Depuis vendredi dernier, les travailleurs des grandes surfaces Carrefour et Auchan sont en grève pour l’augmentation de leur salaire. Un mouvement national rarement vu qui répond au mépris des directions envers les travailleurs et travailleuses qui ont continué à travailler la boule au ventre depuis le début de la crise sanitaire.
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A la veille des fêtes de fin d’année les travailleurs de la grande distribution relèvent la tête et font entendre leur mécontentement. Dans la lignée des mobilisations à Leroy Merlin et Décathlon il y a quelques semaines, c’est au tour de Carrefour et Auchan de voir les grèves émerger à l’initiative d’inter-syndicale depuis la mi-décembre revendiquant l’augmentation des salaires. En région parisienne, le Carrefour d’Ivry-sur-Seine a été bloqué ce mardi par les grévistes, à Bordeaux les travailleurs d’Auchan se sont mis en grève au niveau du magasin et dans les sites logistiques fin de semaine dernière, dans le pas de Calais plusieurs enseignes sont aussi dans le mouvement, de même en Paca. En bref, une mobilisation juste avant les fêtes de Noël aux quatre coins de la France. Selon 20minutes, une trentaine d’enseignes d’Auchan ont appelé à la grève vendredi dernier. La CGT Carrefour appelle à la grève jusqu’au 23 décembre.
Que ce soit à Carrefour ou à Auchan, les travailleurs ont les deux dernières années passées en travers de la gauche. Alors qu’ils ont continué de travailler la boule au ventre au début de la pandémie, ils font face aujourd’hui au plus grand mépris de la direction entre négociations dans le cadre des NAO ridicule et plans de restructuration.
À Carrefour, les grévistes se battent contre les miettes mises sur la table par leur direction qui propose 1 % d’augmentation de salaire. Nous avons interrogé un délégué syndical de l’hyper-Carrefour à Bercy 2 indigné : « Gardez vos 1 %, ce n’est pas une augmentation, les organisations syndicales qui ont signé ce torchon c’est une honte, sur les majorités des salariés qui sont à 1 200 € ça va être 10€, 11 € d’augmentation, c’est une honte. De l’autre côté le PDG Bompard il augmente son salaire à coup de millions. » Ce mercredi, dans les colonnes de Sud Ouest nous pouvions lire la réaction d’Ina Kingue, caissière depuis 17 ans dans l’enseigne : « 1 % d’augmentation, pour moi, c’est dix euros supplémentaires. Ils sont fous de penser que c’est suffisant ! ». Même tonalité pour Laurent Lamaury, délégué syndical CGT des magasins Carrefour Market, qui explique pour L’Humanité : « La majorité des salariés des différentes sociétés de Carrefour, Market, hypermarchés, entrepôts, etc., ne touchent que 1 250 à 1 300€. 1 % de revalorisation des salaires, ça ne fait même pas 13€ par mois […]. Pire, pour les personnes employées en temps partiel, en majorité des femmes, la revalorisation ne représente que 7 euros ! ». Un mépris d’autant plus fort de la direction de Carrefour et - son PDG Alexandre Bompard - prépare depuis plusieurs mois le projet de « location gérante ». Rencontrant un profond rejet de la part des salariés, le délégué syndical de l’hyper-Carrefour à Bercy 2 nous explique : « C’est un plan social déguisé, il permet à total de se désengager envers les salariés qui sont revendus à un repreneur. Tout restera Carrefour sauf les salariés. » Autrement appelé « plan Bompard », celui-ci a de lourdes conséquences car « en moyenne les salaires vont baisser de 30%, et nos conditions de travail vont fortement se dégrader. […] Mis bout à bout, cela va nous faire perdre 2000€ à l’année. Par exemple les majorations des heures de nuit vont baisser, nous allons perdre la sixième semaine et toutes les protections que nous avons acquises par la mobilisation avec Carrefour. La santé des travailleurs est compromise. » C’est ce qu’explique aussi le tract de la CGT : « Le plan Bompard n’a aucun autre objectif que l’augmentation de la rentabilité, de la pressurisation des salaires, de la productivité, la suppression de plus de 20 000 emplois, l’automatisation, l’augmentation des amplitude horaires et des jours d’horaire ». Le temps des remerciements et des beaux discours de la direction sont bien loin, et les travailleurs font preuve de détermination à l’image des images combattives du Carrefour d’Ivry sur Seine totalement bloqué par les grévistes comme le rapporte ce reportage de France 3.
