Crédits photo : Jean Géry Godeaux
Mise en danger des salariés : 20 travailleurs de la maintenance assignent la RATP aux Prud’hommes
L’entreprise de transport francilienne a laissé ses employés travailler au milieu des vapeurs toxiques en toute connaissance de cause, dénoncent des travailleurs de la RATP. Une situation scandaleuse, dans un contexte de privatisation, qui illustre tout à fait l’incompatibilité entre logiques capitalistes et santé des travailleurs.
En 2020, en pleine pandémie de covid-19, des représentants du personnel CGT RATP s’intéressent à la circulation de l’air sur leurs lieux de travail. Il se rendent alors compte que les systèmes de ventilation de la quasi-totalité des sites de maintenance sont défectueux, voir complètement hors service. Le débit d’air est bien en deçà du seuil légal. Pire, ils l’apprennent par des rapports du Laboratoire Essai et Mesures (LEM) que la RATP avait en main. Donc l’entreprise savait, mais n’a pas agi et encore moins informé ses employés.
Dans les 25 ateliers de centre bus, des équipes se relaient jour et nuit autour d’une grosse vingtaine de zones de travail. La plupart des taches de maintenance se font à moteur tournant. Évidemment, on y sent le gaz d’échappement, mais ce n’est pas tout. Se mélangent et se respirent aussi des fumées de soudage, des vapeurs de colles, d’aérosols, d’ammoniaque, etc... Les salariés rentrent chez eux le soir avec des maux de tête.
Les mainteneurs n’ont pas attendu les expertises pour le savoir : « Notre espérance de vie n’est pas la même que dans les bureaux », rappelle Faouzi, syndiqué à la CGT. « Un cadre c’est plus de 80 ans d’espérance de vie, nous c’est 70 » ajoute-t-il. Deux de ses collègues sont d’ailleurs décédés. Ils étaient en maladie longue durée. Dans ce contexte, les affiches conseillant de ne pas trop utiliser les moteurs - que l’entreprise a fait poser - paraissent plus que dérisoires.
Presque 4 ans après les premières découvertes, la CGT n’a pas ménagé ses efforts. Une expertise indépendante, demandée par le CSSCT (où siègent les représentants du personnel), a démontré l’existence de risques graves et chimiques. Le 2 mars dernier, au dépôt d’Ivry, les salariés ont exercé leur droit de retrait. Après les mises en demeure de l’inspection du travail, la RATP a fini par écoper d’une amende de 120 000€ pour la non mise aux normes de son site de Championnet. Malgré cela, le sujet n’avance pas et seul le centre bus d’Aubervilliers a vu son système de ventilation être refait.
L’entreprise de transport est en plein processus d’ouverture à la concurrence. Avec le découpage des dépôts en plusieurs « lots » et des appels d’offres échelonnés jusqu’en 2026, la direction veut se montrer économe. C’est ce qui explique le non-investissement dans la sécurité des salariés, mais aussi la réduction de 40% des effectifs de la maintenance des bus en 10 ans, ou les salaires au rabais des nouveaux embauchés. Le salaire de Jean Castex, ancien premier ministre et actuel directeur de la RATP, s’élève quant à lui à 450 000€/ an. Encore une fois, des logiques marchandes qui ne profitent qu’à une minorité passent avant les intérêts des salariés et des usagers.
C’est cette injustice qui a convaincu une vingtaine d’agents de maintenance d’assigner la RATP aux Prud’hommes pour « préjudice d’anxiété ». L’idée pour la CGT est de généraliser le dépôt de dossier et elle appelle tous les travailleurs qui le souhaiteraient à la contacter. Un millier d’agents de maintenance sont concernés, sans compter les retraités. « Ce sont des dossiers individuels, mais il faut les amener collectivement, pour pouvoir faire face à la pression du patron » nous explique Faouzi. Dans cette logique d’action collective, un rassemblement est appelé pour le lundi 6 mai contre la casse du service public.
Le jugement aux Prud’hommes aura lieu en juillet, en même temps qu’un événement où le transport de personnes joue un rôle central : les Jeux Olympiques. Entre le combat pour les salaires et le combat pour la sécurité, les salariés de la RATP et d’ailleurs auraient tout intérêt à s’appuyer sur ce moment clef pour faire valoir leurs droits, par la grève et le blocage. Des préavis ont d’ores et déjà été déposés.
Publié par REVOLUTION PERMANENTE