En 2010, le géant Unilever décide de délocaliser en Pologne sa production d’infusions de l’usine Fralib, à Gémenos, près de Marseille. Après 1336 jours de luttes, en 2014, un groupe de salariés parvient à reprendre l’entreprise en Scop. En dépit de difficultés, l’affaire tourne, privilégiant la qualité et les circuits courts.
Quatre ans et demi après la reprise, où en êtes-vous en termes d’activité ?
Olivier Leberquier : Nos adversaires de classe pensaient – et espéraient – que nous serions morts au bout de deux ou trois ans. Ce n’est pas le cas ! Nous sommes aujourd’hui 41 salariés, tous coopérateurs. L’activité progresse. En 2017, nous avons passé le cap des 3 millions d’euros de chiffre d’affaires. La progression a été plus modeste en 2018, mais de nouveaux contrats verront le jour en 2019. Nous avons développé une offre de services de production à des acteurs comme Super U, Leclerc ou Intermarché : cela représente 80 % de notre activité. Nous en avons besoin pour faire tourner l’entreprise.
Tous les experts de la distribution s’accordent à dire que le taux de pénétration sur le marché de notre gamme 1336 est exceptionnel. Cependant, c’est insuffisant pour être serein, car notre besoin de trésorerie se situe entre 1,5 million et 2 millions d’euros, et nous n’y sommes pas. Nous avons lancé une campagne de sociofinancement en juillet 2017 qui est toujours ouverte. Avec plus de 2 300 contributeurs, elle a recueilli 279 000 euros. Cela nous a permis, notamment, de financer la relance de la gamme et les nouvelles références. Je suis optimiste sur la pérennité de notre Scop. Nous devrions être bénéficiaires en 2020. Mais, à tout moment, la trésorerie peut manquer…
Les banques, notamment celles de l’ESS, vous soutiennent-elles ?
Le Crédit mutuel joue un peu plus le jeu que le Crédit coopératif. Entre ce que nous avions réussi à obtenir d’Unilever et le capital versé par les coopérateurs, nous arrivions à un total de 3 millions d’euros. En juillet 2014, cela n’a pas paru compliqué au Crédit coop’ de nous accueillir. En quelques minutes, l’argent était sur le compte ! Fin 2015, la trésorerie a fondu, notamment parce que des adaptations étaient nécessaires sur nos machines. Nous avions besoin de 400 000 euros de plus. Le conseiller de l’agence du Crédit coopératif a monté un dossier, mais les dirigeants régionaux ont mis fin au processus. Finalement, grâce à la garantie de la Banque publique d’investissement (BPI) et à un accord du Crédit mutuel pour 200 000 euros, le Crédit coopératif a fini par engager la même somme. Mais, quand on a essayé de les solliciter de nouveau en 2017, ils ont bloqué immédiatement. Au bout du compte, on constate que ce sont des technocrates obéissant uniquement à des règles financières.
La BPI pourrait aussi nous prêter de l’argent. Quand on voit que des millions d’euros partent pour l’EPR de Flamanville et qu’elle refuse quelques centaines de milliers d’euros à notre coopérative, on ne peut qu’être scandalisé !
Avez-vous d’autres partenaires, au-delà de la grande distribution ?