C’est la même chanson chez le groupe Mulliez, qui, après avoir connu les mobilisations à Leroy Merlin et Décathlon, voit émerger des mouvements de grève dans son enseigne Auchan. A l’instar de Leroy Merlin, la direction avance une augmentation de 2,2% des salaires, soit un montant inférieur à l’inflation actuelle. Repris par 20minutes et Boursorama, Gilles Martin, délégué syndical de la CFDT affirme : « ce n’est pas acceptable, on nous a qualifiés de héros pendant la crise sanitaire, tout ça pour nous proposer des augmentations plus faibles que l’inflation, le versement de 750 millions d’euros de dividendes aux actionnaires cet été a été la provocation de trop […]. Il y a un trop grand décalé entre les patrons et les bas salaires, qui n’arrivent pas à boucler leurs fins des mois. » Une situation qui a poussé une trentaine de magasins Auchan à prendre le pas du mouvement dans des ambiances souvent combattives comme à Buchelay dans les Yvelines où les salariés ont défilé dans la galerie marchande rythmée au cri de « salariés en colère ». Selon l’Humanité, à Carvin dans le Pas de Calais les travailleurs ont accroché sur les grilles du site une banderole expliquant que « qui sème la misère récolte la colère ». Nous pouvons lire dans la Charente Libre que l’augmentation de 2,2% des salaires revient à une hausse de « 38€ bruts par mois, c’est dérisoire par rapport à ce qu’a fourni » proteste Clément Bruneau, délégué syndical d’Auchan en Charente. Pourtant, comme le dit Nathalie Prieur, déléguée syndicale CFDT à Auchan Perpignan dans L’Indépendant : « chez nous, une hôtesse de caisse au plus haut niveau, avec 23 ans d’ancienneté, ne gagne que 1250 € par mois pour 35 heures par semaine ».
« Héros » du début de la crise sanitaire, les employés de la grande distribution sont venus travailler au péril de leur vie comme l’explique le délégué syndical de Carrefour Bercy 2 que nous avons interrogé : « nous sommes venus travailler pendant la crise sanitaire, la direction ne le dit pas officiellement mais un collègue est surement mort après avoir attrapé la Covid-19. Plusieurs sont allés en réanimation. » D’autant plus, au-delà du mépris exprimé par les directions, l’inflation actuelle sur les différents coûts de la vie,que ce soit les denrées alimentaires, le carburants ou l’énergie ne rendent que plus compliquées les fins de mois après l’effort exceptionnel demandé depuis le début de la crise sanitaire. D’après RMC, le 10 du mois il reste en moyenne pour les salaires les plus modestes 55 euros dans le portefeuille des travailleurs. C’est donc une colère légitime qui s’exprime et un combat pour la dignité. Au niveau d’Auchan , les syndicats réclament 5% d’augmentation des salaires, au niveau de Carrefour, les grévistes demandent la hausse des revenus à 2 000 €.
Les mobilisations pour l’augmentation de pouvoir d’achat se multiplient ces dernières semaines chez celles et ceux qui malgré leur engagement durant la crise sanitaire font face au mépris de leur direction à présent. Il est évident que la question des salaires est une priorité pour une absolue majorité des travailleurs. Le groupe Mulliez n’est pas épargné par ces contestations, au contraire c’est même à Leroy Merlin que les salariés mobilisés ont montré la voie en obtenant une victoire sur les salaires par la grève et l’auto-organisation dans un secteur peu habitué à ces conflits. La lutte des salariés pour refuser des augmentations de salaire indignes est importante, dans la continuité des mouvements qui ont éclaté récemment à Décathlon, Sephora, Labeyrie, Arrivé Maitre-Coq, etc. Des mobilisations qui ont tout intérêt à se coordonner pour renforcer leur lutte et à exiger un plan de bataille des directions syndicales pour étendre la colère contre les faibles augmentations de salaire.
Enfin, il est essentiel d’exprimer des revendications radicales sur le terrain du pouvoir d’achat pour refuser que les travailleurs payent les pots cassés de la crise et s’attaquer aux profits gigantesques des grandes entreprises, en particulier celles de la grande distribution. C’est ce que proposent de défendre Anasse Kazib et Révolution Permanente dans la campagne présidentielle en portant l’augmentation de 300 € de l’ensemble des salaires et minima sociaux, un SMIC à 1 800 euros net et une indexation sur les prix, tout cela financé par le profit accumulé du patronat depuis maintenant trop longtemps.
Publié par REVOLUTION PERMANENTE