Illustration : Usine Volkswagen à Wolfsburg (Raycer/Wikimedia Commons)
Austérité patronale : Volkswagen menace de baisser les salaires de 120 000 ouvriers
Alors que le géant allemand de l'automobile a annoncé une casse sociale historique, il cherche maintenant à imposer une austérité brutale avec la réduction de 10 % des salaires et des réorganisations majeures aux dépens des 120 000 travailleurs du groupe.
Le 31 octobre, Volkswagen a annoncé dans un communiqué de presse intitulé « Négociations collectives : Volkswagen met les salariés à contribution pour assurer l’avenir de l’entreprise », des mesures d’austérité pour les travailleurs incluant une baisse de salaire de 10 % et des réductions de primes importantes, ainsi que des mesures qui vont toucher les apprentis, les travailleurs temporaires et les plus anciens salariés.
Un plan d’austérité brutal
Ces annonces se font dans le cadre des négociations collectives avec le syndicat IG Metall qui ont repris ce mercredi au siège du groupe à Wolfsburg (Basse-Saxe). Il y a plus d’un mois, le groupe automobile avait rejeté une demande d’augmentation de 7 % pour les 120 000 salariés de six sites Volkswagen en ex-Allemagne de l’Ouest (Wolfsburg, Brunswick, Hanovre, Salzgitter, Emden et Kassel), alors que l’inflation cumulée depuis 2021 se monte à 15,6 % en Allemagne. « Le taux d’inflation est peut-être en baisse, mais les prix aux caisses restent élevés pour les gens » explique Christiane Benner, présidente d’IG Metall. Or, comme l’écrit le syndicat, les salaires réels n’ont pas augmenté ces dernières années.
Pourtant, ce second tour de négociation ne promet aucune amélioration ; au contraire, Volkswagen vient d’annoncer des « propositions concrètes pour réduire les coûts ». Outre une réduction brutale des salaires de 10 %, Volkswagen a mis sur la table la suppression des primes d’ancienneté (1,45 fois le salaire brut mensuel pour 25 ans d’ancienneté et 2,9 fois pour 35 ans) et de la prime conventionnelle de 170 euros par mois. La multinationale veut aussi s’attaquer à une « restructuration » des primes pour les travailleurs concernés par les accords « Tarif Plus » ainsi qu’à « la semaine de 35 heures et la suppression de la protection des droits acquis par les salariés entrés dans l’entreprise avant 2005 ». Jusqu’ici, ces travailleurs pouvaient aménager leurs semaines entre 25 heures (à la chaîne) et 34 heures.
Le groupe veut aussi résilier la « convention collective sur la formation » qui l’engageait à proposer 1 400 postes de formation par an, en arguant que, de toute façon, elle n’embauchait pas les apprentis à l’issue « en raison du faible niveau des besoins en personnel ». Il cherche aussi à mettre fin aux conventions collectives sur le travail temporaire pour aligner les rémunérations de ces travailleurs sur les accords de branche « et non, comme c’est le cas actuellement, à des coûts nettement plus élevés que ceux de la concurrence ». L’entreprise veut ainsi organiser un modèle qui s’appuie beaucoup plus sur le travail temporaire en précarisant encore plus les travailleurs en contrats courts.
Une stratégie du choc après l’annonce de licenciements de masse
Cet ensemble d’attaques austéritaire représente une offensive historique contre les travailleurs du géant automobile. Elles s’inscrivent dans la continuité des annonces d’une casse sociale inédite en septembre.
Lundi 28 octobre, la présidente du comité d’entreprise Daniela Cavallo avait appelé les milliers de travailleurs réunis devant l’usine de Wolfsburg à résister à une « saignée », annonçant que « Le directoire souhaite fermer au moins trois usines en Allemagne », soit une de plus que prévu. Ainsi, l’usine d’Osnabrück (2300 salariés) est presque sûre de fermer, tandis qu’Emden (8 000) et la verrerie d’Emden (340 salariés) sont sévèrement menacées.
