SYNDICAT CGT UNILEVER FRANCE HPCI

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Syndicat CGT Unilever HPCI France

Publié le par Syndicat CGT Le Meux

AHG Médical liquide son usine de masque : « les salariés sont jetés comme des mouchoir usagés »

Trois ans après son installation en Ariège grâce à 8 millions d’euros d'argent public, l’usine de masques AHG-Médical ferme déjà ses portes et licencie 22 salariés. Après une ouverture célébré par le gouvernement comme symbole de « réindustrialisation », c'est la douche froide pour les salariés.

Non aux licenciements !

Crédits photo : Ri_Ya

L’information est tombée, les patrons des Ateliers de la Haute Garonne liquident leur filiale médicale en mettant 22 salariés à la porte. Après avoir laissé sur le carreau de nombreux intérimaires, la direction de Auriol Masques-AHG Médical a déposé au Tribunal du Commerce, le 31 mai dernier, la liquidation de l’entreprise située à Varilhes en Ariège. Ainsi, 22 salariés en CDI ont reçu une lettre de licenciement lundi 19 juin. Comme l’indique l’Union départementale FO : « Sans convocation du Comité social et économique pour expliquer les raisons exactes de la cessation d’activités, les salariés viennent de recevoir une convocation individuelle pour un entretien préalable au licenciement pour motif économique ». 

Alors que la ministre déléguée chargée de l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher avait visité l’usine en début 2022 pour vanter qu’il est possible de « réindustrialiser dans un territoire rural avec la bonne méthode », la liquidation de l’usine vient démonter le discours gouvernementale.

Une casse sociale financée par de l’argent public

Une casse sociale d’autant plus scandaleuse dans la mesure où l’usine a été en partie financée par des fonds publics et ferme aujourd’hui après seulement trois ans d’existence. En effet, le projet d’AHG Médical avait vu le jour pendant la période du COVID où le patronat de l’aéronautique voyait dans la production massive de masques un terrain fertile pour maintenir les profits alors qu’Airbus et Boeing diminuaient leurs commandes. Une opportunité pour les propriétaires, la famille Auriol qui, quelques semaines avant, avait refusé de fournir des masques aux ouvriers travaillant dans ses usines et rejeté les revendications de la section CGT AHG qui visaient à reconvertir la production pour produire des masques, des respirateurs ou tout ce qui serait utile face à l’urgence sanitaire. Après un appel à manifestation d’intérêt des entreprises lancé par la Direction Générale des Entreprises, la nouvelle production s’est installée dans les anciens locaux d’une usine ariégeoise de l’aéronautique spécialisée dans les pièces en titane, MKAD.

Pour son projet, AHG Médical a bénéficié d’un financement conséquent de la part de l’Etat, avec 8 millions d’euros qui ont servi dans l’installation de nouvelles machines mais aussi avec des formations pris en charge par Pôle emploi. De plus, comme en témoigne au micro de Révolution Permanente un ancien salarié : « Il y a eu des investissements qui n’ont jamais été utilisés. Des machines ont été achetées et n’ont jamais servi. La direction a préféré investir dans une autre machine haute cadence qui a été privilégiée par rapport aux autres restées sous emballages ». Il poursuit : « Alors que la direction avait investi dans une machine de filtration des masques, servant à la production, cette dernière a servi un mois. Nous étions toujours dépendants des fournisseurs de barrettes nasales et d’élastiques ».

Alors que les 22 CDI sont aujourd’hui licenciés, une proposition de relocalisation dans les ateliers de Flourens à proximité de Toulouse (qui produisent des rivets aéronautique) avait été mis en avant par la direction. Cependant, ces postes très éloignés du domicile des salariés ont été proposés sans aucune augmentation de salaire et ne pouvait donc pas constituer une alternative sérieuse. De leurs cotés, les patrons des Ateliers de la Haute Garonne ont pleinement profité de l’aventure « Auriol Masques » en réalisant des bénéfices fonciers par l’intégration des locaux de l’usine de masque dans le capital du groupe. « C’est de la casse sociale financée avec l’argent public, tout ça pour le profit de la famille Auriol. Avec la CGT-AHG on n’avait pas accès à l’usine, parce que nos patrons avait créé une nouvelle entité pour l’activité des masques. Mais des collègues nous ont raconté l’enfer qu’ils vivaient là bas, ajouté à tout ce qui se passe aujourd’hui, c’est un véritable scandale » affirme Simon Gazano délégué syndical de la CGT AHG.

Des conditions de travail extrêmement dure et un recrutement basé sur les contrats précaires

A cela s’ajoute des conditions de travail particulièrement difficiles pour les salariés avec des cadences très soutenues (35 millions de masques produits sur certains mois). Selon l’explication d’un des anciens ouvriers, la médecine du travail aurait alerté en mai dernier sur le nombre de risques psycho-sociaux à l’intérieur de l’usine, notamment sur les pressions exercées sur les ouvriers. Une alerte aurait aussi été émise sur le travail à risque : « il n’était pas absurde pour la direction de demander à un ouvrier de travailler sur une machine alors qu’elle était sous des opérations de maintenance » explique ce même ex-salarié. L’inspection du travail a bien rendu un rapport en mai dernier, mais la direction de AHG Médical refuse de le transmettre au CSE, malgré plusieurs relances.

