Ce 1er juillet, un séisme social devait s’abattre sur la France : la modification du mode de calcul de l’allocation chômage allait mettre des centaines de milliers de personnes en grande difficulté financière. Heureusement, suite à une mobilisation syndicale de longue haleine, le Conseil d’Etat, instance qui traite des litiges administratifs au plus haut niveau, a suspendu ce qui n’est qu’une des mesures scandaleuses de la réforme de l’assurance-chômage votée en 2018. Le gouvernement va présenter une nouvelle formule de ce mode de calcul : ce n’est hélas que partie remise.
1 – De quoi s’agit-il ?
Sans la suspension provisoire par le Conseil d’Etat , 41% des allocataires de l’assurance-chômage auraient perdu en moyenne 13% de leurs revenus dans l’année à venir. Pourquoi ? Parce que le salaire journalier de référence, c’est-à-dire la base de calcul utilisée par Pôle emploi pour calculer le niveau de votre allocation, change.
Jusqu’à présent, l’allocation était calculée sur la base de la moyenne des salaires perçus les 12 derniers mois, divisée par le nombre de jours travaillés.
Le gouvernement souhaite que l’allocation soit calculée sur les 24 derniers mois, et le revenu sera divisé par le nombre de jours total, y compris les jours non travaillés. Le fait d’avoir eu des périodes de chômage, un creux entre deux CDD par exemple, sera très pénalisant.
La réforme prévoit qu’il faille désormais avoir travaillé 6 mois pour pouvoir recharger ses droits au chômage, et non plus 4 mois comme actuellement.La contrepartie, c’est un temps d’indemnisation légèrement allongé, qui ne bénéficierait qu’à ceux qui restent au chômage jusqu’à la fin de leurs droits.
C’est pour cela que cette réforme touche d’abord les salariés les plus précaires et les jeunes, selon une étude des députés socialistes.
Encore plus fort, la clémence du gouvernement a été orientée vers les plus aisés. Les personnes dont le salaire moyen était supérieur à 4500€ brut devaient voir leur allocation chômage baisser après 6 mois. Le dernier décret d’application de la loi, pris le 30 mars, leur a octroyé deux mois supplémentaires avant que la dégressivité ne s’applique.
Il existe d’autres mesures dans cette loi, censées être “sociales” et “de gauche”. Pour l’indemnisation des démissions, les critères pour en bénéficier sont tellement restrictifs que seule une toute petite minorité des démissionnaires en profite réellement, et c’est Ouest France qui nous le dit.
Autre exemple, un bonus-malus sur les cotisations patronales des entreprises, en fonction de leur taux d’utilisation des contrats courts, est mis en place. Mais cette mesure ne s’appliquera qu’en septembre 2022 et exclura les secteurs les plus utilisateurs de contrats précaires, comme l’hôtellerie-restauration. Il ne faudrait pas contrarier les patrons avant les élections.
2 – Quelle est la logique ?
« L’objectif de la réforme de l’assurance chômage, c’est de lutter contre la précarité de l’emploi en réduisant le recours excessif aux contrats courts. Ils ont explosé de 250% en 15 ans en France », expliquait Elizabeth Borne, ministre du travail, sur France Info le 16 juin. Sauf que c’est le gouvernement qui encourage les entreprises à utiliser ces contrats. Dans sa loi travail de 2017, il a introduit les contrats dit de « mission », qui sont des contrats qui s’arrêtent quand le salarié n’est plus utile à l’entreprise.
Venir pleurer sur l’explosion de la précarité quand on bosse pour le président qui a participé comme ministre et chef d’Etat à la loi El Khomri, à l’ubérisation et à la “loi travail”, c’est sacrément gonflé. Mais plus aucune malhonnêteté de nous étonne de la part de ces gens.
Cette réforme est d’abord faite pour faire faire des économies à l’assurance-chômage : plus de 2 milliards par an, selon les estimations de l’Unédic. Et ce sont les précaires, qui de toute façon ne votent pas Macron, qui vont payer, en basculant dans la grande pauvreté.
3 – Comment en est-on arrivé là ?
Il faut bien avoir en tête que l’assurance-chômage est depuis le début de son quinquennat la principale cible d’Emmanuel Macron. Mais toutes les évolutions clefs de cette attaque sociale sans précédent se sont passées dans l’indifférence générale.
L’assurance-chômage telle que nous la connaissons a été créée en 1958. Gérée par un organisme paritaire (y siègent syndicats de salariés et représentants du patronat) nommé Unédic, elle indemnise les chômeurs et elle est financée par les cotisations patronales et salariales. Jusqu’à l’automne 2017. Lors de la loi de financement de la Sécurité sociale pour l’année 2018, les cotisations salariales pour l’assurance-chômage ont été supprimées, remplacées par la fameuse CSG, un impôt que tout le monde paye, y compris celles et ceux qui n’ont plus besoin d’assurance-chômage : les retraités.
En 2018, la réforme de l’assurance chômage, dont les mesures qui s’appliquent en juillet prochain résultent, est votée l’été, dans la quasi indifférence. Elle s’appelait, sans rire, « Loi pour la Liberté de choisir son Avenir Professionnel ». Sa première mesure entrée en vigueur est la suivante : un chômeur peut maintenant se voir privé de son indemnité s’il refuse deux offres raisonnables d’emploi. Qu’est-ce qu’une offre raisonnable au juste ? Auparavant défini par des critères rationnels comme la distance, les compétences ou le niveau de salaire, une offre sera « raisonnable » quand elle sera définie comme telle par le conseiller Pôle emploi. « Allons Martine, soyez raisonnable, prenez ce temps partiel payé au SMIC à 50 bornes de chez vous. » Cette définition ne comporte plus le niveau de salaire : pas question que vous refusiez en raison de votre salaire antérieur.
Publié par http://canempechepasnicolas.over-blog.com