En plein procès France Télécom, 265 employés seront mis à la porte, et ce alors que l’entreprise conclut des accords avec des groupes ultra-côtés comme Amazon ou Naturalia en s’appuyant sur les faveurs des banques.
L’entreprise lyonnaise, leader de la livraison à domicile de produits surgelés, annonce la suppression de 265 postes sur 2 300, soit 10 % de ses effectifs. La direction a proposé un « accord de performances collectives » sous forme de coupon-réponse, lequel, si la case « refus » est cochée, les informe que le « licenciement pour faute réelle et sérieuse pourra être envisagé ».
Toupargel est placé en « procédure de sauvegarde » par sa direction depuis fin janvier. Un plan de redressement du groupe, qui doit être présenté devant le tribunal de commerce de Lyon en juillet, prévoit une « transformation de fond » qui va se répercuter comme à l’accoutumée sur les salariés, dont 10 % seront licenciés. Après la publication des chiffres en 2018, l’entreprise de 2300 salariés affiche une perte de résultats de 11 % par rapport à l’année précédente, soit 25,3 millions d’euros. Alors qu’il dispose de 5 centres, le groupe ferme aujourd’hui la plateforme de Civrieux d’Azergues en la réduisant à un service d’approvisionnement, tout en recentrant l’activité de distribution sur 3 autres plateformes (Argentan, Montauban, Chalon) pour faire face à la concurrence. Ce seront donc 265 employés mis à la porte, et ce alors que l’entreprise conclut des accords avec des groupes ultra-côtés comme Amazon ou Naturalia en s’appuyant sur les faveurs des banques. Et les salariés ont eu ainsi droit à de nouvelles méthodes, aussi fulgurantes que la baisse du chiffre d’affaire : le licenciement par coupon-réponse. Discipline brutale du marché du travail, ce cas met en lumière le but de tout capitaliste : faire du profit, au mépris de la qualité de la production et des conditions de travail.
Ce plan social, froidement nommé « Oxygène 2020 », vise à accroître le chiffre d’affaire en préparant une réduction de 10 millions des coûts de structure tout en s’engageant à hauteur de 20 millions d’euros auprès des actionnaires pour préparer la concurrence sur de nouveaux marchés. Toupargel, fondé en 1947, est resté spécialisé dans la vente directe par téléphone et compte aujourd’hui 42 centres d’appels, avec 1 000 conseillers téléprospecteurs et télévendeurs. Un choix que la famille Tchenio, à l’origine du développement de la firme, justifiait en 2012 :« Les gens adorent être appelés chez eux. Il n’est pas question de remettre en cause notre modèle de vente qui a permis de développer une réelle proximité avec nos clients. » Mais face à l’inadaptation de ce modèle, la direction constatant que la vente par téléphone baisse de 10 % se tourne avec ce plan vers le web, lui en augmentation de 36 %, en en profitant pour licencier.
Le groupe est devenu leader en France de la livraison à domicile de surgelés depuis 2003 grâce au rachat d’Agrigel. Profitant des communes où il y avait peu de commerce de proximité (généralement avec moins de 10 000 habitants), l’entreprise a misé sur une population rurale et plutôt âgée. Face au déclin graduel de son chiffre d’affaires, il se dédie en 2009 à la vente de produits d’épicerie et d’hygiène et met en place un service internet pour fidéliser, selon le modèle dit « omnicanal » qui vise à coordonner tous les canaux de diffusion. 95 % des bénéfices étant toujours liés aux surgelés car n’étant pas en capacité de concurrencer des groupes comme Picard dans les grandes villes qui se sont élargis à la grande distribution, la direction de Toupargel a continué ses opérations individuelles avec les ventes à domicile, via les téléphones, les centres de relais et le site internet, tout en s’ouvrant à une clientèle plus large avec le bio, le halal, le casher, et divers types de régimes alimentaires, et en propageant des conseils nutrition bidons sur son site. Mais face au monopole sur la grande distribution, les recettes de ce genre de vente ne représentent que 12,7 % des volumes tout circuits confondus. Une nouvelle équipe de direction, placée en 2017, signe de nouveaux contrats avec La Vie Claire, Amazon ou Naturalia et sort 40 millions de chiffres d’affaires en 2018.
Mais cette mise en place a un coût, et dans un contexte où la concurrence sur internet s’est fortement accrue et la clientèle des services à domicile est en déclin dans les zones ciblées par Toupargel, le groupe se tourne vers de nouvelles techniques managériales avec des systèmes de référencement de compétences, des évaluations permanentes des employés et des cursus de formation en 22 jours. Cette politique, qui a impliqué de licencier jusqu’à 20 % des salariés selon les années, essentiellement dans la prospection de terrain, n’a fidélisé aujourd’hui que 700 000 foyers, comparé à 2014 où elle comptait 3 290 employés pour 1,2 millions de clients, et ce alors que les cotisations patronales décroissent d’année en année en défaveur de la politique sociale (depuis 1993 avec Balladur le montant de ces exonérations est passé de 2.6 milliards d’euros à 21,6 milliards d’euros, sans avoir pour autant créer de nouveaux postes de travail ou résorber le chômage).
Or pendant ce temps le quotidien des télévendeurs, téléprospecteurs, des manutentionnaires et des autres agents ne s’est pas amélioré : pauses de trois heures imposées qui cassent la journée, travail au froid et port de charges lourdes dans les entrepôts, des rythmes souvent difficiles à tenir et qui ont servi de prétexte de licenciements pour « inaptitudes ». Des accords de pénibilité avaient été signés en 2013, qui selon la CGT restent très en deçà du Code Du Travail, notamment sur les salaires très proches des minima conventionnels, et alors que Toupargel affiche des bénéfices énormes par rapport au nombre de salariés. « Nous allons avoir un parcours optimisé et personnalisé pour nos clients avec de nouvelles méthodes de recrutement », précise Jérôme Dalidet, l’actuel PDG du groupe. Mais la population a plutôt besoin de services qui soient adaptés à ses besoins, et non pas soumis aux caprices des patrons et des actionnaires, qui eux par contre n’ont pas à trembler pour leur loyer, leurs repas, leur famille et leur futur quand l’entreprise connaît des difficultés.
Publié par REVOLUTION PERMANENTE