Covid-19 : comment les grandes fortunes françaises se sont enrichies pendant la pandémie
REPRIS d'un article de ça n'empêche pas NICOLAS :
De gauche à droite : Françoise Bettencourt-Meyer (cachée), Gérard Wertheimer, François Pinault, Alain Wertheimer et Bernard Arnault, les cinq Français les plus riches. (PHOTOS : AFP, GETTY – MONTAGE : PIERRE-ALBERT JOSSERAND / FRANCEINFO)
franceinfo
La fortune des Français les plus riches a davantage augmenté pendant la pandémie que ces dix dernières années, selon un récent rapport d'Oxfam.
"les richesses des grandes fortunes françaises ont bondi de 86%, soit un gain de 236 milliards d'euros"
Ainsi, de l'argent pour la santé,
pour l'école,
pour les services publics,
pour les salaires et le SMIC, il y en a !
La fortune des Français les plus riches a davantage augmenté pendant la pandémie que ces dix dernières années, selon un récent rapport d'Oxfam.
"les richesses des grandes fortunes françaises ont bondi de 86%, soit un gain de 236 milliards d'euros"
Ainsi, de l'argent pour la santé, pour l'école, pour les services publics, pour les salaires et le SMIC, il y en a !
Ils sont deux fois plus riches qu'avant la crise. Entre le début de la pandémie en mars 2020 et la fin de l'année 2021, la fortune des cinq Français les plus riches a augmenté de 173 milliards d'euros, selon Oxfam (PDF). C'est plus que ce qu'a coûté la crise sanitaire et économique liée au Covid-19 en 2021.
Cet enrichissement massif concerne d'ailleurs la quarantaine de milliardaires que compte la France. Sur cette période de dix-neuf mois, "les richesses des grandes fortunes françaises ont bondi de 86%, soit un gain de 236 milliards d'euros", écrit Oxfam. A titre de comparaison, "elles avaient augmenté de 231 milliards d'euros en dix ans, entre 2009 et 2019". Une augmentation fulgurante qui interroge, alors que la crise sanitaire a dans le même temps fragilisé les plus précaires.
Comment expliquer cet enrichissement d'une poignée de personnes ? Cette situation française est-elle exceptionnelle ? Franceinfo répond, graphiques à l'appui, aux questions que soulève cette augmentation des grandes fortunes.
Cette hausse est-elle exceptionnelle ?
C'est du jamais vu pour Bernard Arnault, le dirigeant de LVMH, numéro 1 mondial du luxe avec des marques comme Louis Vuitton ou Dior, Françoise Bettencourt-Meyer, actionnaire majoritaire de L'Oréal, François Pinault à la tête de Kering, dont font partie les marques Gucci ou Yves Saint Laurent, et les frères Alain et Gérard Wertheimer qui se partagent la propriété de Chanel. La fortune de ces cinq milliardaires, les plus riches de France, a plus que doublé en un an et demi. Le champion incontesté est Bernard Arnault, avec une hausse de presque 100 milliards entre mars 2020 et octobre 2021.
"Il faut garder à l'esprit que mars 2020, c'est le point bas. C'est le moment où la Bourse a beaucoup chuté au début de l'épidémie de Covid, et donc la comparaison avec mars 2020 rend les écarts particulièrement impressionnants", précise Catherine Lubochinsky, économiste à l'université Paris 2 et spécialiste de la finance, auprès de franceinfo.
Le classement de Challenges, qui fait le point en septembre de chaque année sur les grandes fortunes françaises, permet d'observer l'évolution sur dix ans. Ce palmarès est légèrement différent puisqu'il est calculé par famille. Ces cinq milliardaires sont bien présents, mais les frères Wertheimer sont comptés ensemble, ce qui fait entrer la famille Hermès dans le top 5.
Le constat reste le même que celui d'Oxfam : l'augmentation de 2021 est la plus importante jamais constatée. Leur fortune cumulée était déjà en hausse presque permanente depuis dix ans et ce phénomène s'était déjà accéléré depuis 2016. Ces dix dernières années, la fortune des cinq familles les plus riches de France a ainsi été multipliée par 6,5.
Comment se sont-ils enrichis ?
"Leur fortune est principalement composée d'actions. La valeur de ces actions a augmenté", explique à franceinfo Pierre-Noël Giraud, économiste spécialiste des inégalités. Si les Bourses mondiales ont chuté lourdement en février et mars 2020, elles sont rapidement reparties à la hausse. En France, le CAC40 a retrouvé son niveau d'avant-crise dès le mois de mars 2021 et a même atteint un nouveau record historique au début du mois de janvier 2022.
