LE CHOIX DU CHÔMAGE DE MASSE DES JEUNES ET DE L’AUSTÉRITÉ PERPÉTUELLE... L’IMPÔT BAISSE POUR LES PATRONS (MOINS 9 MILLIARDS EN PLUS DES 40 MILLIARDS DU CICE), LA DOTATION DES COLLECTIVITÉS LOCALES EST AMPUTÉ DE 10,7 MILLIARDS
Le budget 2016 fait l’impasse sur la lutte contre le chômage
Médiapart - PAR DAN ISRAEL (EXTRAITS)
(...) la baisse des dépenses publiques, le « sérieux budgétaire » pour ne pas dire l’austérité, est privilégié par rapport à une lutte rapide contre le chômage.
C’est le prix à payer pour que « dans l’Union européenne et face à la Commission, la France parle beaucoup plus fort, et pèse beaucoup plus », a souligné le ministre des finances, « car les engagements sont tenus ». L’État, donc, va continuer à tailler dans les crédits de fonctionnement. Ses seules priorités sont la sécurité, la justice, l’éducation et dans une moindre mesure la culture.
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« Nous sommes dans une logique de réduction des déficits par la baisse de la dépense publique, et cela provoque un frein indéniable sur la croissance, souligne Éric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques). Et il y a mécaniquement un effet sur l’emploi, le chômage ne pouvant pas se résorber si la croissance est faible. »
D’autant que les conditions sont toujours réunies pour que les choix du gouvernement aient un effet récessif puissant :
« Lorsque vous réduisez la dépense publique, plus vous êtes en présence d’un chômage de masse, et plus vos voisins suivent la même politique d’austérité que vous, plus l’effet est fort. Et la France est encore dans cette situation, même si de façon moins intense qu’il y a deux ans. »
(...) Mais les conséquences des coupes budgétaires décidées pourraient être plus marquées encore, car les modèles économiques de l’OFCE, mais aussi de l’OCDE ou du FMI, montrent que lorsque ce sont les dépenses d’investissement qui sont coupées, l’effet est encore plus fort.
Or, le gouvernement va justement contraindre les collectivités locales à renoncer à pas moins de 3,5 milliards d’euros pour 2016.
La dotation globale de fonctionnement (DGF) sera réduite de 10,7 milliards sur trois ans, et en même temps refondue pour éviter des disparités entre communes.
« Chacun connaît les marges d’économie : elles sont sur les dépenses de fonctionnement », assure tranquillement Michel Sapin. Mais les collectivités locales jurent qu’avec ces baisses massives de recettes, elles n’auront pas d’autre choix que de couper l’investissement public.
« Les efforts d’optimisation ont déjà été faits. Les services généraux ne représentent que 6 % des dépenses régionales, plaide l’association des Régions de France. Aller plus loin, c’est priver les PME et les ETI [entreprises de moins de 5 000 salariés – ndlr] d’aides nécessaires alors qu’elles sont les seules à produire de la croissance et à créer de l’emploi. »
En effet, le CICE, ainsi que le pacte de compétitivité, avec leurs 40 milliards d’allégements de charges sur les entreprises, sont au cœur de l’argumentaire de l’État lorsqu’il s’agit de démontrer qu’il est à l’écoute des entreprises et de leurs besoins, condition nécessaire pour qu’elles embauchent.
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Un tout récent rapport de France Stratégie, l’organisme chargé de rendre compte de ses effets, y a d’ailleurs renoncé. À l’été 2014, Valérie Rabault, la députée socialiste rapporteure générale du budget, avait estimé dans un rapport cinglant que les mesures de financement de ce dispositif devaient « entraîner la suppression de 250 000 emplois à l’horizon 2017 »… alors que le gouvernement attendait que le CICE en crée 190 000. Même pas de quoi compenser les pertes liées à son financement, donc.
JEUNES SACRIFIÉS
(...) Quant aux créations d’emploi, elles ont repris, assure le gouvernement : 60 000 créations dans le secteur privé sont attendues pour 2015. Et 130 000 pour 2016. Des prévisions validées par le Haut Conseil aux finances publiques. Une bonne nouvelle ? Bien sûr, mais…
Compte tenu du nombre de jeunes arrivant chaque année sur le marché du travail (800 000) et de retraités le quittant (650 000), il faut au moins 150 000 créations d’emploi chaque année pour que le chômage n’augmente pas. On est donc encore loin d’une amélioration. Et le sort des chômeurs ne risque pas de s’améliorer : le gouvernement attend que les partenaires sociaux renégocient dans les prochains mois la convention de l’assurance chômage, et qu’ils se mettent d’accord pour économiser 800 millions d’euros par an supplémentaires.
