/image%2F0946080%2F20210223%2Fob_c3bf32_amazon-droits.png)
SOURCE : La Croix
Un référendum sur la création d’un syndicat au sein d’un entrepôt de l’Alabama est en cours.
Très suivi, il pourrait avoir des conséquences importantes pour le géant de l’e-commerce, en plein essor.
N ew York (États-Unis)
De notre correspondant
Une petite révolution est en cours dans l’entrepôt d’Amazon à Bessemer (Alabama). Jusqu’au 29 mars, les 5 805 employés de cet immense centre de distribution sont invités à se prononcer par référendum sur la formation d’un syndicat – passage obligé pour montrer à l’entreprise et à l’agence fédérale chargée du droit du travail que la majorité des employés en veulent.
S’il voit le jour, ce syndicat serait le premier au sein du géant américain du commerce en ligne, épinglé depuis le début de la pandémie pour le mauvais traitement de ses employés, alors que ses ventes et ses profits ont explosé.
Conscient du symbole, Stuart Appelbaum, président du syndicat des travailleurs de la distribution RWDSU (Retail, Wholesale and Department Store Union), qui pilote cet effort de syndicalisation très suivi, a mis le paquet. De nombreux membres de son syndicat sont sur place pour faire campagne. La plupart, issus de l’industrie aviaire locale, se sont dégagé du temps pour ce combat.
« C’est la plus grande campagne depuis notre création en 1937, souligne Stuart Appelbaum. Tous les employés d’Amazon dans le pays nous regardent. Si nous arrivons à créer ce syndicat, cela provoquera une onde de choc. D’autres employés vont vouloir se regrouper à leur tour pour demander de meilleures conditions de travail. Ils comprennent qu’Amazon est en train de transformer l’économie et le monde du travail. » « Cela aurait un effet domino important, confirme Joshua Freeman, professeur d’histoire à Queens College (Université de New York) et spécialiste du syndicalisme. L’impact serait ressenti dans tout le secteur de la distribution. » Aux États-Unis, ce dernier est très peu syndiqué. Seuls 4,6 % des travailleurs l’étaient en 2020, soit 14,6 millions de personnes.
Ouvert en mars 2020 pour faire face à l’explosion des commandes en ligne à l’aube de la pandémie, le centre de Bessemer a été érigé en symbole des abus d’Amazon. Ses employés se plaignent de conditions de travail déshumanisantes et se disent surveillés par la direction, au point d’hésiter à aller aux toilettes pour remplir leurs objectifs de productivité très élevés.
« Un robot leur assigne leurs missions. Ils sont punis par application et licenciés par SMS, en plus d’être sous surveillance constante. Le stress est insoutenable », énumère Stuart Appelbaum, dont le syndicat a été contacté en toute discrétion par des employés de Bessemer souhaitant de l’aide l’été dernier. Ce n’est pas la première fois que des employés d’Amazon tentent de former un syndicat. En 2014, un petit groupe de techniciens dans le Maryland avait tenté de lancer le sien, en vain. Fin mars 2020, un mouvement de grève a éclaté dans un entrepôt de l’île new-yorkaise de Staten Island autour du manque de protection sanitaire en plein Covid-19.
Le leader de l’action, favorable à la création d’un syndicat pour l’entrepôt, a été licencié dans la foulée pour non-respect des règles de distanciation sociale. Une décision qui vaut en partie à Amazon d’être poursuivi, depuis le 17 février, par l’État de New York.
Pendant l’été, les employés d’Amazon ont subi un nouveau coup dur : la fin de la prime de risque de 2 dollars (1,65 euro) de l’heure instituée en début d’année pour les encourager à venir au travail, alors que des décès liés aux Covid étaient rapportés dans les entrepôts.
Amazon a indiqué que le mouvement de grogne à Bessemer, ville avec une longue tradition syndicale, ne concernait qu’une minorité d’employés et a rappelé qu’ils sont payés plus de 15 dollars de l’heure (12,4 €), soit le double du salaire minimum en vigueur dans l’État de l’Alabama. Cela ne l’empêche pas de mener une intense campagne contre les instances de représentation du personnel, comme il est de coutume dans les grandes compagnies américaines inquiètes de voir leurs performances plombées.
Les employés de l’entrepôt sont bombardés de SMS les appelant à voter contre la syndicalisation. Des dépliants ont également fait leur chemin jusque dans les toilettes. Les membres de RWDSU accusent même Amazon d’avoir fait pression sur la ville pour accroître la durée du feu vert au carrefour où ils ont pris l’habitude de discuter avec les employés arrêtés au rouge...
Selon Stuart Appelbaum, l’accroissement de la fortune du PDG d’Amazon Jeff Bezos en lien avec la pandémie de Covid (+ 70 milliards de dollars – 58 milliards d’euros – depuis janvier 2020) a rendu l’opinion publique plus sensible au sort des travailleurs. Le mouvement antiraciste Black Lives Matter de l’été 2020 aussi. « 80 % des employés d’Amazon à Bessemer sont afro-américains, précise-t-il. Nous voyons ce combat comme une lutte pour les droits civiques. »
Publié par FSC