Knorr, Omo, Omo Matic, Surf et Zed ne seront plus fabriqués au Maroc, mais vont être importés d’un autre pays, certainement l’Egypte. Unilever a prévu de fermer en juin prochain ses deux usines marocaines qui produisent ses marques pour se recentrer sur leur distribution. Les détails.
Les détergents Omo, Omo Matic, Surf, Zed, ne disparaîtront pas du marché marocain. Mais ils ne seront plus fabriqués au Maroc. Unilever, le géant mondial de l’agro-industrie fermera en juin prochain son usine de fabrication de ses marques dans le Royaume. L’unité industrielle, basée Ain Sebaa et qui produisait en 2010 encore jusqu’à 300 tonnes de détergent par jour, sera démontée et transférée dans un autre pays. En cause : la réduction des droits de douane, voire leur abolition dans certains cas (nombreux accords de libre-échange signés par le Royaume), qui rendent l’importation plus compétitive que la production locale avec ses coûts jugés élevés mais aussi le manque d’anticipation des dynamiques du marché local, …sans doute dicté par les mots d’ordre standardisation et globalisation.
Fermeture de l’usine « Knorr » » malgré le succès de la marque
Mais contrairement à ce segment, celui des bouillons se porte bien sur le marché marocain où la marque « Knorr » de la multinationale est appréciée et continue à bénéficier d’une forte notoriété en dépit de l’arrivée de la concurrence. Knorr reste le nom générique utilisé par la ménagère et le commerçant pour désigner le bouillon.
Malgré tout, si la marque symbolise ce produit utilisé comme condiment, Unilever prévoit également de fermer, en juin prochain, l’usine « Knorr » spécialisée dans la production de bouillon. Contacté par Challenge, Unilever Afrique du Nord, Levant et Irak, dont relève Unilever Maghreb basé à Casablanca, n’a ni confirmé, ni infirmé la fermeture de ses deux usines marocaines en juin.
D’ici là, le groupe anglo-néerlandais espère tout de même trouver un acquéreur local de cette unité de fabrication, qui va prendre en main la gestion de l’usine et continuer à produire exclusivement pour Unilever sa marque « Knorr ». Même s’il n’y a encore rien de concret en ce sens, le groupe Damandis de la famille Raji serait intéressé pour reprendre la ligne de production. Car le groupe dirigé par Hamid Raji, spécialisé dans la distribution des produits de grande consommation, et Unilever se connaissent bien. Pour rappel, après la cession à l’échelle mondiale en 2018 par Unilever de sa marque Alsa, spécialisée dans la fabrication de produits d’aides à la pâtisserie au groupe multinational alimentaire allemand Dr. Oetker, ce dernier, tout en conservant la marque, avait à son tour cédé l’usine Alsa à la famille Raji.
Il faut dire qu’en abandonnant ses usines marocaines, le groupe Unilever veut se recentrer sur la distribution. Et c’est sa méga-usine en Egypte, siège d’Unilever Afrique du Nord, Levant et Irak, qui devrait approvisionner le marché marocain.
En mars 2023 déjà, la multinationale anglo-néerlandaise de produits de grande consommation, a nommé à la tête de sa filiale maghrébine, basée à Casablanca, le Marocain Sidi Mohamed Dinia en remplacement du Tunisien Baligh Ghedira. Depuis Unilever Maghreb, dirigée depuis près trente ans par des étrangers, est désormais pilotée par un management marocain.
Une tendance qui n’est pas nouvelle
Unilever n’est pas la seule multinationale à tourner le dos à la production pour se concentrer sur la distribution et le marketing. Le cas de l’américain Procter & Gamble (P&G) a particulièrement retenu l’attention. En 2020, soit six ans après avoir mis fin à la production des couches pour bébé de son usine de Mohammedia (qui tournait bon an mal an à quelques 200 millions de pièces par an) et vendu, dans la foulée, son activité de fabrication de l’eau de javel sous marque ACE à l’italien Fater Group, le géant de Cincinnati (Etat de l’Ohio aux Etats-Unis) s’est délesté encore une fois d’une partie de sa production résiduelle au Maroc, à savoir celle des détergents en poudre. Et cette fois-ci, et contrairement à l’eau de javel, c’est vers son partenaire historique local de distribution Dislog présidé par Moncef Belkhayat, que P&G s’est tourné, pour lui transférer la fabrication de la poudre lavante de marque Tide dans le cadre d’un contrat de fabrication sous licence. L’italien Fater finira à son tour par céder son unité de production d’eau de Javel à la holding de la famille Belkhayat.
Cette tendance n’est pas nouvelle. Elle a commencé avec la globalisation qui a poussé les multinationales spécialisées dans la grande consommation, toujours en quête de profitabilité, à faire des choix stratégiques. Ce qui n’est pas sans obliger ces firmes étrangères à revoir leurs implantations et surtout leurs régimes de production en fonction des nouvelles données tarifaires induites par les nombreux accords de libre-échange signés par le Royaume. Ainsi, sur le terrain, la compétitivité du Maroc et le coût de production dans le pays subissent un benchmarking élargi à l’ensemble des pays concernés par ces accords. Il faut dire que la réduction des droits de douane, voire leur suppression dans certains cas, rendent l’importation plus compétitive que la production locale. Par ricochet, plusieurs firmes étrangères révisent leurs stratégies de production. Elles abandonnent parfois des lignes de production, réduisent l’activité industrielle et se recentrent sur un nombre réduit de produits. Il arrive même qu’elles se transforment en un simple hub de distribution. Tel est le cas actuellement de L’Oréal Maroc (anciennement UFCI), Johnson & Johnson, Beiersdorf (Nivea) au Maroc.
Les multinationales bousculées par les industriels locaux
Mais, ces dernières années également, une nouvelle tendance s’est amorcée : les industriels marocains gagnent de plus en plus de parts de marché sur le marché national au détriment des multinationales. Aujourd’hui, les exemples d’entreprises industrielles marocaines du secteur de la grande consommation qui réussissent à tailler des croupières aux multinationales internationales, sont nombreux. On les voit ainsi dans plusieurs secteurs, notamment la production de lait et dérivés laitiers, de détergents, de couches bébé, de biscuits, produits cosmétiques, … Le 19 mars dernier, Mutandis, présidé par Adil Douiri, a inauguré à Berrechid un nouveau complexe industriel, qui a mobilisé un investissement de 285 millions de DH et qui comprend des unités de production de la détergence liquide, de produits cosmétiques et de boissons. L’ancien ministre du Tourisme n’y est pas allé par quatre chemins pour assurer, lors de l’événement, que son entreprise est capable d’offrir ces produits avec la même qualité des multinationales, mais à des prix 15 à 30% moins chers.
Mais aujourd’hui, Casablanca est concurrencée par Dubaï et Le Caire. Outre leurs filiales européennes, les multinationales font provenir leurs importations de ces deux pays. « Comparé à l’Egypte et Dubaï, notre fiscalité n’est pas attrayante aux yeux des géants mondiaux spécialisés dans la grande consommation. Beaucoup de leurs sièges qui étaient à Casablanca ont déménagé ces dernières années à Le Caire ou à Dubaï. Rien n’empêche au Maroc d’instaurer un statut fiscal particulier à la fois pour ces firmes et les sociétés marocaines exportatrices. En attendant, espérons que d’ici là le CFC renverse la tendance. Dubaï où aujourd’hui, toutes les publicités de ces multinationales concernant même le marché marocain sont réalisées, par exemple, dispose d’une zone pratiquement défiscalisée », explique un expert.
Publié par www.challenge.ma