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LES ÉCHOS
Budget 2016 : les impôts baissent pour les entreprises, pas pour les ménages
Les charges des entreprises refluent de 9 milliards dans le projet de loi de Finances 2016. L’impôt sur le revenu baisse aussi, mais d’autres taxes augmentent.
Le projet de loi de Finances pour 2016 tient au moins une promesse : avec seulement 23 articles fiscaux (pour la plupart assez techniques), contre une quarantaine pour ceux du début du quinquennat, il marque enfin la « pause fiscale » promise par François Hollande. Qualifié par Michel Sapin de « budget des engagements tenus », le texte présenté mercredi en Conseil des ministres confirme dans ses grandes lignes le pacte de responsabilité et de solidarité, malgré quelques ajustements.
« Nous baissons à nouveau les prélèvements sur les entreprises de 9 milliards d’euros en 2016. Nous effaçons ainsi les hausses de ces dernières années », s’est félicité le ministre des Finances. Sur la période de 2014 à 2016, les prélèvements sur les entreprises diminueront de 33 milliards d’euros au total. « Comme nous les avions augmentés de 18 milliards en 2012 et 2013, nous aurons rendu au total 15 milliards aux entreprises », souligne-t-on dans l’entourage du ministre.
L’exécutif est passé outre les revendications d’une bonne partie de la gauche, qui réclamait à cor et à cri une réorientation du pacte vers les ménages et les collectivités locales. La surtaxe d’impôt sur les sociétés, adoptée par le gouvernement Fillon en pleine crise, disparaîtra comme prévu en 2016.
Cela représente un allégement de 2,5 milliards d’euros. Les autres mesures, présentées dans le budget de la Sécurité sociale , se montent à 5 milliards, dont plus de 4 milliards pour les baisses de cotisations sociales jusqu’à 3,5 SMIC et 1 milliard pour la C3S, un impôt sur le chiffre d’affaires qui finance le RSI. La montée en charge du crédit d’impôt compétitivité (Cice) se traduira par une baisse supplémentaire de la fiscalité de 1 milliard en 2016. Seul gros bémol, qui exaspère le Medef, les allégements de charges prendront effet au 1er avril seulement, au lieu du 1er janvier, de façon à économiser 1 milliard. Cette somme servira à financer les mesures annoncées en faveur des entreprises dans le cours de l’année, comme le suramortissement ou l’aide aux TPE en faveur de l’embauche des apprentis.
Nouvelle baisse d’impôt
Quant au volet « solidarité » du pacte, il se concrétisera par une nouvelle baisse de l’impôt sur le revenu de 2,1 milliards d’euros à l’attention des classes moyennes. Comme annoncé, cette mesure bénéficiera à 8 millions de contribuables dont le salaire net est inférieur à 1.920 euros par mois (pour un célibataire) et 3.470 euros (pour un couple sans enfant). Le gain moyen par foyer est estimé à 252 euros.
Sur le plan technique, le gouvernement prévoit de jouer sur la décote, une formule qui retarde l’entrée dans l’impôt pour les foyers proches du seuil d’imposition. Sa pente sera légèrement moins brutale en 2016 : les premiers euros au-dessus du seuil d’imposition seront taxés à 24 % au lieu de 28 % (jusqu’au seuil maximum de la décote où le taux retombe à 14 %). Près de 500.000 foyers deviendront non imposables et 500.000 autres éviteront de le devenir. Cette mesure s’ajoute au geste fiscal de 3,2 milliards d’euros de l’an dernier pour constituer un volet total d’un peu plus de 5 milliards pour les ménages.
Contrairement aux entreprises, les particuliers n’auront pas, loin de là, retrouvé le niveau de prélèvement du début du quinquennat. La fiscalité pour les ménages a augmenté de 18 milliards d’euros dans les trois précédents projets de loi de Finances pour 2013 à 2015. Et l’impôt est plus concentré, puisque la part des foyers imposables devrait retomber à 46 %.
Niveau élevé du taux de prélèvements obligatoires
En outre, les prélèvements globaux sur les ménages ne baisseront pas en 2016, car de nombreuses mesures des années passées montent encore en charge. C’est le cas de la taxe carbone ou de l’augmentation de la contribution au service public de l’électricité (CSPE). Et la hausse des cotisations retraite continuera à peser sur les entreprises et les salariés en 2016. Au total, le taux de prélèvements obligatoires se maintiendra ainsi à un niveau élevé de 44,5 % du PIB 2016 (– 0,1 point).
Bercy se serait bien passé, enfin, de la polémique liée à la surtaxe sur le foncier non bâti , qui s’est traduit par une explosion de la taxe foncière pour certains propriétaires. Un symbole qui a suffi à ternir le tableau de « pause fiscale » qu’a voulu soigner mercredi l’exécutif.