Crédit photos : France 3 Normandie
Mort de deux ouvriers en 2018 à Dieppe : une filiale du groupe Avril et son sous-traitant condamnés
Deux techniciens étaient tués dans une explosion en 2018 à Dieppe dans une usine appartenant à Saipol, filiale du géant de l’agro-alimentaire Avril dans le cadre d’une opération de maintenance. Sept ans après, le tribunal a condamné les deux entreprises impliquées responsable d’homicide involontaire et de manquements graves aux règles de sécurité.
Le tribunal a finalement rendu son jugement, sept ans après, sur les causes de l’explosion ayant tué Alexandre (25 ans) et Stéphane (43 ans) à Dieppe en 2018 dans une usine du groupe Saipol, filiale d’Avril une multinationale du secteur de l’agro-alimentaire et de la chimie. La responsabilité de la SNAD (Société Normande d’Assainissement et de dépollution) et de Saipol a été reconnue en début de semaine. Les deux entreprises sont coupables d’homicide involontaire avec circonstances aggravantes dû aux graves manquements aux règles de sécurités qui ont directement provoqué la mort des deux techniciens.
L’usine de Dieppe extrait de l’huile végétale des graines via un extracteur, sorte de « grosse boîte à chaussure de 300 mètres-cubes », pour récupérer autant d’huile que possible, l’entreprise utilise un procédé sur les résidus appelés « écailles » qui implique l’usage d’un solvant hautement explosif, l’hexane. C’est ce produit qui est à l’origine de l’explosion meurtrière survenue au cours d’une opération de nettoyage de ces résidus qui s’accumulent au fond de l’extracteur. La direction de Saipol, « pressée de reprendre la production » a fait « tout à l’envers » selon la CGT Seine Maritime, en privilégiant un procédé d’entretien qui exposait davantage les ouvriers pour aller plus rapidement. L’entreprise avait alors sous-traité à la SNAD qui avait envoyé les deux techniciens décédés sur l’opération.
Au mépris de toutes les règles de sécurité pour reprendre la production au plus vite
« On est dans le contexte typique de la sous-traitance. Le donneur d’ordre demande quelque chose, à faire en urgence, et la société qui veut obtenir le contrat accepte. Mais là, ce n’est pas un, mais quinze feux rouges qui ont été grillés. »
Le plan de prévention des risques avait été signé à la hâte, aucune analyse commune des risques ou d’inspection préalable n’avait été faite, dans l’empressement à reprendre la production la direction de Saipol a signé le permis pour faire pénétrer dans l’extracteur l’un des techniciens sans que celui-ci n’ait eu de formation, pourtant obligatoire pour évoluer dans un milieu dangereux empreint d’un produit explosif ou de matériel adapté, allant jusqu’à ignorer les alarmes des appareils censées prévenir ce type de situation.
« Alors que les explosimètres ont sonné, les salariés n’ont pas été évacués … l’autorisation de pénétrer dans l’extracteur n’aurait jamais dû être donnée » a déclaré la substitut du procureur lors du procès.
« Il y a eu deux morts mais le bilan aurait pu être bien plus lourd »
Selon le représentant de la CGT Seine Maritime Gérard Le Corre, neuf personnes travaillaient avant l’explosion autour de l’extracteur, sept sont partis en pause mais les deux sous-traitants sont restés travailler avant de mourir brûlés vifs soufflés par la déflagration. Ce n’est pas le seul exemple d’accident industriel dans ce type d’infrastructure, ce n’est même pas le seul exemple d’accident dans les usines de Saipol, en 2020 près de Rouen sur le site de Grand-Couronne un incendie n’a fait par chance aucune victime dû au changement d’équipe mais [en avril 2024→https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/04/10/dans-l-herault-une-explosion-dans-une-usine-classee-seveso-fait-un-blesse-grave_6227094_3244.html] sur une autre usine du groupe dans l’Hérault un ouvrier a été gravement blessé après une explosion avant d’être héliporté en urgence.
« Aujourd’hui encore, des travailleurs, censées vivre de leur travail, en meurent »
Saipol est une filiale d’Avril, géant non seulement de l’agro-alimentaire mais aussi de la production de bio-carburant dont le président du conseil d’administration est Aurélien Rousseau, secrétaire nationale de la FNSEA, syndicat agricole connu pour ses positions pro agro-industrie. Le poids lourd du secteur qui engrangeait en 2023 8 Milliards d’euros de chiffre d’affaires avec des activités à l’international se vante sur son site d’être une « great place to work » malgré la mise en danger des salariés et les manquements répétés aux règles de sécurité sur les sites de sa filiale Saipol. Face au jugement, l’entreprise qui se déclare comme étant bouleversée par l’accident évite soigneusement de déclarer si elle fera appel ou non devant les journalistes. L’amende de 250 000 euros ne représente que 0,3 % du bénéfice annuel de Saipol.
Publié par REVOLUTION PERMANENTE