A propos du COVID-19, il nous apparait que comme partout en France, la pandémie du coronavirus a mis en évidence la responsabilité primordiale du système capitaliste dans les causes de la crise sanitaire, aggravant du même coup les crises économique et sociale.
Comme pour l’ensemble des enjeux sociaux d’emploi et de salaires, de services publics et de droit du travail, cette responsabilité doit être bien mise en lumière en ce qui concerne la Sécurité Sociale.
La branche maladie de la Sécurité Sociale est en effet confrontée à une forte contradiction, délibérément créée par la politique libérale du gouvernement qui a la mainmise sur sa gestion.
Cette contradiction tient au décalage entre le montant croissant des dépenses qu’elle doit assumer et une décroissance certaine de ses ressources pour y faire face. Comme l’indiquait dans son dernier rapport (Septembre 2020) la Commission des Comptes de la SS : « La branche maladie supporte en effet les pertes considérables de recettes associées à la récession économique et des dépenses exceptionnelles pour permettre au système de soins de face à la crise sanitaire ».
Décalage car du côté des prestations en effet, la Sécu doit faire face à l’ensemble des dépenses nécessaires pour lutter contre la pandémie :
Cela inclut le coût des dépenses hospitalières pour soigner les malades, les indemnités journalières des arrêts maladie, … mais aussi les dépenses liées au dépistage et à la prévention de la contamination par le virus, c’est-à-dire les tests de dépistage, le coût des vaccins et les actes médicaux qui les accompagnent.
Et quand on sait que le coût d’un vaccin Pfizer peut aller jusqu’à 19,50 euros la dose, on comprend pourquoi cette multinationale de l’industrie pharmaceutique réalise des profits fantastiques sur le dos de notre Sécurité Sociale, bonne fille, qui rend solvable leurs ventes !
Et on saisit mieux aussi l’urgence de gagner la levée des brevets sur la production des vaccins, de mettre ainsi en place la licence obligatoire afin de faire cesser ce pillage ! « Pas de profits sur la pandémie ! » est plus que jamais le mot d’ordre à imposer aux multinationales de la production pharmaceutique.
De l’autre côté, celui des ressources, la Sécu est confrontée à une baisse de ses rentrées en cotisations qui relève pour une large part d’un pillage en règle – un vol en bande organisée – pour plusieurs raisons :
- 1. Le chômage augmente avec les licenciements qui se multiplient ; une partie de ces licenciements s’effectue d’ailleurs, c’est un comble ! alors que de l’argent public et du crédit bancaire ont été accordés à de grandes entreprises via « le plan de relance »,
- 2. Les salaires bruts font du surplace ou sont en baisse relativement à l’augmentation du coût de la vie du fait de l’absence d’augmentations générales de salaires, mais aussi à cause des accords dits de « performance collective » (une des infamies des ordonnances MACRON) organisant la baisse des salaires par le chantage au maintien de l’emploi. Si les salaires se portent mal, il n’en est rien pour les profits qui sont au beau fixe comme en témoignent les records de profits enregistrés par les entreprises du CAC 40,
- 3. Le dispositif de chômage partiel maintient 70% du salaire brut mais ce revenu de remplacement (indemnité d’activité partielle) n’est pas soumis à cotisations sociales. A cela s’ajoutent les dispositifs exceptionnels mis en place d’exonérations et de reports de cotisations sociales pour les entreprises,
- 4. Les dispositifs antérieurs d’exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises (Exos Fillon, etc.) non seulement n’ont pas été remis en cause, ne serait-ce que pour tenir compte de la récession économique, mais ils ont été poursuivis et amplifiés avec le CICE, transformé en système pérenne d’exonérations, privant le régime général de Sécu de 20 milliards par an !
- 5. Une partie de ces exonérations n’est pas compensée par l’État ce qui prive la Sécu là encore de plusieurs milliards.
