Une nouvelle fois, jeudi 16 mai, les anciens salariés de Fralib, la filiale de production de thé Lipton et d'infusions Eléphant d'Unilever, qui était basée à Gémenos (Bouches-du-Rhône) jusqu'à sa fermeture mi-2012, ont rendez-vous avec la justice. Devant le conseil des prud'hommes de Marseille saisi en référé, ces derniers demandent le versement de leur salaire du mois d'avril.
A l'origine de cette requête, la non-exécution de l'arrêt du 28 février 2013 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Annulant, pour la 3e fois, la procédure de licenciement économique, le plan de sauvegarde de l'emploi ainsi que les licenciements déjà prononcés, les juges avaient ordonné au groupe anglo-néerlandais de " reprendre à son début ladite procédure et de présenter au comité d'entreprise [CE] un plan de sauvegarde de l'emploi [PSE] ". Ce qu'Unilever n'a pas fait. Il s'est pourvu en cassation.
En revanche, le groupe a tiré à sa façon les conséquences de cette annulation de la procédure, en mettant un terme, le 21 mars 2013, aux congés de reclassement en cours. Dans le même temps, l'avocat d'Unilever a, dans un courrier à chaque salarié, proposé de " continuer à [leur] verser chaque mois un montant correspondant à celui qui aurait été versé dans le cadre du congé de reclassement si le PSE n'avait pas été annulé ", jusqu'à la date prévue pour la fin de ce congé. En cas de refus, il n'y aurait " plus aucun versement à compter du mois d'avril ".
Aucun salarié n'a accepté cette offre. Et depuis le 3 avril, les employés sont sans aucun revenu. C'est une " fraude à la loi, dénonce Amine Ghenim, l'avocat des salariés et du CE. Si le licenciement est nul, cela revient à ce qu'il n'ait jamais existé. L'arrêt aurait donc dû entraîner la rupture des congés de conversion et la reprise immédiate du versement des salaires ", jusqu'à la fin de la nouvelle procédure ordonnée par la Cour d'appel. Mais de cette procédure, comme des salaires, il n'en est nullement question dans ce courrier de l'avocat d'Unilever.
INDEMNITÉ À LA CHARGE DE L'EMPLOYEUR
" Fralib ayant cessé toute activité sur le site de Gémenos depuis plus de six mois, écrit-il, votre réintégration est devenue matériellement impossible. La seule voie ouverte est donc celle de l'indeminsation." Unilever considère que les contrats de travail sont rompus de fait. Il s'appuie sur un article du code du travail qui prévoit qu'en cas d'annulation d'une procédure de licenciement, si le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou si la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur. Et d'inviter les salariés à saisir la justice : "afin qu'il soit tiré toutes les conséquences de l'annulation de [la] procédure sur votre licenciement, il vous appartient désormais de saisir le juge des prud'hommes afin qu'il se prononce sur la question du montant de votre indemnisation "." L'existence ou non d'une activité sur le site, ce n'est pas le débat, tranche M. Gnenim. L'arrêt ordonne une nouvelle procédure, elle doit être mise en œuvre. A aucun moment, l'arrêt ne parle d'indemnisation et il n'est fait aucune référence à cette disposition du code du travail " avancée par Unilever.
Cette initiative d'Unilever et de Fralib "constitue une nouvelle tentative de détournement de la loi, dénoncent les syndicats CGT et CGC de Fralib. Le groupe continue tranquillement à s'assoir sur les lois de notre République et sur nos institutions. Qui va arrêter ces voyous jusqu'au-boutistes ? " Le 17 avril, après un premier courrier du 8 février au président de la République François Hollande resté sans réponse, le CE, la CGT et la CGC de Fralib lui ont écrit à nouveau pour lui demander d'intervenir. Le dossier a été transmis à Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, et de Michel Sapin, ministre du travail, leur a-t-on répondu.