Crédits photo : JT 12/13 France 3 Alsace du 20 juillet 2023
« Toute la chaîne est à l’arrêt ». À Strasbourg, les ouvriers de Clestra en grève contre les licenciements
Dans l’usine Clestra du sud de Strasbourg, les salariés continuent la mobilisation contre le licenciement abusif de leur collègue, pour la sauvegarde de leurs emplois et pour de meilleures conditions de travail. Face au mépris affiché de la direction, ils restent déterminés.
A Illkirch-Graffenstaden, commune du Sud de Strasbourg, une grève contre les licenciements et pour les conditions de travail maintient à l’arrêt l’usine Clestra depuis le 3 juillet. En effet, Clestra, ce sont des lignes de production de cloisons pour bureaux, mais ce sont surtout des conditions de travail largement dégradées, des salariés poussés vers la porte ou injustement licenciés et un avenir des emplois totalement incertains, le tout sous le mépris constant de la nouvelle direction.
Après la reprise de Clestra par le groupe Jestia, spécialisé dans le mobilier pour les collectivités, en octobre 2022 a de suite donné le ton : « ils sont venus avec un air arrogant, pour nous dire en gros : ‘’Maintenant c’est notre entreprise, plus la vôtre, on va la diriger comme on veut. Et si vous n’êtes pas content, vous partez’’ », raconte Amar Ladraa, délégué syndicale dans une interview menée par Rue89 Strasbourg. Les résultats et les dégâts de la politique de la direction sont rapides : 25% à 30% des salariés quittent l’entreprise, confie le syndicaliste. Une habitude pour Jestia, groupe habitué des reprises d’entreprises en difficulté pour ensuite compresser les salaires et oppresser les salariés, tout en profitant de l’argent public : 5 millions d’euros ont été versé par l’Etat et la région Grand Est pour assurer la reprise.
Le délégué syndical voit un lien évident entre la dégradation des conditions de travail et le projet de délocalisation de l’usine que veut mener Jestia. Le site doit être déménagé en 2024 vers le Port du Rhin de Strasbourg, mais un flou total sur le maintien des postes est entretenu par la direction. Et pour cause : le nouveau lieu ne fait que 5 000 m² de surface alors que l’ancien, à Illkirch-Graffenstaden, en faisait 25 000. Si la section fabrication et pliage sera bien transférée, aucune garantie n’est donnée pour celle de peinture et assemblage ni pour l’ensemble de ses ouvriers.
Amar Ladraa explique qu’il y a deux mois : « la nouvelle direction de Clestra a proposé un accord de rupture conventionnelle collective, qui pouvait concerner 40 salariés dans la production. Nous avons refusé. Je pense qu’à partir de là, ils se sont dit qu’ils allaient se débarrasser de tous les salariés qui ne rentrent pas dans la ligne, un par un ». Un moyen pour la direction de réprimer ceux qui osent questionner son projet.
Le 3 juillet, c’est l’étincelle : « l’un des salariés arrive lundi 3 juillet et apprend qu’il ne peut plus rentrer sur le site, parce qu’il est viré ! Il n’a pas reçu de lettre de licenciement, rien à part un mail dimanche soir », détaille le syndicaliste. La méthode est brutale et la raison invoquée futile : le salarié aurait utilisé son téléphone sur ses heures de travail. Des salariés dénoncent, dans un article de France Info la surveillance constante dont ils sont la cible : « Avec les managers, c’est comme si on était surveillé par des drones. On va aux toilettes, on prend notre téléphone : tout est relevé, et on peut recevoir un mail derrière ».
Face à l’accumulation des faits et au mépris de la direction, les ouvriers décident de se mettre en grève. Les lignes sont à l’arrêt depuis plus de deux semaines sans aucun mouvement de la part de la direction lorsqu’une médiation menée par l’inspection du travail se met en place le 17 juillet. Celle si échoue, et le jour même, un comité social et économique extraordinaire appelé par la direction décide du changement de nom de l’entreprise : Clestra, usine où travaillent des familles depuis plusieurs générations, devient Unterland Metal. Une provocation de la part des dirigeant de Jestia, qui tente de s’imposer comme uniques décideurs, prêts à effacer le passé de centaine d’ouvriers.
En réponse, les ouvriers maintiennent la grève pour une troisième semaine consécutive et on organisé ce matin à un rassemblement de plus de cinquante personnes devant la Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) à 8h. Une lettre a été adressé parallèlement au ministère de l’industrie, et les grévistes exigent d’être reçu par un représentant de l’Etat.
Mais les grévistes restent sûr que la grève est le levier le plus puissant qu’ils aient entre leurs mains pour obtenir l’ensemble de leurs revendications, comme le dit Amar Ladraa : « les salariés sont déterminés : en deux semaines presque aucun n’a repris le boulot, toute la chaîne est à l’arrêt. On continuera tant qu’il le faudra ».
Pour les soutenir, une caisse de grève a été mise en place, participez sur demande par mail à : cgt-metal-67@orange.fr.
Publié par REVOLUTION PERMANENTE