Lundi dernier, le préfet de Seine-Maritime avait réquisitionné de nouveaux grévistes à la raffinerie de Total Normandie pour expédier de l’essence en vue des vacances. Une décision cassée par le tribunal de Rouen, sous la pression du mouvement en cours.
Crédits photos : les grévistes reprennent le piquet face à la police le 24 mars
C’est une victoire sur toute la ligne pour les grévistes de la raffinerie de Normandie : les réquisitions qu’ils subissent depuis lundi 3 avril dernier à 5h, dans le but de réapprovisionner en carburant l’Ile de France et le Val de Loire avant les vacances viennent d’être annulées par le tribunal de Rouen. Depuis lundi, une seconde vague de réquisitions, après celles du 23 au 27 mars pour expédier du kérosène vers les aéroports parisiens, avait forcé les expéditions à reprendre pour faire face aux pénuries en Ile-de-France (le 6 avril, 45% des stations dans le Val-de-Marne étaient en rupture partielle ou totale, 41% pour Paris et 38,5% dans les Hauts de Seine).
Dans nos colonnes, Alexis Antonioli, secrétaire du syndicat CGT Total Normandie, dénonçait que « le gouvernement, plutôt que de revoir son projet de réforme, entend utiliser tous les moyens de la répression pour contrer l’exercice du droit de grève. La dernière fois pour le kérosène, on nous a parlé des hordes de voyageurs errant dans les aéroports parisiens sans logement et risquant de diffuser le covid, maintenant on nous oppose les vacances de Pâques pour justifier d’aller chercher de l’essence : les motifs ne sont pas du tout « essentiels » et sont juste là pour casser la grève ».
C’est justement sur ces motifs que les réquisitions, qui devaient être appliquées pour les prises de service de 13h et 21h aujourd’hui, ont été suspendues par le juge. « Le juge administratif reconnait que c’est une atteinte au droit de grève, explique Maitre Elsa Marcel, avocate de la CGT Total Normandie. Il y avait une banalisation alarmante du recours aux réquisitions, les préfectures testaient les limites du juge administratif pour voir jusqu’où elles pouvaient aller, sans évoquer de troubles à l’ordre public et se contentait d’invoquer les vacances et Pâques pour justifier les réquisitions ».
Du fait de cette annulation, les expéditions de la raffinerie sont à nouveau arrêtées par les grévistes, et l’Etat est condamné à une amende à payer à la CGT Total et à la fédération CGT Chimie. C’est notamment sur l’aspect d’urgence et de continuité de service public que le juge a fondé sa décision : « aucun besoin non satisfait de carburant pour les besoins des services publics ne ressort des pièces du dossier et il n’a pas été soutenu par le préfet de la Seine-Maritime lors des débats que l’approvisionnement qui n’est actuellement problématique que pour 10% des stations-services ne permettrait pas d’alimenter les véhicules prioritaires » note le juge.
Pour l’avocate de la CGT Total, c’est surtout une victoire dans la défense du droit de grève en général : « Ce que les préfectures cherchaient à imposer en pratique, ce sont les propositions de loi que les sénateurs LR ont déposé le 7 mars qui consistent dans les transports à empêcher de faire grève les deux premiers et deux derniers jours des vacances et dans le pétrole, interdire de faire grève trois jours consécutifs, et c’est ce que les préfectures tentaient d’imposer discrètement. A Normandie, ils réquisitionnaient uniquement au motif que c’était le week-end de Pâques. »
C’est donc une victoire importante pour les raffineurs, mais plus largement pour le mouvement ouvrier, alors que le gouvernement, la droite et l’extrême droite voudraient tout faire pour banaliser ces réquisitions et en faire un outil systématique de répression du droit de grève.
Publié par REVOLUTION PERMANENTE