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« Front économique » : le Medef lance son offensive libérale et se prépare au combat
Jeudi dernier, le Medef a confirmé le lancement d’un nouveau lobby patronal avec pour but de peser sur les décisions politiques. Ce nouveau front vise à resserrer les rangs patronaux face à l'instabilité politique et économique.
La crise politique inquiète le patronat : alors que les parlementaires s’agitent autour des milliers d’amendements proposés au budget de Michel Barnier, le Medef a confirmé ce jeudi la création d’un nouveau lobby, composé d’une centaine de personnalités pro-patronales, avec pour but d’élaborer en commun pour peser plus sur le terrain politique et défendre au mieux ses intérêts. Si les gouvernements successifs ont œuvré toujours plus au service du Medef, ce nouveau front patronal se prépare à affronter la crise et à une offensive plus coordonnée contre le monde du travail et les quartiers populaires.
Un lobby pour mieux défendre les intérêts patronaux face à la crise
« Remettre de la rationalité » dans le débat économique : voilà comment Patrick Martin, patron du Medef, justifie sa vision du « Front économique » lancé jeudi dernier en plein milieu des débats à l’Assemblée nationale sur le budget Barnier. « Ce qu’on observe dans le débat en commission des finances avec beaucoup de postures et d’exagérations ne donne pas une vision stratégique », a notamment pointé le président des patrons. Une façon de répondre aux débats ouverts sur la hausse de la fiscalité qui, bien qu’ils ne figureront pas dans le projet final, inquiètent sur un plan plus stratégique le Medef.
D’ici 2025, le groupe devra publier des travaux autour de sept thématiques sur comment « produire et innover », « travailler et rémunérer », « investir et décarboner », « développer les entreprises », « réussir » mais aussi « recentrer l’action publique ». Dit autrement, les membres de ce groupe de lobby devront batailler tout ce qui pourrait nuire aux marges des entreprises, au niveau du budget national comme des réglementations européennes. Ont été évoqués plusieurs mesures envisagées par les politiques, comme la cession de parts de l’État dans certaines entreprises, la suspension du crédit d’impôt recherche ou des aides à l’apprentissage. D’autres thèmes, comme la réglementation européenne sur l’environnement, ou encore la politique d’immigration, pourraient être abordés.
En somme, des sujets éminemment stratégiques comme la politique de l’offre, mais également des sujets comme l’immigration sur lesquels le patronat n’est pas forcément raccord. Face à la crise, il s’agit de trancher les débats pour préparer le « combat » dans une situation où prime l’instabilité politique et économique.
Face au risque de déclassement, le Medef prépare une organisation de combat
La réaction du Medef à la crise politique actuelle en dit long sur ses perspectives. Si la publication des travaux du groupe de lobbying patronal est prévue pour 2025, Patrick Martin a indiqué qu’ils pourraient accélérer leurs objectifs, notamment dans le cas d’une « nouvelle échéance électorale »… en cas d’une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale, par exemple. Provision qui témoigne que face à l’instabilité politique actuelle, le Medef compte être pro-actif à l’heure où la peur du déclassement des grandes entreprises françaises n’est plus juste une abstraction mais un risque. Dans ce cadre, l’organisation patronale cherche à s’homogénéiser en consolidant ses organisations et ses réseaux d’influences politiques.
En effet, la crise budgétaire qui polarise à l’heure actuelle les débats met également en lumière les limites structurelles du capitalisme français ainsi que l’échec objectif de la politique de l’offre à la française. De même, la dégradation de la dette française est déjà largement intégrée par les marchés financiers, s’ajoutant à celle de Standard & Poor’s en juin, pointent vers le risque d’aggravation de la crise financière et vers une plus grande difficulté de financements de la dette privée des grandes entreprises françaises.
Alors que la crise économique latente pourrait à terme aiguiser les risques sociaux, le patronat s’organise également préventivement pour y faire face. C’est ce dont témoigne notamment leurs préoccupations envers les directions syndicales en envisageant des pistes de « dialogue » : en ce sens, Patrick Martin a assuré qu’il se veut « attentif à ce que [le Front économique] ne soit pas vu par les syndicats comme une captation du débat par le Medef, » et envisagerait même de leur proposer de contribuer au corpus. Une façon de ne pas se couper totalement des syndicats et mettre en avant sa disponibilité à relancer les rouages du « dialogue social. »
Préparons le combat de notre camp
Face à la crise, le Medef ne tarde pas à resserrer ses rangs pour affiner son orientation dans la prochaine période et renforcer son organisation de combat contre les travailleurs. A contrario, les premières réactions des directions syndicales restent extrêmement limitées, et leurs ouvertures récentes vers le patronat, comme le débat entre Sophie Binet et Patrick Martin à la fête de l’Humanité, ou encore le nouveau cycle de discussions sur l’assurance-chômage s’inscrivent au contraire dans une conciliation toujours plus importante avec le patronat.
Face à un patronat radicalisé, les organisations du mouvement ouvrier devraient radicalement changer d’orientation et renouer avec l’indépendance de classe. Plus que jamais, il est urgent de rompre avec la passivité et le dialogue, et de proposer un plan contre les offensives du gouvernement et d’un patronat qui tente de resserrer les rangs dans un lobby intensif. Dans la période qui vient, l’heure est à la riposte.
Publié par REVOLUTION PERMANENTE