Accidents au travail. Le gouvernement veut réduire les indemnisations patronales en cas de faute inexcusable
Alors que les accidents du travail se multiplient, le nouveau mode de calcul des indemnisations pour les maladies professionnelles et les accidents du travail prévu par le PLFSS 2024 prévoit d’exonérer les patrons d’une partie de ce qu’ils devraient verser à leurs victimes en cas de faute inexcusable.
Alors que le budget 2024 est placé sous le signe des attaques anti-sociales, le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2024 (PLFSS) n’est pas en reste. Ce dernier prévoit notamment, avec son article 39, de réduire très fortement les montants que devraient verser à leurs victimes les patrons dont la faute inexcusable dans un accident ou une maladie professionnelle est reconnue.
En effet, les modes de calculs actuels permettent – sur le papier – d’arracher à son employeur une rente majorée et payée de sa poche lorsque sa faute inexcusable est reconnue devant la justice. Le PLFSS 2024 réduit très fortement cette possibilité en introduisant un nouveau mode de calcul des rentes de base versées en cas d’incapacité permanente d’origine professionnelle. Ce mode de calcul agrège dans un seul forfait deux types de préjudices qui étaient auparavant séparés : la compensation de la perte de revenus professionnels et la réparation du « déficit fonctionnel » de la victime dans sa vie personnelle. Une fusion qui permet de réduire mathématiquement la part à débourser par le patronat, la responsabilité de l’employeur en cas de faute inexcusable étant réduite du montant déjà indemnisé par la rente de base. En bref, la faute inexcusable de l’employeur (autrement dit sa mise en danger reconnue par la justice des employés), sera dès 2024 financée majoritairement par la mutualisation.
Une logique que le PLFSS lui-même ne cherche même pas à cacher. L’exposé des motifs de l’article 39 assume ainsi : « en cas de faute inexcusable de l’employeur, l’employeur ne sera pas seul à supporter la charge financière d’un préjudice fonctionnel déjà en partie couvert par la rente AT MP [Accident du travail – Maladie Professionnelle] ».
Une mesure scandaleuse qui s’apparente à une incitation à mettre en danger les travailleurs. Et ce alors que « la France fait partie des pays où l’on meurt le plus au travail, avec 3,32 accidents mortels pour 100 000 personnes en activité (données Eurostat). Deux morts par jour, plus de 600 000 accidents du travail par an », selon une récente tribune publiée dans Le Monde. Depuis 2016, le nombre de morts au travail tend d’ailleurs à augmenter (à l’exception de l’année de 2020 marquée par le confinement) alors que jusque-là dominait une tendance à la baisse sur plusieurs décennies. Voilà la conséquence des politiques austéritaires, de la précarisation du travail, de la liquidation des Comités d’Hygiène et de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) et des logiques de sous-traitances. Une hausse que la macronie entend bien entretenir en offrant au patronat un passe-droit économique pour mettre en danger la vie des salariés. François Desriaux, rédacteur en chef du magazine Santé & Travail et co-fondateur de l’association nationale de défense des victimes de l’amiante, dénonçait ainsi le 2 octobre sur X (anciennement twitter) : « le gouvernement fait un gros cadeau au patronat sur le dos des victimes et de la prévention ».
En plus de représenter un passe-droit pour le patronat, cette mesure est également un crachat au visage de tous les accidentés, malades et familles des victimes du travail. Ces derniers doivent en effet mener de lourdes batailles administratives et juridiques dans des cadres structurés contre leurs intérêts, pour faire reconnaître leurs pathologies et pouvoir toucher des indemnités, et a fortiori faire attester par la justice les fautes graves de leurs employeurs. La sociologue Véronique Daubas-Letourneux explique ainsi à Mediapart : « On sait par exemple que les cancers d’origine professionnelle sont très rarement reconnus comme tels. Et la Sécu en est consciente, puisque chaque année sa branche accidents du travail reverse beaucoup d’argent [2 milliards d’euros en 2019 – ndlr] à sa branche maladie pour compenser les sous-déclarations. ». Dans le même temps, le patronat se voit couvert par le gouvernement pour avoir mené la santé des travailleurs à la ruine.
Cette attaque importante a été facilitée par la logique de dialogue social adopté par les directions syndicales. Ainsi, la CGT, FO, la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC sont signataires aux côtés du Medef et d’autres organisations patronales de l’Accord national interprofessionnel du 15 mai 2023. Ce dernier prévoit notamment une rénovation des barèmes de calculs de la rente accidents du travail-maladies professionnelles. La possibilité que la fusion derrière un forfait commun des indemnités professionnelles et fonctionnelles résulte en une hausse globale de l’indemnité a en effet poussé les directions syndicales à accepter la révision du barème. Une possibilité 100% virtuelle : la macronie se donne toute latitude pour préciser les modalités de calcul par décret une fois le PLFSS adopté, et la dernière séquence a prouvé que renforcer les droits des travailleurs n’étaient pas vraiment le credo de Macron.
Cette véritable incitation à mettre en danger la vie et la santé des travailleurs, est un crachat de plus de la macronie à l’adresse du monde du travail et un nouveau cadeau obscène au patronat. Une attaque qui vient compléter une longue liste (dernièrement la réduction des soins dentaires et la volonté de traquer les arrêts-maladies des travailleurs) et qui ne pourra être combattue qu’en se débarrassant de toute illusion dans le dialogue social et la conciliation avec la macronie, par la grève et la rue.
Publié par REVOLUTION PERMANENTE