Rappelons nous que ces exonérations sont accordées aux entreprises sous prétexte que les cotisations sont soi-disant une charge selon le patronat et parce que le travail serait lui un coût, le « coût du travail » dans le lexique du MEDEF.
Si le travail était un coût, la France aurait dû se porter beaucoup mieux et son activité économique s’améliorer considérablement à la suite de tous ces mois de confinement et avec ces millions de travailleuses et travailleurs obligés de chômer ! Tout au contraire, nous nous sommes rendus compte, - et pour certains de nos libéraux ce fût une découverte ! - qu’il y avait des premières et premiers de corvée et que leur travail – mal reconnu et mal payé – n’était pas un coût mais une activité indispensable à la vie sociale de toutes et tous !
Au total, pour résumer ces cinq dimensions de la baisse organisée des ressources, il y a bien « effondrement de la masse salariale du secteur privée sous l’effet de l’explosion de l’activité partielle et de la baisse de l’emploi ».
Ce n’est pas la CGT qui le dit mais la Commission des Comptes de la S.S.
Ce décalage grandissant entre recettes et dépenses a débouché sur un déficit lequel a fourni le prétexte au gouvernement pour décréter que la C.R.D.S serait prolongée jusqu’en 2033 ! C’est inacceptable ! Car ce déficit n’est que le résultat d’un pillage organisé qui se porte à la fois sur les recettes et sur les dépenses.
• Est-il exagéré de parler de « pillage organisé » ? Il semble que non car comment accepter que la Sécu soit obligée de rembourser les vaccins aux prix imposés par l’industrie pharmaceutique alors que la levée des brevets et la mise en place de la licence obligatoire permettraient de diminuer nettement ces prix ?
• Comment accepter que la Sécu puisse continuer à être pillée par les exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises, pour un coût de plus en plus dispendieux, alors que la démonstration a été faite depuis longtemps qu’elles ne servaient pas l’emploi mais le desservaient, et ce alors que la seule suppression de ces exonérations pour les entreprises du CAC 40 (pour commencer), rapporteraient 5,5 milliards de recettes supplémentaires à notre régime général de Sécurité Sociale et que la division par deux de leur montant global rapporteraient 45 milliards de plus ?!
Pour la CGT, il est clair que si le gouvernement voulait asphyxier la Sécurité Sociale il ne s’y prendrait pas autrement ! En conséquence, il est tout aussi clair que toutes les forces syndicales, associatives et politiques attachées à défendre la Sécu, à lui redonner la plénitude de ses moyens et missions et au-delà à la renforcer, doivent réagir ! Ce doit être l’occasion de proposer un large et grand débat public afin que les salariés, - en activité, privés d’emploi ou à la retraite - puissent se réapproprier ce qui leur appartient. Il y a urgence.
Quatre points cruciaux, selon nous, doivent être fermement défendus, mis en lumière et en débat :
1. La politique libérale, menée par le gouvernement afin de servir les intérêts de la classe capitaliste, organise délibérément l’asphyxie de la Sécurité Sociale et programme sa mort prochaine. Il faut la stopper.
2. La dette sociale ne doit absolument pas être remboursée par le monde du travail qui n’en est pas responsable puisqu’il n’est pas, et n’a jamais été, le décideur des exonérations de cotisations sociales, encore moins des suppressions d’emplois et des baisses de salaire, toutes ces mesures étant à l’origine du déficit de la Sécu. Le concept de dette sociale qui a donné lieu à la création de la CADES par le plan Juppé en 1995 est une injustice sociale, une erreur économique et une faute morale qui se résume pour tout dire en un scandaleux racket des richesses créées par le travail pour le seul profit des rentiers du capital.
