A l'occasion du 70e anniversaire de la Sécurité Sociale, le Credoc vient de publier les résultats d’un sondage qu’il a mené à la demande de l’Institut Montparnasse, un « think tank » fondé par la MGEN et Terranova autre « think tank », sur « l’évolution du regard porté par les Français sur leur système de sécurité sociale ».
L’étude confirme que « Près d’un Français sur deux se dit préoccupé par la capacité du système de protection sociale à financer les retraites. La proportion a doublé en l’espace de vingt ans ». A regarder les effets des réformes successives, menées par les gouvernements successifs, cela ne surprend pas.
Mais surtout le Credoc constate que « (…) 47% [des sondés] estiment même que les pouvoirs publics doivent jouer un rôle plus important à l’avenir au sein du système de protection sociale ».
Après un tel matraquage médiatique, qu’autrefois on aurait appelé déferlement de propagande pour le libéralisme, voilà qui montre les capacités de résistance de la population à la mauvaise fois et au mensonge.
"Réformer mais sans tout bousculer", c’est un sous-titre de la note de synthèse publiée par le Credoc. Il est très révélateur d'un état d'esprit, très loin d'être "pro" voire "favorable" aux réformes. Car à force de subir les campagnes médiatiques qui martèlent l’idée qui faudrait réformer encore et toujours, que l’idée majoritaire soit de réformer juste un tout petit peu, mais en fait sans rien changer, se révèle être plutôt la marque d’une résistance aux réformes, que celle d’une adhésion.
Certes le Credoc reprend le constat que « Les déficits (13,2 milliards d’euros en 2014, et jusqu’à 22 milliards au plus fort de la crise en 2010) remettent chaque année la pertinence du modèle au cœur des débats », pour justifier l'idée qu'il faudrait des réformes.
Les personnes citant au moins une association d’idée positive – soins pour tous, mais aussi acquis social, protection pour les plus vulnérables, solidarité, modèle à suivre pour les autres pays - sont plus nombreuses (79%), que celles déplorant des inconvénients au système (54%) comme une certaine lourdeur bureaucratique, des dépenses et des impôts trop importants, ou des effets pervers de responsabilisation des individus ». Malgré les réformes destructices du système, les français ne le rejettent donc toujours pas, et ne veulent pas du privé.
« Loin de vouloir remettre en cause profondément les fondements du modèle français via un changement radical d’orientation (14%), ou à l’opposé de souhaiter le maintien du système en l’état (29%), la population semble plutôt attachée à un désir de réformes progressives (55%). Notons que le total entre ceux qui souhaitent un maintien du système en l'état, et ceux qui se résolvent — le fameux "désir" — à des réformes, mais à condition qu'elles soient progressive, le total est de 84% !
Le mot "désir" est à prendre avec des pincettes, car, plus loin, le Credoc confirme que « Réformer sans tout bousculer, c’est également ce qu’on peut comprendre des réponses aux questions portant sur le rôle de l’État ou d’autres acteurs : mutuelles, institutions de prévoyance, sociétés d’assurance. » Tout le monde l'aura compris, ce dont il est question n'a rien d'un "désir".
« Les interviewés rejettent l’idée que la prise en charge et la gestion des frais de santé puisse être considérée comme « une activité comme une autre » (18%).
Lorsqu’on évoque non plus seulement la sécurité sociale, mais la protection sociale dans son ensemble, 47% des Français affirment même qu’ils souhaiteraient que les organismes publics de protection sociale occupent une place plus importante. »
Rappelons que cette gestion est, depuis plus de 45 ans, tournée vers plus de libéralisme, de spéculation et de profit, et moins de social. Si ces politiques avaient fonctionné, les français auraient changé d’idée. Or, malgré le déferlement médiatique, qui frise le lavage de cerveau, ça ne prend pas ! Ces idées restent enracinées !
L’étude du Credoc met en évidence une crainte grandissante des populations sur les retraites
« Parmi les orientations à suivre, la question de la prise en charge des dépenses de vieillesse et de retraite semble aujourd’hui occuper particulièrement les esprits. Il y a vingt ans, en 1995, alors que le pays traversait également une période de récession, le traitement de la pauvreté et de l’exclusion était au cœur des priorités de la population (63% des réponses). (…) Le financement des retraites arrive à présent en tête des préoccupations en matière de protection sociale (47%) et 30% se préoccupent principalement de la prise en charge des personnes âgées dépendantes. En vingt ans, ces proportions sont passées du simple au double. »
« Autre signe convergent, les prestations vieillesse et les retraites arrivent, de loin, en haut du podium des prestations sociales qu’il faudrait augmenter en priorité selon la population. La progression est très nette (18% souhaitaient une augmentation de ces prestations en 1995, 29% en 2005, 41% en 2015). »
Plus loin, le Credoc note aussi que « La préoccupation croissante des Français pour le financement des retraites est intergénérationnelle, mais davantage portée par les personnes d’âge actif. »
Lorsqu’on se laisse entraîner à penser que les réformes seraient indispensables (mais « sans tout bousculer »), on finit par penser, en conséquence, que ces réformes ne doivent pas s’appliquer à soi-même, mais aux autres. On veut protéger ce qui nous touche de près; c’est finalement très humain.
Ainsi le Credoc note que « lorsqu’on les interroge sur les préoccupations en matière de protection sociale, les moins de 25 ans se soucient principalement du traitement de la pauvreté (46%, contre 27% chez les 70 ans et plus), suivi de la prise en charge des grands malades (29%, contre 15% chez les sexagénaires) et de l’avenir de l’indemnisation du chômage (26%, contre 8% chez les 70 ans et plus). En revanche, c’est la question de la dépendance des personnes âgées qui préoccupe le plus les 70 ans et plus (47%), et chez les sexagénaires, le financement des retraites constitue la principale inquiétude (53%) »
A bien y réfléchir c’est normal, car les médias martèlent à longueur de journée l’idée qu’il n’y aurait pas d’argent pour satisfaire les besoins de tout le monde, que le social serait un « coût », « une charge » à réduire, qu'il faudrait faire des choix, etc.
Pourtant les profits n’ont jamais été aussi élevés, et les dividendes versés aux actionnaires sont toujours aussi haut, et les plus riches ont vu leur richesse exploser. Mais de cela on ne parle pas, ou si peu, à l’exception par exemple des parachutes dorés et indécents des PDG débarqués par les requins des conseils d’administration.
La Sécurité sociale a été créée il y a 70 ans, au sortir de la guerre, alors que l'économie était détruite.
Aujourd'hui, notre pays est immensément plus riche qu'à cette époque. Il a les ressources pour satisfaire à la fois les aspirations des plus jeunes comme celles des plus âgés/
- Il y a les moyens de lutter contre la pauvreté, en portant, par exemple, le SMIC à 1800€, tout en augmentant les salaires et les pensions ;
- il y a les moyens de prendre en charge les grands malades, tout en assurant l’avenir de l’indemnisation du chômage ;
- De même il y a les moyens de prendre en charge à la fois la dépendance, et le financement des retraites.