Le CE assignait hier devant le juge des référés au tribunal de grande instance le groupe Unilever.
Me Ghenim, avocat du CE, a rappelé l'obligation de l'employeur de fournir une information de qualité, en vertu du code du travail.
La décision sera prise le 11 février. Le président Vincent Turbeaux prononcera-t-il la nullité du Plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) proposé par le groupe Unilever aux 182 salariés de l'usine Fralib, dont il a annoncé la fermeture, ou se déclarera-t-il incompétent ?
Hier matin, Me Catherine Bertholet représentait les intérêts du groupe Unilever au tribunal de grande instance de Marseille, où Me Amine Ghenim défendait les intérêts du comité d'entreprises de Fralib, représenté par son secrétaire, Gérard Cazorla.
L'avocat au barreau de Seine-Saint-Denis, a démontré au fil d'un argumentaire parfaitement maîtrisé, comment aux yeux de son client, la multinationale n'avait pas fourni suffisamment d'informations à l'expert mandaté par le comité d'entreprise pour étudier le projet de fermeture, et surtout pourquoi le PSE proposé était insuffisant.
L'information
Après un rapide résumé de la situation de l'usine, depuis l'annonce de sa fermeture le 28 septembre dernier aux salariés, au motif que "pour Unilever, le site de Gémenos c'est le maillon faible", Me Ghenim démontait la justification économique fournie par le groupe "dire que l'usine de Gémenos ne fournit que 5% de la production et représente 27% des coûts, cela ne signifie rien !"
Tout simplement, expliquait le conseil du CE, parce que l'usine de Gémenos n'est plus une unité classique de production depuis longtemps, mais un simple "prestataire de services", chargé de transformer la matière première fournie par la filiale suisse USCC du groupe, qui est aussi propriétaire des produits finis "dans le cadre d'un contrat de location gérance." Du coup pour apprécier la pertinence du projet de fermeture, l'expert mandaté par le CE aurait dû pouvoir accéder à des informations économiques sur cette filiale, ce qui n'a pas été possible. "Une entreprise nous dit vous n'êtes pas performants en volume, et vous coûtez cher. Nous voulons savoir à quelle hauteur nous avons participé au chiffre d'affaires et au bénéfice du groupe." Pour Me Ghenim, Unilever n'aurait fourni aux salariés que des informations partielles, et partiales, ne permettant pas d'envisager d'autre issue que la fermeture.
Obstruction
Faux, répondait Me Bertholet, énumérant les multiples réunions tenues depuis l'annonce du projet de fermeture, et même avant. L'avocate d'Unilever évoquait même une volonté "d'opposition de principe", "une démarche d'obstruction" systématique, des syndicats, refusant de signer chaque ordre du jour des comités d'entreprise convoqués : "Pourquoi le comité d'entreprise se tire une balle dans le pied ? Le garant des droits des salariés c'est le comité d'entreprise, c'est l'intérêt de son secrétaire de s'impliquer." Quant à l'accès à l'information, le rapport de 300 pages qu'a rendu l'expert de Projexa le 13 décembre prouve bien à ses yeux qu'il n'a pas été entravé. "Si des documents n'ont pas été versés, c'est tout simplement parce qu'on ne les avait pas." Pour M e Bertholet, le bilan formel de la filiale suisse USCC n'existe tout simplement pas.
Aux yeux de l'avocate de toute façon, la fermeture du site de Gémenos "unité la plus petite et la moins compétitive", sur les quatre que compte le groupe en Europe, s'imposait presque d'elle-même, par la décroissance sur le marché des thés et des infusions en France "pays latin plutôt dévolu à la consommation de café." Un argument qui faisait presque sourire l'assistance, pourtant assez tendue, essentiellement composée de salariés de Fralib. Car le coeur des débats portait aussi sur le Plan de sauvegarde de l'emploi, jugé insuffisant par les syndicats.
Lles indemnités
"L'on peut statuer en référé lorsque le PSE est notoirement insuffisant, c'est le cas", expliquait Me Ghenim, justifiant au passage l'assignation devant le juge des référés, alors que pour son adversaire, cette audience aurait pu être évitée. "Les élus ont travaillé, ils ont comparé ce PSE à celui mis en oeuvre il y a trois ans, les mesures sont moindres." soulignait Me Ghenim, estimant aussi que les indemnités de licenciement étaient "réduites au minimum conventionnel." Quant à l'accord de méthode, qui aurait pu encadrer les négociations concernant le PSE, si les salariés ont refusé de le signer, c'est aussi parce qu'on leur demandait, en contrepartie "de renoncer à toute action judiciaire, collective ou individuelle." Car c'est bien le reproche que fera Me Bertholet au CE : ne pas avoir accepté de signer l'accord de méthode, qui aurait permis l'aménagement de mesures supplémentaires. Et de s'étonner que les salariés s'interrogent sur le contenu du PSE "puisqu'on ne sait pas quelles seront les mesures définitives"
Si elle demandait à ce que son adversaire soit débouté, l'avocate d'Unilever appelait, en conclusion, à l'organisation de nouvelles réunions, pour répondre aux questions dont les salariés n'auraient pas eu la réponse, ou ajouter de nouvelles mesures au Plan de sauvegarde de l'emploi. Une suggestion qui faisait sourire la salle. Me Ghenim, lui, espère bien obtenir l'annulation du PSE, la reprise de la procédure, la présentation d'un nouveau PSE, et l'interdiction, dans l'intervalle, du licenciement des salariés.
Marie-Cécile BÉRENGER