Nous expliquons depuis des années que le système de santé ne peut reposer que sur le service public et qu’il existe une incompatibilité avec le secteur privé lucratif. Les libéraux de droite et de gauche n’ont cessé de nous critiquer en expliquant qu’il ne fallait pas opposer le public et le privé, que les deux secteurs étaient complémentaires et que les actionnaires des cliniques privées étaient de gentils philanthropes. Confronté à une fermeture brutale et complète du service d’urgence d’une grande clinique, obligeant l’hôpital public déjà surchargé à accueillir les patients trouvant porte close dans cet établissement, pour la première fois, un directeur d’hôpital, celui du Havre, exprime sa colère devant cette situation, ce d’autant que l’argument invoqué est celui des vacances du personnel de la clinique. Son cri du cœur exprime le sentiment des personnels de son établissement. Je le cite : « Les hospitaliers méritent eux-aussi des vacances et la considération des autres professionnels de santé du territoire ».
Cet exemple n’est pas isolé. La même situation a été rencontrée cet été à Perpignan, à Rennes ou encore dans l’agglomération nantaise. Le secteur des maternités est également touché, comme à Avignon où la clinique Urbain V du groupe Elsan va fermer en novembre sa maternité, la jugeant insuffisamment rentable, laissant l’hôpital public seul pour accueillir les femmes enceintes dans une région déjà confrontée à la disparition de nombreuses maternités de proximité. Groupe Elsan dont il faut citer certains de ses actionnaires : la famille Bettencourt et l’assureur Axa.
Ce qui est particulièrement scandaleux est que le gouvernement par l’entremise des Agences régionales de santé laisse faire et n’impose aucune contrainte au secteur privé lucratif, alors que ce dernier est financé quasi intégralement par l’argent de la Sécurité sociale et qu’il bénéficie même de subventions publiques pour ses investissements. Par ailleurs, rien ne les étouffent car leur représentation, la Fédération de l’hospitalisation privée, adhérente du MEDEF, mécontente des tarifs imposés à l’ensemble du secteur dans un cadre budgétaire contraint, avait menacé d’une grève début juin. Menace qui n’avait finalement pas été mise à exécution car une nouvelle fois la gouvernement a cédé à leur demande en leur octroyant des crédits supplémentaires. Pendant ce temps, les hôpitaux publics, pressurés financièrement et obligés d’assurer l’ensemble des activités délaissées par le secteur privé car insuffisamment lucratives, accumulent les déficits du fait de leur manque de ressources et n’assurent plus qu’un service public dégradé.
Cette situation est inacceptable et il faut clairement affirmer qu’un vrai programme de gauche dans le secteur de la santé ne peut reposer que sur la perspective claire d’en exclure les activités privées lucratives. En effet, la logique du marché n’est pas d’assurer des missions de service public mais en priorité d’offrir le meilleur retour sur investissement aux actionnaires. Alors, banco, mesdames et messieurs les députés !
Dr Christophe Prudhomme
Praticien hospitalier -SAMU 93
Publié par FSC