Alors que des milliers de salariés font face à la difficulté de devoir travailler à distance tout en devant réussir à gérer vie professionnelle et personnelle, le patronat en profite pour réaliser des économies sur le dos des salariés. Une situation validée par un accord sur le télétravail accepté par la quasi totalité des syndicats qui laisse les mains libres au patronat.
Crédits : ( AFP / VALERY HACHE )
La crise sanitaire à laquelle nous faisons face depuis un an est synonyme d’une adaptation dans notre façon de travailler qui s’illustre notamment par le télétravail. Cette nouvelle façon de travailler de chez soi, qui concerne 1 salarié sur 5 et qui se poursuit en 2021, impose à ces derniers des frais matériels parfois conséquents : chaises de bureau, encres et papier pour l’imprimante, mais aussi chauffage pour pouvoir rester au chaud pendant la période hivernale. En effet, selon Capital, on assiste à une augmentation de +35% de gaz et +20% d’électricité dans les ménages entre le 25 octobre et le 25 novembre 2020.
Tandis que les salariés questionnent leurs patrons quant au remboursement de ces frais, certains font la sourde oreille ou s’indignent. D’autres vont même jusqu’à faire signer un avenant à leurs employés qui les font renoncer à se faire rembourser de ces dépenses supplémentaires. si certaines rares entreprises ont mis en place des indemnisations ; la plupart n’en font rien alors même que cette crise sanitaire leur permet de réaliser des économies ! Les employés étant de moins en moins présents dans les locaux, les entreprises réduisent leur surface et payent moins cher la location de ces locaux. Plutôt que d’indemniser logiquement leur salariés en contrepartie, les entreprises ont décidé de jouer la sourde oreille.
Comme solution proposée, l’Urssaf a mis en place un barème indicatif pour permettre aux employeurs de verser une allocation de télétravail pouvant aller jusqu’à 50 euros par mois et par salarié mais exonérés de cotisations sociales, à condition que le télétravail soit encadré par une convention ou un accord collectif au sein de l’entreprise, ce qui n’est pas toujours le cas.
Chaque entreprise fonctionne donc au cas par cas, une situation provoquée par le flou juridique qui entoure les ordonnances de Macron concernant le Code de travail, supprimant la disposition suivante : « l’employeur [était] tenu à l’égard du salarié en télétravail (…) de prendre en charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail » (Article 1222-10). Le patronat profite de ce flou juridique pour ignorer les demandes d’indemnisations de leurs employés. Alors même que des avocats expliquent que ce flou est une excuse car en réalité, donner à son employé les ressources nécessaires pour pouvoir accomplir sa tâche relève d’un principe et ce, même dans une situation exceptionnelle telle que la crise actuelle.
Pour pouvoir contraindre leur employeur, les salariés peuvent s’appuyer sur l’arrêt de 2010 de la chambre sociale de la Cour de cassation qui indique que « les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent lui être remboursés sans qu’ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due ». Le patronat joue dès lors sur le fait que peu de salariés saisiront les prud’hommes par peur de perdre leur emploi dans une situation difficile, par méconnaissance ou encore parce que les procédures sont longues.
La jurisprudence est souvent une façon de flouter des mesures sans en donner le cadre commun comme pourrait le faire une loi. C’est notamment le cas du dernier accord national intersyndical, signé par l’ensemble des organisations exceptée la CGT, sur le télétravail, conclu en novembre dernier et qui rappelle à l’employeur la nécessité de couvrir les frais professionnels, mais sans apporter plus de précisions. L’accord, qui renvoie vers un dialogue social d’entreprise par entreprise, ne garantit donc pas aux employés qu’ils recevront les indemnités qui leurs sont dus. L’ accord est qu’il ne contraint absolument pas le patronat à quelconque indemnité et constitue seulement un “rappel”, histoire de pondre un accord qui illustrerait la bonne volonté du patronat de construire des structures correctes à ses employés.
Après plusieurs séances de négociation, le patronat avait en effet obtenu gain de cause avec un accord « ni prescriptif ni normatif ». En clair, un accord qui ne contraint à rien, avant tout une synthèse de l’existant et un renvoi vers le dialogue social entreprise par entreprise pour préciser les modalités d’application. L’ensemble des organisations, à l’exception de la CGT (précisément pour cette raison d’absence de cadre commun pour tous), ont accepté le texte proposé par les organisations patronales (Medef, CPME et U2P).
Les salariés doivent donc s’en remettre à des négociations dans l’entreprise menées dans les CSE (Conseil Social et Économique) et à des accords locaux. Une autre source de stress pour des employés déjà surchargés par le travail et par un télétravail difficile.
Une nouvelle fois la réalité de la situation en plein télétravail montre que ce n’est pas d’un accord fantoche avec le patronat dont les travailleurs ont besoin mais d’un plan de bataille pour interdire les licenciements, partager le temps de travail sans perte de salaire jusqu’à éradication du chômage et augmenter les salaires et les pensions. On ne fait pas reculer le patronat et avancer notre cause en discutant avec le patronat mais en le combattant pied-à-pied, par la grève, que l’on soit amené à travailler dans la boîte ou à la maison !
Publié par REVOLUTION PERMANENTE