Un jour important pour les coopérateurs : leurs produits enfin dans les grandes surfaces. photo la marseillaise L'utilisation de l'article, la reproduction, la diffusion est interdite - LMRS - (c) Copyright Journal La Marseillaise
La production des coopérateurs sur les rayons du magasin Auchan d’Aubagne a fait l’objet d’un lancement en présence de Martine Pinville, secrétaire d'État chargée du commerce.
Dire qu’elles et ils en ont les larmes aux yeux n’est pas une phrase toute prête pour la presse people. « Mais c’est vrai, la joie, la fierté et l’émotion sont bien au rendez-vous », dit Gérard Cazorla, président de la Scop-TI. Qu’il nous pardonne d’employer ce terme qu’il n’affectionne guère, « mais il a bien fallu, pour l’administration, qu’on nous colle une étiquette, n’est-ce pas ? », s’excuse-t-il presque. Les larmes, celles qui perlaient aux yeux de Raymonde, Mireille ou François, à la vue de leur production d’infusions enfin exposée sur les rayons du magasin Auchan d’Aubagne. Pas n’importe quel endroit mais dans un lieu stratégique où tout le monde passe forcément. Une vraie fête, en présence de Martine Pinville, secrétaire d'État chargée du commerce, qui a auparavant effectué une visite de l’usine définitivement rendue à leurs vrais propriétaires : ceux qui n’ont pas cédé, après 1 336 jours de lutte aux menaces d’un des plus grands groupes agro-alimentaires mondiaux.
« Toute une histoire, ce magasin, dit Raymonde en tapant sur l’épaule de l’un de ses camarades de lutte. Tu te rappelles quand nous leur faisions une visite surprise pour débarrasser tous les rayons des produits Unilever et particulièrement de ce thé Lipton qui nous sortait par les yeux ? »
Oui, tout le monde, parmi les ex-salariés de Fralib qui ont tenu à aller jusqu’au bout de cette aventure, se souvient de ce ballet incessant de caddies poussés par de drôles de clients qui n’achetaient rien, ne cassaient rien non plus, et s’excusaient du dérangement qu’ils causaient au personnel. « C’est vrai, reconnaissait Gérard Cazorla en s’adressant à Richard Peron, le directeur du magasin, on vous a bien embêtés. Mais il n’y avait rien contre vous ni contre les salariés de votre grande surface et vous avez su le comprendre. » Richard Peron sourit devant les chaînes de télévision à l’évocation de ces moments épiques. « Il y a eu certes des heures difficiles mais nous avons fini par nous connaître, à établir de véritables relations d’êtres humains. Et aujourd’hui, nous sommes heureux de contribuer à notre manière au développement de cette entreprise et à la défense de l’emploi régional. »
Outre le Auchan d’Aubagne, ce sont désormais tous ceux de la même enseigne des Bouches-du-Rhône, mais aussi le Carrefour de La Ciotat, où les salariés se sont rendus dans l’après-midi d’hier, qui sont désormais alimentés des infusions Scop-TI et 1336. Mais qui aurait pu croire en un telle issue heureuse, malgré tout le chemin qu’il reste encore à parcourir ? Plus de quatre ans auparavant, Gérard Cazorla affirmait à qui voulait bien l’entendre en ces temps-là, qu’il avait « la conviction que le projet qui germait dans la tête des salariés aboutirait ». Qu’on ne pouvait laisser ainsi une multinationale décider du sort de femmes et d’hommes sans résister et montrer que les vrais producteurs de richesse, les authentiques partisans d’une production de qualité, ce sont celles et ceux qui connaissent leurs machines sur le bout des doigts, qui savent ce que l’on peut en tirer de mieux, dans le respect des agriculteurs et des consommateurs.
C’est cette force et cette conviction qui ont été fêtées vendredi 25 septemre, avec les amis et soutiens de toujours. Ceux du Front de gauche, comme Jean-Marc Coppola (PCF) ou Jacques Lerichomme (Ensemble !). Ou encore Sophie Camard d’Europe Écologie-les Verts ou Christophe Castaner (PS). Autour de la secrétaire d'État chargée également de l’Économie sociale et solidaire, qui affirmait que « l’appui du commissariat au redressement productif, son accompagnement ont contribué à cette victoire ».
Et Martine Pinville de se féliciter du rayonnement des coopératives dans ce pays. « C’est un autre modèle économique qui nécessite une mobilisation très forte de ses acteurs et d’outils de financement. Pour ma part, je veux favoriser ce mouvement. »
Gérard Cazorla et ses camarades ne demandent bien sûr que cela. Conscients que le modèle qu’ils ont choisi est une garantie de sauvegarde des emplois. « 600 000 potentiels », confirme Martine Pinville qui dit regretter qu’il ait fallu « autant de temps pour en arriver là ».
Dès aujourd’hui, celles et ceux de la Scop-TI, forts d’un département commercial bien structuré, s’en vont à la conquête des autres départements et régions du pays. Mais d’ores et déjà, leur production est sur les tables de l’Elysée et du ministère des Finances.
Gérard Lanux