En Europe, la BCE a créé un programme d'achats d'urgence face à la pandémie. En tout, 1 850 milliards d'euros ont été injés par la BCE pour acheter aux banques des titres de dettes, privées ou publiques, dans une logique de "quoi qu'il en coûte" financier.
Cet argent n'a pas directement servi à acheter des actions, mais à rassurer les investisseurs et à faire baisser les taux d'intérêts, ce qui a profité in fine aux marchés boursiers et fait monter le prix des actions. Des programmes similaires existaient déjà depuis 2007, mais la somme dépensée lors de la crise sanitaire est sans commune mesure.
"Le but de la Banque centrale, quand elle mène sa politique d'achat, n'est pas d'enrichir les plus riches, détaille Pierre-Noël Giraud. Elle le fait pour éviter une crise financière qui se répercuterait sur l'économie réelle. L'enrichissement des grandes fortunes financières en est une conséquence mécanique connue depuis le début." Quentin Parrinello, responsable du plaidoyer chez Oxfam France, souligne de son côté que "l'enrichissement des ultrariches pendant la crise n'est pas dû à leurs bonnes décisions, mais à l'intervention publique".
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Y a-t-il une exception française ?
Des programmes similaires à celui de la BCE ont été mis en place un peu partout dans le monde et le rebond rapide des marchés financiers a donc été observé à l'échelle mondiale. De nombreuses places boursières ont enregistré des niveaux records ces derniers mois, selon Capital.
"La hausse des grandes fortunes est un phénomène mondial, mais les fortunes françaises ont particulièrement progressé. Bernard Arnault est le deuxième homme qui s'est le plus enrichi au monde depuis le début de la crise, derrière Elon Musk", fondateur de Tesla et Space X, précise Quentin Parrinello. En Asie, la palme de l'enrichissement revient à l'industriel indien Gautam Adani, spécialisé dans la production d'énergie fossile, dont la fortune a été multipliée par huit pendant la crise sanitaire.
Les grandes fortunes françaises profitent de la bonne santé du secteur du luxe. "Comme les riches s'enrichissent globalement malgré la crise, ils continuent à consommer du luxe", explique Catherine Lubochinsky. Par exemple, le groupe LVMH de Bernard Arnault a vu son chiffre d'affaires baisser en 2020 à cause des confinements stricts partout dans le monde. Mais le rebond ne s'est pas fait attendre puisque le chiffre d'affaires en 2021 a dépassé de près de 20% celui de 2019, avant l'épidémie de Covid-19.
C'est surtout au niveau boursier que la comparaison avec les niveaux d'avant-crise est la plus impressionnante. Entre janvier 2020 et janvier 2022 la hausse de LVMH au CAC40 est de plus de 70%. Il a profité de l'augmentation globale des marchés financiers et de la chute d'autres secteurs plus fragilisés par la crise du Covid-19, comme le tourisme, pour devenir plus attractif auprès des investisseurs.
Les milliardaires français sont-ils mis à contribution pour rembourser la "dette covid" ?
Pour Oxfam, l'équation est simple : "Puisque c'est l'intervention publique de la BCE qui a aidé ces ultrariches à accroître leur fortune, ce serait normal que soit à eux de contribuer pour rembourser la dette covid."
Les près de 2 000 milliards d'euros dépensés par la BCE ne sont pas de l'argent public issu de taxes ou d'emprunts d'Etat, mais de la création monétaire, ce qui peut notamment créer de l'inflation. Cette dernière est justement en hausse mais l'augmentation des prix de l'énergie, liée à la reprise économique, semble en être davantage responsable que l'argent injecté sur les marchés par la BCE.
Pour faire contribuer les plus fortunés, Catherine Lubochinsky estime qu'il est difficile de taxer la hausse de valeur d'une action, car il s'agit de plus-value potentielle. "La plus grande valorisation d'une action ne crée directement de l'argent pour son propriétaire que lorsqu'elle est vendue, explique l'économiste. C'est comme quand la valeur de votre logement augmente : si vous ne le vendez pas, cette augmentation ne vous rend pas plus riche en réalité. En plus, cette hausse de valeur est temporaire et peut très bien repartir à la baisse ensuite. Mais au moment de la vente, là il y a possibilité d'une taxation." Cette taxation des revenus du capital a précisément été allégée par Emmanuel Macron en 2018, via la "flat tax".
"Il pourrait également y avoir une vraie politique de taxation sur les très hauts revenus, car aujourd'hui ils arrivent largement à échapper à l'impôt et c'est vraiment un problème", ajoute l'économiste. Selon Quentin Parrinello, d'Oxfam, ce n'est cependant pas la piste privilégiée par la France : "Le gouvernement est en train de réfléchir aux solutions pour payer la facture de la crise et pour l'instant les milliardaires ne semblent pas devoir être mis à contribution."
Publié par FSC