Plus d’un salarié sur cinq qui est payé au SMIC, une situation inédite depuis 30 ans d’après Libération. C’est ce que révèle la publication, ce jeudi, du rapport annuel du groupe d’experts sur le SMIC : désormais, ce sont 3,1 millions de salariés qui sont payés au salaire minimum depuis le 1er janvier 2023, contre 2,5 millions l’année précédente. Un chiffre en augmentation, le pourcentage de salariés rémunérés au salaire minimum étant passé de 12% en 2021 à 17,3% en 2023, et qui marque un nouveau record.
Parmi eux, les femmes sont majoritaires, représentant 58% des salariés au SMIC, alors qu’elles constituent moins de la moitié des salariés. Les salariés à temps partiels et dans des secteurs moins rémunérés, tels que l’hébergement, la restauration et la santé, sont aussi particulièrement représentés. D’après les experts, la « smicardisation » des salariés a été renforcée entre 2021 et 2023 par l’inflation, couplée au refus d’une indexation et d’une augmentation générale de tous les salaires.
Le SMIC reste en effet la seule rémunération à être partiellement indexée sur l’inflation – après la suppression de l’ajustement automatique des salaires en 1982, sous la présidence de François Mitterrand. Alors que l’inflation est estimée à environ + 14 % depuis trois ans, et + 20 % pour les produits alimentaires, le SMIC a ainsi été revalorisé sept fois entre 2021 et 2023, pour un total de + 13,5%. Il s’élevait ainsi à 1 230,60 € net par mois en janvier 2021, contre 1 353,07 € net par mois en janvier 2023. Une somme qui reste largement insuffisante et témoigne de la crise sociale plus large, alors que les associations humanitaires alertent à une hausse générale de la pauvreté. La crise aux Restos du cœur, croulant sous la demande, ou encore les chiffres record d’expulsions locatives relevés par la Fondation Abbé Pierre, n’en sont que quelques exemples.
Sans indexation générale des salaires, et alors que les augmentations ont été en grande majorité bien en-deçà des chiffres de l’inflation, de plus en plus de salariés se sont ainsi retrouvés « rattrapés » par le salaire minimum. D’autant plus que certaines branches d’activité, dont relèvent 2,7 millions de salariés, n’ont toujours pas mis à jour leurs grilles salariales, certains échelons commençant… sous le salaire minimum. Une situation qui crée un effet de pallier : si les entreprises sont aujourd’hui contraintes de payer au SMIC même les salariés des échelons dont la rémunération est inférieure dans les grilles, les salaires qui se rapprochaient auparavant du salaire minimum n’ont pas été automatiquement augmentés, et correspondent désormais au SMIC.
Alors que les fins de mois s’annoncent toujours plus difficiles avec l’augmentation des prix de l’alimentation, des loyers, et de l’énergie, le groupe d’experts sur le SMIC recommande au gouvernement de « s’abstenir de de tout coup de pouce au 1er janvier », sous prétexte qu’« un relèvement supplémentaire du smic contribuerait […] à tasser davantage l’éventail des salaires au niveau du smic », et lui conseille de ne prendre aucune politique générale sur les salaires pour éviter de « se substitu[er] au rôle des partenaires sociaux », tout évoquant la mise en place d’une réflexion pour rendre les hausses de salaires moins coûteuses pour le patronat. Des « conseils » qui en disent long sur les intérêts du groupe d’experts pour le SMIC, nommés par le gouvernement : il s’agit, surtout, de ne mettre aucune pression au patronat, en maintenant des négociations salariales au cas par cas, tout en réduisant encore les « cotisations sociales patronales » versées à l’État, déjà minimes pour les salariés au SMIC.
Déjà en octobre, la mascarade de la « conférence sociale sur les salaires » appelée par l’exécutif a montré, s’il en était encore besoin, qu’il n’y a rien à attendre de la part du gouvernement, dont les positions sur les salaires sont clairement établies. Le ministre de l’économie y a en effet décrété trois « impasses » : « l’indexation des salaires sur l’inflation », « le coup de pouce au SMIC » et « l’augmentation générale des salaires décidée par l’État ».
Face à un gouvernement obstiné à faire payer la crise aux plus précaires, nous devons à l’inverse exiger une augmentation d’au moins 400 € de tous les salaires, pensions et minimas sociaux et leur indexation sur l’inflation en temps réel. Une politique qui nécessite de prélever sur les bénéfices records des grandes entreprises, dont le chiffre d’affaires explose en même temps que la précarité. Des revendications qui, contrairement à ce que veulent encore faire croire les directions syndicales, ne pourront être imposées par le « dialogue social » et la négociation avec un gouvernement qui multiplie les attaques autoritaires et précarisantes.
Publié par REVOLUTION PERMANENTE