La direction déploie ainsi une véritable stratégie du choc pour acculer les travailleurs et faire du chantage sur la négociation collective. Elle tente ainsi de faire croire que les fermetures d’usines pourraient être limitées si le syndicat IG Metall accepte les baisses de salaire, ainsi que les nombreuses autres attaques contre les travailleurs.
Volkswagen en crise ? Ce n’est pas aux travailleurs de payer pour la course aux profits !
« Pour pérenniser l’emploi », selon les mots du négociateur Arne Meiswinkel repris dans le communiqué de la direction « il nous faut réduire le coût du travail dans l’entreprise. En effet, nous devons ramener le coût du travail à un niveau compétitif par rapport aux autres acteurs du secteur ». C’est ainsi que, pour justifier des économies très temporaires sur les emplois, mais aussi d’autres qu’elle souhaiterait durables sur la rémunération et les conditions de travail, Volkswagen se justifie par une baisse des ventes cette année 2022.
En réalité, Volkswagen n’est touché que par une baisse très relative des ventes cette année 2024. « Après neuf mois, les livraisons du Groupe Volkswagen sont en baisse d’environ trois pour cent par rapport à la même période l’année dernière » écrit le groupe sur son site, avec une croissance du nombre de livraisons de 7,4 et 14,6 % en Amérique du Nord et du Sud, respectivement, une baisse inférieure à 1 % en Europe mais 11 % de baisse en Indo-Pacifique à cause de la concurrence des nouveaux constructeurs chinois comme BYD, qui a détrôné Volkswagen l’année dernière comme nouveau leader du marché chinois.
Le groupe revendiquait pourtant des « résultats solides » avec un bénéfice de 20 milliards d’euros en 2021 le double de l’année précédente, 22,5 milliards en 2022, 25,8 milliards en 2023. Seulement son bénéfice s’élève à 12,9 milliards sur l’année 2024 (contre 16,2 milliards au même moment l’an dernier). C’est pour maintenir ces profits croissants que le groupe menace ainsi ses 120 000 salariés.
Quatre milliards d’économies sont annoncées. C’est à peu près le montant que le groupe a distribué en dividendes sur les dernières années : 3,8 milliards en 2022, 4,4 milliards en 2023 et 4,5 milliards d’euros en juin dernier. Sur ces dividendes, près d’un tiers a été versé la holding de la famille Porsche-Piëch, une des plus grandes fortunes d’Allemagne, tandis que le reste a échu à des « investisseurs institutionnels » et « privés », dont un dixième au fonds d’investissement souverain du Qatar.
Ainsi, ce sont bien moins les résultats qui comptent pour Volkswagen que la volonté d’accroître ses marges pour concurrencer les constructeurs chinois en plein essor. Les travailleurs d’Allemagne ou de Chine sont les otages de cette spirale, sans qu’aucun des deux côtés ne voit jamais la couleur de ces profits.
Pour preuve, les ouvriers de l’usine automobile BYD de Huaxei (Chine), payés au salaire minimum 320 euros par mois, et qui parviennent à doubler voire tripler cette somme en enchaînant les heures supplémentaires, ont fait grève en mai dernier, contre les nouveaux horaires visant à leur sucrer le paiement de ces heures supplémentaires.
Les négociations entre Volkswagen et IG Metall reprendront le 21 novembre, mais elles ont déjà montré leurs limites face à la détermination du patronat à faire payer la crise de l’automobile européen aux travailleurs. Alors que la fin de l’obligation de « s’abstenir de toute action syndicale et de tout conflit du travail » expire le 30 novembre, la grève demeure la seule perspective pour défendre les intérêts des 120 000 salariés de Volkswagen. Cette grève doit permettre, non seulement, de s’opposer aux licenciements et aux projets austéritaires de la direction, mais aussi d’obtenir les 7 % d’augmentation réclamées, et bien plus.
Publié par REVOLUTION PERMANENTE