Alors que les réquisitions se sont terminées sur la raffinerie de Normandie, la solidarité qui s’est exprimée a permis de renforcer le moral des grévistes. Les taux de grève remontent et la détermination des grévistes est renouvelée.
« Dans le fond, les réquisitions, cela a mis des gens dans la rage ». Alors que les réquisitions ont permis, à partir de vendredi midi, d’expédier les quelques stocks de kérosène restants pour approvisionner les aéroports parisiens, c’est avec une détermination renforcée que les grévistes abordent la suite du mouvement. Les expéditions et les réquisitions se sont terminées dans la nuit, et les raffineurs ont du laisser sortir leurs stocks sous la menace de peines de prisons pour la réquisitionnés.
Ce lundi midi, la grève a été reconduite pour 72h supplémentaires, alors que la raffinerie reste à l’arrêt et ne produit donc plus rien. Les réquisitions ont eu l’effet d’un électrochoc sur tout le personnel, et certains qui avaient arrêté le mouvement se sont à nouveau mis en grève. « L’ambiance est tendue, témoigne Ludovic Desplanches, 14 ans de boîte. Cela a choqué l’ensemble du personnel, même les non grévistes. Ce midi, des gens qui s’étaient retirés du mouvement rentrent à nouveau dedans. Après le 49.3, les réquisitions font repartir certaines personnes qui avaient un peu lâché le mouvement ».
Même constat pour Julien : « Dans le fond, ça a mis des gens dans la rage, il y a une rancune qui s’est installée. Des collègues non grévistes se sont inscrits dans la grève. Quand on est à l’intérieur, même les non grévistes ont un discours rancunier et revanchard face à la direction ». La dynamique est donc au renforcement de la grève, alors qu’il reste encore d’immense stocks de gasole et d’essence, et que la production n’est pas prête de redémarrer.
La solidarité contre la répression, avec le grand rassemblement de vendredi dernier, appelé par la CGT Total Normandie et le Réseau pour la grève générale, a marqué les esprits. Voir près de 200 personnes venir de Paris contre les réquisitions a touché les coeurs. « Le point positif qu’on en retire, c’est la cohésion des travailleurs et le soutien qu’on reçoit de partout, de toutes les corporations, de l’interpro : c’est vraiment quelque chose de magique. C’est les larmes aux yeux que j’ai vu cette solidarité arriver, ça me donne encore des frissons aujourd’hui, cette cohésion, cette fraternité, cela vraiment plaisir », explique, ému, Julien Gueroult, qui travaille sur le secteurs des huiles.
Vendredi dernier, près de 500 travailleurs et étudiants, venus de la région havraise et parisienne, ont aidé à reprendre le piquet face aux forces de l’ordre qui avaient expulsé les grévistes de leur piquet de grève. Une démonstration de solidarité de la part des travailleurs de la région et du Réseau pour la grève générale qui a donné du moral : « Cette solidarité nous a fait un grand bien : on a vu qu’on était soutenu par un grand nombre de salariés de la zone industrielle et au-delà. Tout le monde est focus sur les réquisitions et ça rebooste d’avoir ce soutien, on était un peu fatigués et voir une compagnie de CRS arriver ça nous a bien réveillés, on est reparti pour une nouvelle semaine de lutte qui va s’amplifier » témoigne Ludovic.
Les réquisitions ont aussi amplifié la haine et la colère des salariés envers leur direction, qui a tout fait pour mettre en place les réquisitions, et qui n’a cessé de collaborer avec la préfecture. « Tout le monde est remonté contre la direction, les contremaîtres, les chefs de secteur, parce qu’ils ont pris ça comme une attaque profonde, surtout ceux qui sont fait réquisitionner face à leurs enfants à la maison. J’ai deux collègues dont les femmes et enfants ont été profondément choqués » explique un gréviste sur Tmex (l’équipe Transferts, Mélanges, Expéditions), où se sont passées les réquisitions. D’autant que la direction n’a eu aucune considération pour ses salariés. Yoann Lefranc, du même secteur, est resté 50h dans l’entreprise du fait des défauts de relève contre les réquisitions. Alors qu’il a fait un malaise sur son lieu de travail, que la direction a livré des plateaux repas dont la date limite de consommation était expirée, et que son médecin lui a diagnostiqué un « épuisement physique et mental », la direction a osé le réquisitionner à nouveau le dimanche matin. « On est que de numéros pour eux », dénonce-t-il à notre micro.
Alors que les pénuries continuent de s’aggraver, avec 7,5 % des stations-services en rupture totale et 8,1 % en rupture partielle, la grève des raffineurs est loin d’être terminée, et les réquisitions n’ont fait finalement que renforcer la détermination et l’unité des grévistes. Une détermination et une expérience des réquisitions qui seront précieuses pour faire face aux prochaines réquisitions, qui ne tarderont sûrement pas à tomber, pour réapprovisionner non plus les vols commerciaux mais les stations-services. « Ils ont oublié qu’on peut faire tourner la boutique sans eux. Eux ne le peuvent pas, et ils s’en mordront bientôt les doigts », conclue un gréviste.
Publié par REVOLUTION PERMANENTE