depuis le début des années 70.
En soi, la journée du 5 décembre peut être le point de départ d’une de ces périodes « d’essor exceptionnel du mouvement ouvrier ». C’est autour du sentiment très présent dans le pays du « plus personne ne doit nous dire comment, où et quand on va lutter » qu’il faut développer des assemblées générales décisionnaires, l’émergence de comité de grève et, surtout, la construction d’assemblées générales interprofessionnelles, coordonnant les secteurs entre eux, tant à l’échelle locale que nationale, comme organe de coordination contrôlé par la base des grévistes. A ce titre, l’exemple des rencontres entre salariés de la RATP et de la SNCF en Île-de-France, et l’appel à une AG interprofessionnelle dès le 6 décembre, est un exemple à suivre et à généraliser pour ouvrir les voies de la victoire contre Macron, ses retraites et son monde.
Publié par REVOLUTION PERMANENTE