SOURCE : L'Humanité
« Les salariés savent que leur activité est viable »
En visite sur le site Verallia de Châteaubernard (Charente), le secrétaire national du PCF a dénoncé la stratégie du groupe et la complaisance de l’État actionnaire.
Verallia supprime près de 200 postes et met à l’arrêt le four de son site de Châteaubernard. En quoi est-ce symptomatique de ces grands groupes qui restructurent au prétexte de la crise sanitaire ?
Fabien Roussel
Verallia va très bien. C’est le leader français de la production de bouteilles de verre. Le groupe va d’ailleurs tellement bien qu’il a distribué 100 millions d’euros de dividendes le 10 juin. Le 12 juin, il annonçait un plan social de 200 emplois directs et la fermeture d’un four près de Cognac. Le coronavirus est un prétexte à des suppressions d’emplois qui ne sont justifiées que par l’augmentation des dividendes aux actionnaires, parmi lesquels la banque publique d’investissement (BPI) pour 7,5%. J’ai appris en outre que Verallia produit entre autres, ici, à Châteaubernard, les bouteilles pour les cognacs Hennessy. Or Hennessy s’apprêterait à passer commande auprès de l’entreprise pour des bouteilles produites en Ukraine. C’est la démonstration que la fermeture et les licenciements n’ont qu’une logique de rentabilité immédiate. C’est un coût pour l’emploi et pour l’environnement.
Vous parlez de provocation socialement irresponsable. Quels garde fous l’État devrait-il mettre en place pour éviter la multiplication de ces situations ?
Fabien Roussel
J’ai obtenu, le 31 août prochain, une réunion à Bercy sur le dossier Verallia. Je vais demander à Bruno Le Maire de faire suspendre ce plan de restructuration et de réunir l’ensemble des acteurs. Les salariés ont énormément d’arguments pour expliquer que leur activité est largement viable. Ils m’ont expliqué qu’aujourd’hui 34% des bouteilles utilisées en France sont importées. Il y a des parts de marché à gagner. Il faut trouver une solution. Et je veux aussi m’adresser aux producteurs de vins et de champagne de notre pays pour leur demander d’être vigilants et de favoriser l’achat des bouteilles fabriquées en France plutôt que celles produites à l’étranger. Aujourd’hui, si Verallia ne fait pas appel à l’État pour un plan de soutien parce qu’elle fait le choix de distribuer des dividendes, elle perçoit quand même de l’argent public, via le Cice et probablement le CIR. C’est inadmissible. Plus personne n’accepte cela. Il y a besoin de légiférer, rapidement, pour que l’argent public vienne en appui des investissements d’une entreprise, surtout pas sans contrepartie. D’autant plus quand la BPI siège au rang des actionnaires. C’est à se demander ce qu’elle y fait. La CGT s’est battue pour que l’État garde un droit de regard sur l’entreprise, pas pour qu’elle signe des chèques en blanc et engrange des dividendes sans demander de comptes. La BPI est là pour veiller à la stratégie industrielle et à la réalisation des investissements. Certainement pas pour cumuler des jetons de présence et valider un plan social.
Alors que le gouvernement s’apprête à présenter son plan de relance, comment sécuriser l’emploi industriel, particulièrement touché par la crise économique actuelle ?
Fabien Roussel
Avant toute chose, il faut conditionner, strictement, le versement d’aides publiques à la création d’emplois et à l’investissement dans la recherche, la formation et la transition écologique. Par ailleurs, il est urgent de lutter contre les schémas d’optimisation fiscale de ces grands groupes pour que les richesses créées dans notre pays y restent. C’est l’argent des ouvriers qui part dans les paradis fiscaux, l’argent de leur travail. Que tous les emplois soient conservés doit être la priorité. Les 500 milliards d’euros mis sur la table par l’État pour faire face à la crise doivent être utiles à cela. Quand on a une usine de cette qualité et des compétences de ce niveau, tout doit être tenté pour sauver le site. On a déjà gagné des batailles de ce type. C’est possible. Alors allons-y.
par Marion D'allard
Publié par FSC