Pendant deux mois les salariés de Bergams se sont battus contre un APC. Face à la combativité des grévistes et après plusieurs tentatives pour briser la grève, la direction a utilisé sa dernière carte : fermer l’usine. Les salariés soupçonnent un "scénario Orchestra", à savoir que le même groupe rachète l'usine sans les salariés pour les réembaucher avec des contrats défiants toute concurrence.
Crédit photo : Actu Essonne / T.F.
Suite à une décision de justice rendue ce mercredi 17 novembre par le tribunal de commerce d’Evry-Courcouronnes, l’usine Bergams dans l’Essonne fermera pour liquidation judiciaire. Cette décision va mettre sur le carreau les 283 salariés.
Cette liquidation fait suite à 2 mois de grève et de blocage engagés par les salariés contre un Accord de Performance Collective (APC) signé début septembre qui réduisait les salaires tout en augmentant le temps de travail... Nous avions interrogé Véronique le 29 octobre dernier, opératrice en poste depuis 20 ans. Elle nous racontait que suite à la signature de l’APC « En tant qu’opératrice, je suis passé de 1770 à 1570 euros, j’ai perdu plus de 300 euros. On a également perdu nos primes de nuit, nous, on travaillait de 15 h à 22 h 45, donc on avait 95 euros de primes de nuit, elles aussi, ils nous les ont enlevées. En fin de compte, on a perdu tous nos acquis. "
Car comme cela est bien connu, quand il y a une crise ce sont aux salariés de payer et surement pas au patron qui a accumulé des millions d’euros les années passées et alors même que l’entreprise percevait des aides pour le chômage partiel jusqu’en mai 2021 ! Cela encore une fois pour le plus grand bonheur du porte-monnaie des patrons et contre les intérêts des salariés qui ont vu leurs primes disparaitre…
Rappelons que l’entreprise de sandwichs, salades et plats préparés justifiait cet APC et à présent la liquidation judiciaire par une perte importante de chiffre d’affaires. Bergams a pour client Air France, Starbucks, la SNCF, Monoprix ou encore les boutiques Replay et est une des 11 filiales du groupe Novac. Ce groupe totalise 4 900 employés pour un chiffre d’affaires de 795 millions d’euros en 2016 comme le rapporte Processalimentaire. Mais ces patrons millionnaires sont prêts à tout pour conserver leurs marges contre les conditions de vie de leurs salariés et de familles entières.
Face à la combativité des grévistes qui ont bloqué la production durant la totalité de la grève, l’entreprise n’était pas à son premier coup d’essai pour tenter de briser le mouvement. Elle avait déjà saisi début octobre la justice contre quatre salariés pour déblocage du site. Une demande qui avait alors été rejetée, donnant raison aux grévistes.
Suite à la décision de justice, nous avons réinterrogé Veronique qui raconte : « On se doute bien qu’une usine avec des machines toutes neuves ça ne va pas être laissée comme ça. Dès que l’on connaitra le nom du racheteur on cherchera les liens avec Novac, dans le cas où les liens sont avérés ce serait des licenciements abusifs ! Depuis juillet l’entreprise fait un appel en disant que ses comptes se portent très mal pourtant à partir d’avril-mai les commandes étaient reparties à la normale. De plus, l’entreprise justifie le soi-disant anéantissement des comptes de la boite par la grève, mais elle cherchait déjà à liquider l’entreprise avant. On est trop de salariés, durant l’APC la direction proposait aux collègues de partir avec une somme, ils pensaient avoir davantage de départs. Aujourd’hui je pense qu’ils veulent repartir sur quelque chose de plus rentable pour eux en restant dans le sandwich… »
Il est clair que cette dernière offensive de l’entreprise est le dernier coup de massue pour abattre toute combativité sur le site et ce que raconte Véronique est tout à fait possible comme nous l’a montré Pierre Mestre, patron d’Orchestra, qui, en septembre de l’année dernière a conduit son entreprise en redressement judiciaire pour finalement la racheter… sans les salariés, ni les acquis sociaux. Tout bénef’ et cela de façon tout à fait légale grâce à une ordonnance Macron ! Aussi, souvenons-nous du déménagement d’une entreprise sous-traitante d’Amazon dans la nuit suite à une grève… laissant les salariés sans emploi du jour au lendemain !
Car comme l’explique Véronique : « S’il y a un repreneur, on peut être les premiers repris, mais on sera réembauchés sur les salaires de l’APC, c’est ce qu’ils voulaient ! Mêmes conditions : 37h et salaire à la baisse et cela sans besoin de nouvel APC ! Ce sera le contrat définitif ! C’est une belle manœuvre… Je pense que c’était voulu … »
Les capitalistes sont capables de toutes les manœuvres imaginables pour que la variable d’ajustement - les salariés - soient la plus souple possible pour servir de matelas à leur portemonnaie. Véronique explique la situation dans laquelle elle se trouve : « Je vais devoir trouver un accompagnement pour trouver un emploi et faire des formations à 54 ans. Au bout de 20 ans de service, si je m’en vais avec 20 000 ce serait déjà pas mal. Si c’était une fermeture de boite je serais partie avec 41000 euros… Ils nous ont bien eus ! »
La combativité des salariés de Bergams n’est malgré tout pas rompue : « On fait des rassemblements devant l’entreprise, on est toujours sur le site, on surveille les machines » conclue Véronique.
Publié par REVOLUTION PERMANENTE