La crise pas pour tout le monde : de nouveaux records en 2023 pour les Bourses mondiales
Alors que la pauvreté augmente, nourrie par le maintien d’une inflation qui s’élève à 6,9 % au niveau mondial pour 2023, les Bourses atteignent de nouveaux records. En tête, le Nasdaq 100 et le CAC 40, qui ont vu leurs résultats s’envoler en même temps que les profits des grands groupes étasuniens et français.
En cette fin d’année, la presse économique exulte : c’est une « pluie de nouveaux records » qui est tombée sur les marchés mondiaux en 2023. Selon Les Echos, les résultats des principaux indices boursiers ont tous atteint des sommets à la fin du mois de décembre. Le CAC 40, qui rassemble les grands groupes français, a ainsi, dans la même semaine, battu deux fois son record historique, tandis que le Nasdaq 100, deuxième plus grand marché d’actions des Etats-Unis, est en passe de réaliser sa meilleure année depuis plus de 20 ans. Des « records » nourris par les profits eux aussi records réalisés par les plus grands groupes mondiaux, alors même que l’inflation est loin d’être résorbée, et que la pauvreté et la précarité n’ont fait qu’augmenter depuis la crise sanitaire.
Des « chiffres records » qui s’appuient sur des « marges records »
Loin d’être la conséquence de la « décrue de l’inflation » - qui, pour l’année 2023, se maintient au global à 6,9 % au niveau mondial, à 5,7 % en France et 3,2 % aux Etats-Unis - ce « rebond » des marchés est corrélé à l’explosion des profits et des marges réalisés cette année par les grands groupes, au premier rang desquels figurent ceux du secteur de l’énergie, qui ont réalisé des bénéfices records en 2023. Entre le premier trimestre 2022 et le premier trimestre 2023, le géant américain ExxonMobil a ainsi doublé ses bénéfices, atteignant les 11,4 milliards de dollars, tandis que Total, après avoir doublé ses bénéfices en 2022, atteignant un record historique, annonce une hausse de 12 % en 2023.
Les différentes crises ont profité aux grandes entreprises, qui n’ont pas hésité à tirer parti de la conjoncture pour en faire porter le poids sur leurs salariés et jouer sur les prix, augmentant leurs marges. « Malgré tous les chocs subis depuis deux ans, énergétiques, monétaires et sur les chaînes d’approvisionnement, les marges ont résisté et restent aujourd’hui à des niveaux historiquement élevés » selon Benjamin Melman, directeur financier pour Rothschild. En France, l’INSEE estime ainsi que le taux de marge des entreprises a progressé cette année : il a atteint 32,3 % de la valeur ajoutée entre janvier et mars 2023, contre 31,9 % aux troisième et quatrième trimestres 2022. Au mois de juin dernier, Les Echos titraient ainsi que « la hausse des marges des entreprises contribue à nourrir l’inflation ».
Le grand patronat peut ranger ses violons : loin d’avoir souffert de l’inflation, la plupart des grands groupes en ont profité pour augmenter leurs prix, ce qui leur a permis d’augmenter leurs profits, et ce même avec un ralentissement de leur activité. Une situation qui, en France, s’observe tout particulièrement dans le secteur de l’agroalimentaire. Alors même que la consommation alimentaire a chuté de 17 % depuis le début de l’année 2022 et que les chiffres des ventes stagnent, les profits du secteur ont plus que doublé entre 2022 et 2023, passant de 3,1 milliards d’euros à 7 milliards.
Crise sanitaire, guerre en en Ukraine, inflation : la crise, mais pas pour tout le monde
Un marqueur supplémentaire d’une crise à géométrie variable. Si la crise sanitaire puis la guerre en Ukraine ont bien eu un impact sur les chaînes de valeur au niveau mondial et sont des causes structurelles de l’inflation, les grandes entreprises ont réussi à tirer leur épingle du jeu et à en tirer profit – littéralement. Alors que les bourses mondiales s’envolent et se félicitent de la « reprise » des marchés mondiaux, c’est, selon l’ONU, 165 millions de personnes supplémentaires qui sont tombées dans la pauvreté depuis 2020, suite au Covid et à l’envolée des prix, tandis que presque 10 % de la population mondiale a souffert de la faim en 2022, contre 7,9 % en 2019.
En France également, l’année 2023 a ainsi marqué une nouvelle augmentation de la pauvreté. C’est désormais plus de 14 % de la population qui vit sous le seuil de pauvreté, soit plus de 9 millions de personnes, tandis qu’une personne sur dix n’a pas les moyens de chauffer suffisamment son logement, et qu’une personne sur deux saute au moins un repas, dans un contexte où la hausse des prix alimentaires culmine à plus de 21 % sur deux ans – et ce alors même que le prix des matières premières alimentaires est aujourd’hui en baisse. Des « records » qui ne sont que le négatif des profits eux aussi « records » engrangés par les entreprises du CAC 40.
Faire payer la crise aux responsables : indexation des salaires et expropriation des grands groupes de l’énergie et de l’alimentation !
Alors que l’inflation est aujourd’hui un prétexte supplémentaire pour faire augmenter les prix, renforçant encore la pauvreté et la précarité, nous devons d’autant plus exiger l’augmentation des salaires, pensions, et retraites, et leur indexation sur l’inflation. Des revendications que doivent aussi porter nos organisations syndicales, et pour lesquelles elles doivent proposer un plan de bataille a même de les arracher.
De même, alors que les entreprises de l’énergie et de l’agroalimentaire sont parmi celles qui ont le plus profité des différentes crises, engendrant des bénéfices records en imposant des prix records, nous devons exiger l’expropriation et la mise sous contrôle des travailleurs des entreprises de ces secteurs, pour permettre à toutes et tous de répondre à leurs besoins. Les think tank de la finance le disent eux-mêmes : si c’est le « pouvoir de fixation des prix […] qui a permis aux entreprises de défendre leurs marges », alors retirons-leur ce pouvoir – et supprimons les marges, qui n’ont de sens que pour les capitalistes.
Publié par REVOLUTION PERMANENTE