À l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle, la CGT est sur le pied de guerre. Pour obtenir une augmentation de salaire de 300€, les syndicats se donnent un mois pour préparer une grève le 9 juin. Une revendication unitaire pour coordonner les salariés des 800 entreprises de sous-traitances.
La hache de guerre est déterrée. Pour les salariés et syndiquées du pôle aéroportuaire de Roissy CDG, l’heure est venue de réclamer leur dû. Après deux années de Covid, durant lesquelles les plans de départ volontaires et les plans de licenciements se sont succédés, l’inflation galopante de ces derniers mois a été la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Et s’il y a deux semaines encore, Augustin de Romanet, PDG d’Aéroports de Paris (ADP), se plaignait des difficultés de recrutement sur les plateformes aéroportuaires, les résultats des Négociations Annuelles Obligatoires sur les salaires ont été tout aussi décevantes.
Makam, salarié chez Acna, un sous-traitant du nettoyage, dénonce ce changement d’attitude des patrons du secteur, qu’il juge être de la provocation : « cette crise sanitaire a bénéficié aux patrons. Il y a eu beaucoup de licenciements, d’accords qui ont été signés, tous défavorables aux salariés. Quand je vois qu’Air France veut embaucher 2.000 personnes, personne ne dit qu’ils ont mis à la porte plus de 6.000 personnes avec des plans de départ volontaires (PDV), je suis en colère. » Même amertume pour Nordine, qui travaille lui chez Transdev Aero-Piste : « Dans toutes les entreprises, les NAO sont ridicules. Ils nous donnent 20€, 30€ par mois, même pas une baguette par jour ! ».
Pour les deux syndicalistes CGT, élus à l’Union Locale du syndicat, une augmentation des salaires est devenue « vitale ». « C’est quelque chose de nécessaire et légitime, nous explique Nordine, 300€ brut, ça représente peut-être 220€ net mois : à peine deux pleins » C’est donc autour de cette revendication, 300€ d’augmentation brute pour tous les salariés de Roissy, qu’ils ont décidé de préparer une grève, le 9 juin prochain.
Il faut dire que Roissy CDG est une énorme machine pensée pour empêcher tout mouvement de grève des salariés : là où Air France et Aéroports de Paris concentraient tous les emplois il y encore quelques décennies, c’est maintenant près de 800 entreprises différentes, dont l’immense majorité sont des sous-traitants pour une poignée de donneurs d’ordres, qui se répartissent 93.000 salariés.
Pour Nordine, « le problème de la sous-traitance, c’est la division : il y a un dumping social local. Il y a une forme de délocalisation juridique locale : avant quand c’était un salarié d’Air France qui travaillait, c’est maintenant une entreprise sous-traitante qui gère, avec des salaires à la baisse ». Mais si le patronat a tout fait pour séparer chaque activité en des myriades d’entreprises, pour la nouvelle équipe de l’UL CGT Roissy, cet obstacle est franchissable. « Quand on a 800 entreprises, on doit préparer une grève à l’avance, et notre objectif c’est de tenir une AG dans toutes les entreprises de Roissy » nous explique Makam, tandis que dans les discussions entre syndicalistes qui continuent autour du barbecue, les responsables de l’UL proposent de venir faire des tournées dans chaque entreprise.
L’heure est donc à la préparation : « on est à un mois de l’échéance, et on s’est donné le temps pour réussir cette journée nous confie Nordine. Je pense que ça va réussir, parce que la conjoncture fait que la question des salaires est centrale ». Il faut dire qu’une augmentation de 300€ pour tous les salariés serait une goutte d’eau par rapport aux bénéfices des puissants groupes aéroportuaires.
Ainsi, alors qu’Air France a obtenu 7 milliards d’aides en 2020, puis 5 milliards en 2021, le géant a d’ores et déjà prévu de rembourser ces dettes en trois ans. De son côté, ADP a provisionné, rien que pour l’année 2022, près de 90 millions d’euros pour leurs actionnaires.
Nicolas Pereira, secrétaire de l’UL, motive donc les troupes : « il faut y croire en ce 9 juin. Il va falloir faire des efforts, être sur le terrain, convaincre [les salariés] que c’est possible, et c’est le nombre qui fera que c’est possible ! On ne va pas pleurer pour nos patrons, ils ne pleureront pas pour nous. » Le rendez-vous est donc donné en juin, « une journée morte », comme le disent certains salariés venus pour préparer l’action, pour une grève qui doit être dirigée par les grévistes : une assemblée générale est prévue avant, et après la grève pour déterminer la suite des opérations.
Publié par FSC