SYNDICAT CGT UNILEVER FRANCE HPCI

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Syndicat CGT Unilever HPCI France

Publié le par Syndicat CGT Le Meux

Embauches, salaires : les grévistes des dépôts pétroliers CIM du Havre font plier la direction

Face aux manques d'effectifs et au terme d'une grève de deux jours très suivie, les travailleurs postés des dépôts pétroliers de la CIM au Havre ont arraché des embauches et des revalorisation d’échelon associées à des augmentations de salaires selon les compétences.

Pétrochimie

C’est une victoire qu’ont obtenue les salariés de la CIM après une grève de deux jours au dépôt de carburants du le port du Havre. Les grévistes ont obtenu l’embauche de personnes supplémentaires, ainsi que des augmentations de salaires, en faisant reconnaitre les compétences des salariés.

Des sous-effectifs chroniques, sans revalorisation salariale de leurs remplaçants, et un manque de personnes qualifiées pour les remplacements

La Compagnie Industrielle Maritime est la compagnie qui gère les terminaux de stockage d’hydrocarbures et de pétrole à l’embouchure de la Seine, au Havre. La CIM alimente les raffineries Total de Normandie, la plus grande de France, celle de Gravenchon, de Grandpuits, la région et les aéroports de Paris. Dans le contexte de montée des tensions internationales, ces dépôts ont aussi une vocation très stratégique puisque le Havre est à l’extrémité de « l’oléoduc de défense commune » de l’OTAN qui va jusqu’à Cambrai, d’où il rejoint le réseau stratégique de l’alliance en Europe.

La grève des travailleurs postés part de deux problèmes de longue date, en lien avec le sous-effectif chronique : le refus de la reconnaissance des compétences liées à certains postes que les salariés devaient exercer sans revalorisations salariales équivalentes, et le manque d’effectifs formés pour remplacer les travailleurs en service de quart.

Ce « sous-effectif fonctionnel » n’est pas nouveau : « Moi ça va faire dix ans que je suis dans la boîte et j’ai toujours connu ça » raconte Lilian Lemoine, secrétaire général de la CGT CIM, qui évoque les départs en retraite non remplacés, qui ont participé à alourdir la charge de travail des salariés et le manque de personnes dans le pôle sécurité.

Le combat part de la fin 2023, où la CGT s’est aperçue au cours d’une réunion que les cadres touchaient « cinq fois plus » qu’eux dans le cadre des retraites supplémentaires. Comme l’entreprise ne voulait pas les mettre au même niveau, elle a accepté de négocier avec le syndicat l’ouverture d’une négociation sur la revalorisation de la grille des coefficients, comme la CGT CIM le demandait en vain depuis au moins 20 ans.

Lilian Lemoine, secrétaire général de la CGT CIM, explique qu’à partir de là « on faisait face à une politique de pourrissement », avec une direction qui fait mine d’approuver le constat du syndicat mais qui, « par ses propositions, fait tout le contraire de ce qu’on dit : pas de reconnaissance des compétences, pas de revalorisation des entrées de poste alors que leur niveau de responsabilité a explosé ».

La construction du rapport de force : une grève votée à la quasi-unanimité, avec 100% des équipes postées en grève pendant deux jours

Depuis des mois, les CSE [Comité Social et Économique, réunions entre la direction et les délégués du personnel chargés de représenter les intérêts salariés et de défendre leur sécurité et la justesse des rémunérations] se passent « très mal ». Le secrétaire général de la CGT CIM évoque une « ambiance complètement délétère ». « Face à ça on a alerté nos syndiqués et on leur a dit qu’on pensait qu’il fallait augmenter le rapport de force et partir en grève. ».

Rassemblés en assemblée générale le mardi 25 juin, les travailleurs de quart votent alors à la quasi-unanimité des voix (et une unique abstention) de se mettre en grève si la réunion de négociations du jeudi suivant se passait mal. « Là on retombe sur des propositions qui allaient encore plus dans le sens inverse de ce qu’on demandait. Il n’y avait aucune revalorisation des postes mais en plus ils rajoutaient des charges de travail à chacun » raconte le secrétaire général de la CGT.

Lilian raconte aussi comment la grève a débuté : « Quand on est arrivés le dimanche soir dans l’entreprise, face à l’équipe de quart qui était présente on a refait un vote et ça a été voté à 100 % aussi ». La grève a débuté à 20 heures 20 le dimanche soir et elle a duré 44 heures jusqu’au mardi après-midi. Elle a été suivie par tous les travailleurs des trois équipes de quart qui se sont relayées pendant sa durée, équipes qui ont chacune revoté la grève à l’unanimité.

Cette grève s’est soldée par 16 heures de négociations en faveur des grévistes qui ont obtenu plusieurs de leurs revendications. « On a ramené la direction à une vraie table des négociations grâce au rapport de force. Force est de constater que ça fonctionne ! Sans ça, se mettre autour d’une table et discuter, sans rapport de force, tu vois que c’est une politique de pourrissement, puis t’arrive à rien. » explique le secrétaire général CGT.