À ce sujet, une ex-salariée a témoigné à la Gazette Ariégeoise des conditions de travail dans l’entreprise : « à force de répéter les mêmes gestes, je me suis percé le tendon », la rendant ainsi inapte au travail ou à toute atre reconversion professionnelle. L’ex-salarié que nous avons interrogé nous confirme aussi une pression importante au sein de l’usine : « Ils ont fait craquer le DS FO, par le biais de pression managériale et de pression au rendement. On a compté sur l’année 2022 la démission de 16 ouvriers sur les 31 présents alors dans la boite ». Sur les quatre représentants syndicaux, deux ont été mis en arrêt dont une en inaptitude totale.

En plus de conditions de travail désastreuses pour les salariés, pour tenir ces cadences infernales, la famille Auriol a eu recours à de nombreux intérimaires qui ont été remerciés assez rapidement dans la foulée : « En février 2022, la direction nous a demandé d’écrémer le nombre d’intérimaires dans nos équipes. Sur les quelques 190 intérimaires du début, certains de mes collègues ont dû annoncer leur départ à plus de 50 personnes à la fois » nous explique l’ancien salarié. Aujourd’hui la fermeture de l’usine vient conclure trois ans d’une aventure qui n’aura été bénéfique que pour les patrons du sous-traitant aéronautique.

D’un symbole de la réindustrialisation encensé par le gouvernement à la fermeture brutale

Il y a deux ans, Stéphane Auriol, un des patrons des AHG, annonçait en grande pompe qu’une « belle aventure » démarrait sur le site ariégeois. Pour lui, AHG Médical a fait le choix d’« entreprise pérenne » qui devait « prendre des grosses parts de marché sur le territoire français ». Agnès Pannier-Runacher, venue sur le site en 2022, a cherché à s’emparer du projet pour mener sa campagne de réindustrialisation : « Quand on a la bonne méthode, quand on a la bonne façon de trouver les hommes, de les animer et de porter un projet (…) On y arrive ».

Cette « bonne méthode », un an et demi après, s’incarne dans la fermeture de l’usine et le licenciement de dizaines de travailleurs, soit un impact non négligeable sur les emplois de la région. En effet, l’hypocrisie est totale et bien visible. Alexandra Biescas, responsable commercial « grands comptes », prétendait en 2022 que : « Acheter un masque Auriol, c’est aussi permettre la création d’emplois et la réindustrialisation des masques chirurgicaux en France ». Le bilan de cette réindustrialisation est plus tranchant : conditions de travail dégradées, pertes d’emplois et fermeture d’une production utile à la lutte contre le COVID-19, tout cela alors que des millions d’argent public avaient été investis. Dans ce contexte, ceux qui célébraient l’arrivée de l’usine en 2020, sont aujourd’hui bien discrets, à l’instar de la ministre déléguée chargée de l’Industrie Agnès Pannier-Runacher.

Pour en finir avec la casse sociale, nationaliser sans rachat et mettre sous contrôle des travailleurs les entreprises

Après avoir encaissé de l’argent public investi de façon irrationnelle, usé les salariés avec des conditions de travail dégradés et utilisé des dizaines d’intérimaires comme des kleenex, la famille Auriol ferme aujourd’hui les portes de son usine en licenciant 22 salariés. Depuis l’annonce de la liquidation, la direction de l’entreprise fait la sourde oreille et ne répond plus du tout aux membres du CSE. Un mépris total envers celles et ceux qui ont travaillé pendant plusieurs années à produire des produits essentiels dans la lutte contre la pandémie de Covid-19. Comme le résume Simon Gazano : « la liquidation de AHG Médical montre bien le rapport qu’a notre patron aux travailleurs qu’il emploie. Après avoir empoché l’argent, les salariés sont jetés comme des vulgaires mouchoirs usagés ».

Cette fermeture de l’usine représente aussi un scandale sanitaire. En effet, arrêter une unité de production de masques s’inscrit dans la continuité d’un déni politique sur la situation sanitaire. Le Covid n’as pas disparu et encore aujourd’hui il tue. De plus une récente étude de Santé Publique France montre l’ampleur du phénomène de Covid long qui touchait déjà plus de deux millions de personnes fin 2022. Pourtant, le déni du Covid ne cesse de s’accentuer à l’image de la levée du port du masque obligatoire dans les hôpitaux en mars 2023. Aucune politique de prévention n’est mise en place et la fermeture de l’usine AHG-médical vient d’autant plus illustrer cette dynamique.

Plus largement, cette casse sociale financé par de l’argent public fait écho à d’autres situations similaire. C’est le cas pour le sous traitant aéronautique Latécoère qui délocalise une partie de son activité, notamment l’usine de Montredon installée depuis cinq ans, et menace de supprimer 150 emplois. La encore, le projet industriel a été financée en grande partie par de l’argent public. Face à ces scandales, il n’y a aucun compromis à faire. Seule l’interdiction des licenciements, la nationalisation sans indemnités ni rachat des entreprises et leur mise sous contrôle des salariés peut éviter le carnage social et maintenir une production nécessaire pour répondre à la situation sanitaire.

Publié par REVOLUTION PERMANENTE

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