A l’heure où le gouvernement prépare les esprits à l’utilisation du 49.3 pour faire passer en force son projet de réforme des retraites, il est utile de rappeler les différentes stratégies appliquées pour influencer l'opinion à des fins politiques et économiques.
Les techniques sont multiples et plus subtiles que le recours à la force. Il s'agit de modifier à tout ou partie de la population sa perception du réel. Le champion toutes catégories de ces pratiques est le capitalisme avec tous ses relais : élus et organisations politiques, médias, lobbies, réseaux sociaux, structures de formation, instituts de sondage, etc. Non content de mettre ses mains dans nos poches, il les met dans nos cerveaux.
Ces manipulations sont si quotidiennes qu'elles sont banalisées et presque plus perceptibles. L’omniprésence des médias et des réseaux sociaux dans notre vie nous livre du « prêt à penser » qui, à la longue, amoindrit notre capacité de réflexion et notre sens critique. Nous sommes soumis à la désinformation, à la fois noyés dans un flot continuel de nouvelles insignifiantes et matraqués lors d'événements médiatiques (compétitions sportives, fêtes diverses à visées commerciales, événements tragiques, etc.). Le but est d’imprégner progressivement le subconscient des individus pour modifier leur système de valeurs et leurs comportements.
L’émotion permet de faire diversion, en passant sous silence des événements importants de la vie démocratique, tout en exacerbant les peurs, les désirs et les réactions individuelles. Elle utilise systématiquement par les médias lors des mouvements sociaux pour mettre en exergue les réactions de colère des usagers envers les grévistes et éluder ainsi le motif et les vrais responsables de la grève.
C'est aussi la tasse de thé des concepteurs d'émission de téléréalité qui font l'apologie de la médiocrité laissant moins de place à la culture.
Il s'agit de créer des situations qui conduisent l'opinion publique à demander aux gouvernants de prendre des mesures contraires aux intérêts de la population. Exemples : provoquer ou laisser faire un état de violence urbaine qui générera une demande de mesures sécuritaires privatives de liberté ; profiter d'une crise économique ou en amplifier l'impact pour faire reculer les droits sociaux.
La multiplication des sondages, très sensible aux moments des échéances électorales, vise à créer un mimétisme ou une résignation vis à vis d'une opinion présentée comme majoritaire. La forme des questions posées induit la réponse attendue par celui qui finance le sondage. Mais, malgré la mauvaise opinion qu'ont les Français de ces questionnements, l'impact est non négligeable.
Faire appel à des intermédiaires, présentés comme experts indépendants, pour contourner la méfiance de l'opinion envers le discours officiel, verrouille le débat public tout en créant l'illusion qu'il a eu lieu. Cela renvoie le citoyen à son ignorance et à sa soumission à « ceux qui savent » menant à l'infantilisation. C'est particulièrement vrai pour les débats sur l'économie.
Yolande Bachelier
Utiliser la progressivité
Faire accepter des réformes sous prétexte que leur application n'interviendra que progressivement sur une longue durée, laissant croire que ces décisions néfastes ne touchent que les salariés ou les bénéficiaires dans les années à venir, en fixant une échéance lointaine, cela doit laisser le temps aux citoyens de s'habituer à l'idée du changement et de s'y résigner. C'est l'exemple même de la réforme des retraites.
Jouer sur la culpabilisation
C’est détourner les sentiments d'injustice et de révolte d'un individu contre lui-même. S'il a la conviction d'être responsable de la situation dans laquelle il est, l'individu n'est pas en capacité d'agir. Exemple : faire croire aux chômeurs qu'ils sont responsables de leur situation par manque d'intelligence, d'aptitude ou de motivation n'engendre qu'un état dépressif peu propice à la défense de leurs intérêts. Ou encore faire croire que les retraités sont des privilégiés pour justifier la baisse des pensions.
Publié par EL DIABLO