Pour la première fois depuis longtemps, la grève arrache des embauches ainsi que des revalorisations salariales selon les compétences, dans un groupe tourné vers les profits des actionnaires

Les grévistes ont obtenu la création d’un « pôle briseur », c’est-à-dire l’embauche de cinq remplaçants pour les travailleurs. Actuellement, en quart en cas de maladie ou de blessure, ce sont souvent des personnes qui n’ont pas les compétences qui les remplacent. « Avant on était remplacés par des salariés qui sont pas du tout du métier, en étant en effectifs minimes » explique Lilian.

Lilian raconte : « C’est une victoire car ça fait très longtemps que l’entreprise n’a pas augmenté le nombre de salariés, donc cinq ça paraît ridicule mais c’est une PME à la base la CIM, qui fait beaucoup d’argent. La part des actionnaires ces dernières années n’a fait que grossir. Avant, ils prenaient 33 % des bénéfices. Maintenant ils tournent à 40 %. Donc la masse salariale ne fait que diminuer et les investissements dans l’entreprise aussi ».

En effet, les 234 travailleurs des dépôts havrais de la CIM ont produit, en 2023, plus de 143 millions d’euros de chiffre d’affaire net (+11% par rapport à 2022) d’après le compte-rendu de l’assemblée générale d’avril dernier. Toujours d’après ces chiffres, les actionnaires ont payé les salariés 20,3 millions d’euros au total et ils ont dégagé 47,7 millions d’euros de bénéfices.

C’est près de la moitié de cette somme que les actionnaires, des supermarchés financiers de la banque et de l’assurance ont voté « à l’unanimité » de s’approprier, à titre de dividendes et en un quart d’heure de réunion entre 17h30 et 17h45 le 2 avril dernier. Cela représente plus de 25,7 millions d’euros pour l’année 2023 seulement (+16% par rapport à l’année dernière). Dans le détail, 10,3 millions d’euros reviennent à la filiale assurance du Crédit Agricole, 6,3 et 5,8 millions respectivement pour la holding Infra-Invest dirigée par CNP Assurance et la banque-assurance SwissLife et enfin 3,4 millions pour la filiale assurance de la Société Générale. L’assemblée était présidée par Erwan Keromest, dirigeant du Noven Group Infra, lui-même salarié de toutes ces « bancassurance ».

Outre les gains sur les effectifs, les grévistes de la CIM ont obtenu des reconnaissances de compétences et des revalorisations salariales en lien avec les compétences des salariés. Lilian en décrit les changements : les postes à responsabilité (chefs de quart, de groupes, remplaçants, opérateurs de salle de contrôle) sont passés agents de maîtrise. « Ce sont eux qui gèrent des équipes, qui s’occupent des plannings, qui ont des responsabilités en cas d’incident et qui font sorte que les quarts se déroulent bien ». Des revalorisations qui concernent également les postes « d’en bas » : « on est tous passés au pallier au-dessus ! »

Les grévistes ont notamment obtenu la levée des quotas pour chaque pallier salarial, et le fait qu’un travailleur qui doit, à cause des sous effectifs, effectuer des tâches dévolues à un salarié bénéficiant de la grille de l’échelon supérieur, soit revalorisé. « Une fois que t’es formé, s’il y a validation des acquis, tu prends ce coefficient de poste là. Qu’on te demande ou pas de remplacer la personne, maintenant t’es payé au même niveau. » explique Thomas, qui constate les avancées de cette conquête.

« Les gens se rendent compte que le rapport de force de force est utile » : le combat pour l’ensemble des travailleurs de la CIM doit se poursuivre à la rentrée

Si, pour l’instant, ces mesures ne s’appliquent qu’aux travailleurs postés, la CGT ne compte pas s’en tenir là : « Les équipes de jour ne nous ont pas remplacées mais elles n’ont pas non plus fait grève, du coup là on n’a pas pu parler pour elles, mais on s’est mis d’accord avec la direction et, en septembre prochain, on y revient pour parler du reste des salariés dans l’entreprise ». D’après l’accord de sortie de grève, à la rentrée, la direction devrait participer à des négociations dont elles sait par avance que tous les salariés auront en mémoire le souvenir frais de la victoire de leurs collègues au début de l’été et, peut-être, l’envie de l’imiter.

« Ce qui est sûr c’est qu’ils ont de nombreuses attentes, parce qu’ils ont se sont rendus compte que c’était possible. C’est un élargissement du champ des possibles. Ils se rendent qu’on compte qu’on peut aller chercher de la reconnaissance et des bonnes conditions de travail. Les gens se rendent compte que le rapport de force de force est utile. » conclut le secrétaire général Lilian Lemoine, qui assure que la CGT revendiquera la reconnaissance des compétences et la mise à jour de la grille des coefficients pour l’ensemble de l’entreprise.

Publié par REVOLUTION PERMANENTE

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