Le cap des 40 jours de grève a été franchi, et la situation peut encore basculer. Les jours à venir seront décisifs pour arracher la victoire, dans un contexte où les difficultés s'accumulent pour le gouvernement.
Crédits photo : O phil des contrastes
Après plus de quarante jours de grève contre la réforme des retraites, la situation semble aujourd’hui dans une forme d’impasse. De part et d’autre de la barricade, l’épreuve de force se poursuit. L’énorme détermination des grévistes, combiné au soutien toujours majoritaire de la population à la grève (60% selon le dernier sondage d’Harris Interractiv pour RTL et AEF Info) malgré la manœuvre gouvernementale, applaudie des deux mains par la CFDT et l’UNSA sur la question de l’âge pivot, ne permet pas à l’exécutif d’imposer en force sa réforme. Dans le même temps, les difficultés à l’élargissement du mouvement, notamment dans le privé, ne permet pas, pour l’heure, d’imposer un rapport de force suffisant pour arracher le retrait de celle-ci.
Une situation de « neutralisation » sur le terrain de la lutte des classes qui ne pourra bien évidemment pas durer éternellement. A ce titre, des dynamiques sont notables. Dans le secteur de l’Éducation nationale, le maintien de taux de grévistes en dehors des grandes journées de mobilisation témoigne d’une colère et d’une combativité importante, à même d’apporter un second souffle à la mobilisation. La grève qui se poursuit dans les raffineries, et les blocages de dépôts de carburant, laisse poindre à l’horizon le spectre d’une pénurie d’essence, qui la aussi changerait qualitativement le rapport de force, tout comme l’ entrée en scène de secteurs « inattendus » comme les avocats. Hors île de France, les dynamiques, pour l’heure embryonnaire, de lutte dans les transports en commun, comme à Nantes, Pau ou encore Toulouse, témoigne du fait que la possibilité d’un élargissement de la grève est encore possible.
Mais cet élargissement du mouvement ne saurait se faire que par des déclarations incantatoires. Ce n’est pas la colère qui manque dans tous les secteurs du monde du travail, comme a pu en témoigner, à sa manière, le mouvement des Gilets jaunes. Toutefois, le spectre du chômage, combiné à l’ambiance de « terreur patronale » à l’intérieur de l’entreprise, les contrats précaires et tout un ensemble d’éléments maintiennent la chape de plomb, en particulier dans le privé. En ce sens, le « tribut à payer » pour une revendication strictement défensive, à savoir le retrait de la réforme, est indéniablement un frein à la mobilisation.
L’élargissement du mouvement ne peut donc passer que par l’élargissement des revendications, contre les contrats précaires, pour des hausses générales des salaires, pour une retraite à 60 ans et 55 ans pour les emplois pénibles sans condition d’annuité, pour l’interdiction des licenciements... En bref, des revendications offensives, pour que le combat « vaille la peine d’être mené » pour tout un ensemble de travailleuses et de travailleurs qui se sentent pour l’heure solidaire du mouvement, sans pour autant entrer de plain-pied dans la bataille.
L’autre aspect structurant de la situation, c’est la répression. Qu’elle soit syndicale, policière ou judiciaire, le gouvernement joue à plein la carte de la matraque pour décrédibiliser et démoraliser le mouvement. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette stratégie du gouvernement n’est pour l’instant pas payante. Mieux, après près de deux ans de polémiques sur la question des violences policières, le gouvernement se retrouve aujourd’hui dans la tourmente, avec des éléments de crises qui forcent le gouvernement à chercher à vainement se défendre, tout en promettant des mesures. Que la presse bourgeoise emploie le terme et se sente obligée de publier dans les journaux et à la télé les images des cas les plus scandaleux de répression n’est pas anodin, après un an de répression continue, et indique que la politique répressive menée par Macron qui démasque le vrai visage de l’Etat et de sa police, au risque de perdre toute légitimité, n’est pas partagée par toute la classe dominante.
La prise en charge de la question de la répression par le mouvement ouvrier et le mouvement social, par le développement d’un discours contre les violences policières, une prise de position explicite des grandes centrales syndicales, des manif’ syndicales aux quartiers populaires, est un élément central pour la suite de la mobilisation.
On le sent bien, le dénouement de la mobilisation est proche. Accélérer le rythme pour enfoncer le clou, face à un gouvernement affaibli, et ouvrir les portes de la victoire contre Macron et mettre un stop aux politiques néo-libérales, en cours ou à venir, c’est tout l’enjeu des prochains jours de la mobilisation !
Publié par REVOLUTION PERMANENTE