La CRDS appliquée au 1er Janvier 1996 devait prendre fin en 2009 mais elle a d’abord été prolongée jusqu’en 2014 puis ensuite jusqu’en 2024 et on comprend pourquoi : le déficit de la Sécu est devenu une source sûre, très lucrative et inépuisable de profits ! Autrement dit les privilégies du capital ont trouvé la corne d’abondance car ils passent deux fois à la caisse : d’abord en exploitant au maximum la force de travail, en pressurant les salaires et en supprimant des emplois afin d’augmenter leurs profits ce qui est la cause du déficit de la Sécu, et ensuite pour combler ce déficit en prêtant à la CADES qui les rembourse grassement !! Alors, face à cette fantastique extorsion de fonds et plutôt que de se résigner à une énième prolongation de ce racket, n’est-il pas grand temps de faire cotiser les revenus financiers du capital et de leur transférer le remboursement de la dette sociale ? N’est-il pas temps de revoir en profondeur les conditions mises au remboursement de cette dette au moment où l’État français emprunte à des taux négatifs ?
3. Des solutions crédibles peuvent immédiatement être mises en œuvre pour rééquilibrer la Sécurité Sociale, d’abord en relançant le moteur de son financement, sur la base de son triptyque emploi – salaire – cotisation sociale et parallèlement en agissant pour stopper le pillage dont ces dépenses et prestations sont les victimes au travers de l’emprise de l’industrie pharmaceutique et des secteurs privés de l’hospitalisation et du soin.
4. L’ensemble de celles et ceux qui, sans être d’accord sur tout, tant sur les aspects du diagnostic que sur les remèdes proposés, s’accordent néanmoins sur le constat d’une Sécurité Sociale menacée d’une transformation d’ampleur qui contredirait définitivement ses principes fondateurs de solidarité, d’universalité et de gestion démocratique, et qui convergent en conséquence sur le besoin d’alerter et mobiliser, doivent se placer à l’initiative pour engager des débats publics. Il s’agit de mener des débats larges et approfondis permettant au monde du travail de reprendre la main sur ce bien commun qu’est notre Sécurité Sociale.
Il y a maintenant trois quarts de siècle que la Sécurité Sociale nous protège toutes et tous de la maladie et de l’invalidité, nous garantit l’accès aux soins et des ressources en cas de perte de revenus.
C’est une création relativement récente à l’échelle historique, - elle est en effet beaucoup plus jeune que les Déclarations des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et 1793, bien plus jeune aussi que le droit de grève de 1864, la liberté syndicale de 1884 ou le Code du Travail de 1910, - mais elle est toujours aussi moderne et se trouve donc bien enracinée au cœur de notre histoire populaire, inscrite dans le quotidien de notre pays face à tous les risques sociaux.
Le 22 Mai dernier, nous nous sommes donc réjouis de fêter les 75 ans de notre Sécurité Sociale, la loi du 22 MAI 1946 ayant en effet décidé d’instaurer la généralisation de cette formidable innovation sociale qui allait permettre progressivement de garantir aux travailleuses et travailleurs salariés le maintien d’un revenu face aux divers risques sociaux, d’accéder à une retraite décente et au remboursement des soins médicaux.
En conclusion, la CGT le réaffirme, il y a urgence également à créer les conditions pour que les salariés et retraités retrouvent leurs pouvoirs d’intervention et leurs droits de gestion dans une Sécurité Sociale démocratisée.
Il s’agit donc de réinstaurer le droit de vote des assurés sociaux pour leurs représentants aux Conseils de la CPAM qui devront parallèlement redevenir de vrais conseils d’administration munis des pouvoirs de gestion correspondants et garantissant une représentation majoritaire des syndicats de salariés, comme cela était le cas de 1947à 1967.
Ce principe fondateur de la Sécurité Sociale, énoncé par Ambroise CROIZAT et selon lequel l’organisation de la Sécurité Sociale doit être confiée aux intéressés eux-mêmes a en effet besoin d’être réhabilité et remis en fonction au vu de la gestion calamiteuse qui a cours depuis un quart de siècle que sévit le plan Juppé, lequel a enterré toute esprit de démocratie sociale.
Publié par http://canempechepasnicolas.over-blog.com