Dans le sillage de la vague de licenciements qui s’abat sur de nombreux secteurs en France, le groupe Auchan Retail, filiale du pôle alimentaire d’Auchan, a annoncé ce mercredi la suppression de 1475 postes sur l’ensemble de ses enseignes. Depuis la chaîne de marchandises jusqu’aux volets administratifs, en passant par les fonctions de SAV, le groupe au rouge gorge entend se réorganiser en profondeur pour réaliser toujours plus de bénéfices, en sacrifiant toujours plus de salariés.
Des salariés de Auchan en grève contre le rachat de leur magasin à Villetaneuse, en 2019 / Le Parisien/Gwenael Bourdon
Le 28 août dernier, le groupe Auchan détenu par la famille d’actionnaires Mulliez publiait dans un communiqué de presse ses résultats pour le premier semestre 2020. Contrairement à des petites enseignes indépendantes, et comme on s’en serait douté, l’enseigne de grande distribution n’a pas excessivement souffert de la crise sanitaire, et même au contraire, elle affiche un chiffre d’affaires à la hausse (+0,8%) et une progression de 162 millions d’euros sur son Ebitda* par rapport au premier semestre 2019. L’entreprise a par ailleurs versé « 2 milliards d’euros de dividendes aux actionnaires ces dernières années » a en outre rappelé la Fédération CGT Commerce et Services dans un communiqué.
Comme Auchan l’explique dans ce communiqué : « La baisse du chiffre d’affaires enregistrée en hypermarché a été plus que compensée par la progression du chiffre d’affaires de l’ensemble des autres formats ». Des résultats au beau fixe donc. . Certes, mais sans doute pas assez pour le groupe qui dans cette course frénétique aux profits livrée par l’ensemble des secteurs de la grande distribution, souhaite toujours plus renfler ses caisses et grossir ses comptes. Une prise de masse qui passe néanmoins par un amaigrissement des effectifs.
En effet, réuni depuis hier, le comité central d’entreprise d’Auchan s’achève aujourd’hui par la publication d’un communiqué annonçant la grinçante suppression de 1 475 postes sur l’ensemble des enseignes présentes en France. Relayé par LSA, le communiqué reprend le projet d’entreprise lancé en 2019 et baptisé « Auchan 2022 » visant à modifier en profondeur l’organisation et l’offre de l’enseigne pour s’adapter « aux nouvelles habitudes des clients » et « assurer le redressement de l’entreprise ». Une adaptation qui passe donc par le licenciement de milliers de salariés, parmi lesquels toute une partie a dû faire face à des conditions de travail difficiles pendant le confinement et au plus fort de la crise sanitaire, assurant le maintien d’une activité essentielle au péril de leur santé et de celle de leurs proches .
Précisé par le communiqué, les pôles concernés par ce plan de transformation sont notamment : l’ensemble de la chaîne de marchandise, le SAV, l’encaissement, le back-office en hypermarché mais aussi les volets ressources humaines, ressources administratives et contrôle de gestion. S’ajoute à cela la fermeture de l’atelier de découpe de viande de Lieusaint qui emploie aujourd’hui 57 salariés.
Mais pas de panique, semble vouloir rassurer Auchan, malgré ses 1 475 postes supprimés, 377 seront créés. Fabuleux. « Seulement » 1 088 licenciements injustifiés au total donc... Et si ça ne suffit par pour rassurer, le communiqué conclut sur cette douce note : « Dans ce contexte, et comme il l’a toujours fait, Auchan Retail France souhaite mettre en place un accompagnement exemplaire des salariés ».
Or, des doutes, il est légitime d’en avoir lorsqu’on se demande ce que sont devenus les quelques 1 000 salariés d’Alinéa, entreprise appartenant au même groupe qu’Auchan, qui ont vu leurs emplois supprimés il y a peine quelques semaines.
Le choix du groupe de faire payer la crise et les restructurations aux salariés n’est malheureusement pas inédit. Ainsi, en avril dernier, Auchan annonçait la mise en vente de 21 de ses supermarchés, éparpillés dans toute la France, impactant entre 700 et 800 salariés, comme le précisait le journal Le Parisien. Cette mise en vente était la triste conséquence d’un plan de réformes lancé par le groupe pour réduire ses pertes financières.
De même, en mars 2020 c’était à l’entreprise commerciale d’ameublement et de décoration, Alinéa, également propriété des actionnaires de l’association Famille Mulliez (AFM), d’expérimenter les effets de cette course aux profits. Le directeur ayant déclaré l’état de cessation de paiement de l’entreprise, celle-ci avait été placée en redressement judiciaire. Or, grâce à une ordonnance prise par le gouvernement le 20 mai, permettant à l’actuel propriétaire d’une entreprise de déposer le bilan et de la racheter derrière, Alinéa a pu être rachetée fin août par les Mulliez, sous l’entité de « Néomarché ». Une stratégie permettant de fermer des magasins et d’éponger les dettes que 1 000 salariés d’Alinéa ont dû payer par leur licenciement.
En outre, avec l’annonce de la poursuite de son plan de transformation baptisé « Auchan 2022 », la 6ème famille la plus riche de France, possédant à son compteur près de 26 milliards d’euros de patrimoine, profite à nouveau de la crise pour grossir ses fonds sur le dos des salariés. En effet, ce plan visant principalement à réaliser 1,1 milliards d’euros d’économie d’ici 2022 avait été lancé en 2019, mais selon le groupe, « La crise sanitaire a confirmé la justesse des axes, a prouvé la pertinence des engagements historiques de l’entreprise et a permis d’accélérer significativement certaines initiatives. ».
Alors qu’Auchan n’en a que très peu subi les effets, la crise sanitaire sert une nouvelle fois d’excuse pour licencier des milliers de salariés. L’enseigne au rouge gorge niché dans le A, sensé rappeler le côté « sympathique et proche de l’homme », montre à nouveau ce qu’il en est de son humanité.
Face à cette situation, la Fédération CGT Commerce et Services a réagi en appelant les salariés à la grève le 17 septembre prochain dans un communiqué de presse. Pourtant, face à cette vague de licenciements c’est la question plus large de la coordination des secteurs qui font face à des attaques qui se pose. Une coordination essentielle qui doit aller de pair avec la construction d’un véritable plan de bataille à la hauteur, autour d’un programme pour refuser que les travailleurs ne paient la crise en revendiquant l’interdiction des licenciements, le partage du temps de travail ou encore la nationalisation sous contrôle ouvrier des entreprises qui se déclarent en faillite. Seules des initiatives en ce sens permettront de briser l’isolement des salariés attaqués, de TUI France à AAA en passant par Alinéa, Airbus, Air France, General Electric ou la Raffinerie de Grandpuits.
Publié par REVOLUTION PERMANENTE