En créant l’USCC en 2006 dans un canton suisse, le groupe anglo-néerlandais a économisé, par an, 67 millions d’euros d’impôts sur les sociétés. En toute légalité.
Ce n’est pas le charme médiéval (quoique !) du canton de Schaffhausen près de Zurich (Suisse) qui a attiré les dirigeants d’Unilever mais plutôt son régime fiscal : 5 % d’imposition sur les bénéfices des sociétés contre près de 33 % en France. Le groupe anglo-néerlandais y a créé en 2006 Unilever Supply Chain Company (USCC), sa «chaîne logistique». Dans de vastes entrepôts où l’on stocke les matières premières comme le thé ? Sur une plate-forme de commercialisation routière ou ferroviaire ? Rien de tout cela. L’USCC c’est quelques ordinateurs dans un immeuble anonyme devant lesquels des bureaucrates brassent de l’argent. Quel rapport avec Fralib ? Comme l’a compris le tribunal de Marseille, instruit par l’expertise du CE, «Fralib a le statut de prestataire de services pour le compte d’USCC, un rôle réduit à celui de façonnier». Autrement dit, c’est USCC qui achète le thé et le met à disposition de l’usine provençale. Mais c’est aussi USCC qui vend le produit fini (des boîtes Lipton de 25 sachets double chambre) à ses filiales de distribution en France et en Europe. Deux méthodes principales de fixation des prix ont été validées par l’OCDE. Comme le détaillait l’Humanité dans son édition du 1er juin dernier, le modèle de tarification « cost plus » est défini par les coûts de conversion, c’est-à-dire les coûts de la main-d’œuvre et de l’exploitation, auxquels on ajoute une marge de 7 %. L’autre méthode consiste à calculer le prix de cession d’un produit sur la base d’une partie du profit qui sera dégagé dans le circuit commercial, USCC s’arrogeant alors 25 % de cette somme.
La particularité d’USCC est d’empiler les deux méthodes, ce que la CGT surnomme «le double effet Unilever». Le groupe agroalimentaire applique ce système à ses 60 sites de production en Europe qualifiés de «centres de coûts» , rapatriant ses bénéfices imposables vers le «centre de profits» de Schaffhausen. Unilever France (Royco, Amora, Miko, Lipton, Éléphant …) réaliserait chaque année plus de 200 millions de bénéfices imposables et, par la combine, USCC économiserait donc plus de 60 millions d’euros d’impôts. Autre «avantage» de cette grande trouvaille du capitalisme financier : planifier de façon purement comptable, bien au chaud en Suisse, la non-rentabilité d’une usine en court-circuitant son CE. Les salariés de Fralib sont en train d’en faire la douloureuse expérience.