Après un an d'hésitation, le géant des produits de grande consommation a décidé d'établir son siège à Rotterdam, plutôt qu'à Londres.

Shocking ! Le fabricant de la Marmite, la célèbre pâte à tartiner si prisée des Anglais, renonce à sa nationalité britannique. Après presque un an de réflexion, le géant anglo-néerlandais des produits de grande consommation dans l'alimentaire et l'hygiène a décidé mercredi de devenir 100 % néerlandais en renonçant à son siège de Londres pour ne conserver que celui de Rotterdam. La structure bicéphale du groupe, sous laquelle il opère depuis la fusion du néerlandais Margarine Unie et du britannique Lever Brothers en 1929, a vécu.

Jusqu'à présent, « Unilever était détenu par deux sociétés cotées séparément et opérant sur la base d'accords complexes, destinés à maintenir la parité entre les droits de ses actionnaires respectifs », rappelait le groupe jeudi.

Le géant de la cosmétique et de l'agroalimentaire, qui commercialise notamment les déodorants Axe, les soupes Knorr et les thés Lipton, avait non seulement deux sièges sociaux, mais aussi deux conseils d'administration - composés des mêmes membres. Jusqu'ici, l'organisation bicéphale n'avait été altérée qu'en 2005 : la structure du conseil avait alors été modifiée en optant pour un seul directeur général, contre deux auparavant.

Une double nationalité devenue un frein

Mais cette situation était devenue un handicap. Le groupe avait prévenu en avril dernier qu'il comptait se recentrer sur un seul siège social. « La double nationalité freine la force de frappe d'Unilever pour mener de grosses acquisitions », avait alors justifié Paul Polman, le directeur général. Même difficulté pour envisager des scissions d'activités, même si le groupe précise que rien n'est à l'ordre du jour. Il fallait donc renforcer et simplifier la structure : une seule entreprise faîtière sera conservée au lieu de deux.

 

Restait à décider lequel des deux sièges l'emporterait. « L'entreprise néerlandaise est un peu plus grosse que la britannique : elle représente environ 55 % du capital combiné et ses actions s'échangent avec une plus grande liquidité », a expliqué le directeur financier, Graeme Pitkethly, pour justifier le choix du groupe.

Peu d'incidence sur les effectifs

Mais d'autres facteurs ont sans doute pesé dans la balance. Echaudé par les avances de l'américain Kraft Heinz, qui a cherché à en prendre le contrôle de manière inamicale au début de l'an dernier, Unilever se met aussi davantage à l'abri de nouvelles OPA hostiles en optant pour la législation néerlandaise, réputée plus protectrice dans ce domaine.

S'alignant sur la situation britannique, La Haye a aussi annoncé, il y a quelques mois, l'abolition d'ici à 2020 de la fiscalité sur les dividendes. La nationalité néerlandaise du directeur général d'Unilever, tout comme le fait que le Premier ministre néerlandais Mark Rutte ait commencé sa carrière chez Unilever, ont peut-être aussi pesé en faveur des Pays-Bas.

Quel rôle a joué le Brexit ? « Cela n'a absolument pas joué », a assuré Graeme Pitkethly, alors que le gouvernement britannique répétait la phrase en boucle. Ce déménagement vers les Pays-Bas ne devrait avoir que peu d'incidence sur les effectifs employés par le groupe dans les deux pays (7.300 côté britannique, 3.100 côté néerlandais, sur un total de 169.000 salariés dans le monde). Et la multinationale conservera néanmoins ses trois cotations en Bourse : Amsterdam, Londres et New York.

Une déconvenue pour Theresa May

La fermeture du siège londonien d'une des plus grosses multinationales de la planète (53,7 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2017) est néanmoins une déconvenue pour la Première ministre Theresa May. Il est hautement symbolique, alors que le gouvernement se démène pour retenir au Royaume-Uni les entreprises qui pourraient être tentées de transférer des équipes à l'étranger devant les incertitudes liées au Brexit. Et il tombe au plus mauvais moment pour la Première ministre, alors que s'annoncent des négociations particulièrement difficiles avec Bruxelles sur les futures relations commerciales qu'entretiendront, post-Brexit, le Royaume-Uni et l'Union européenne.

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